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Petits réacteurs nucléaires au Canada : à quel prix ?

Montréal - L’annulation la semaine dernière du premier projet de petit réacteur nucléaire aux États-Unis, le projet NuScale, remet en question la viabilité économique des projets canadiens de développement et de déploiement de petits réacteurs modulaires.

13 novembre 2023

Les clients potentiels de l’Utah se sont montrés réticents face à la montée en flèche du coût de l’électricité produite par le réacteur NuScale, et le projet n’a pas été en mesure de recruter d’autres clients pour acheter son électricité.

Aujourd’hui, en réponse à cette situation, des groupes de la société civile de tout le Canada exigent la transparence et l’obligation de rendre compte des coûts des autres projets de petits réacteurs nucléaires prévus dans ce pays.

"Le Canada doit cesser de signer des chèques en blanc aux promoteurs nucléaires qui ne peuvent tenir leurs promesses d’une électricité fiable et bon marché", a déclaré Gordon Edwards, président du Regroupement pour la surveillance du nucléaire.

Les exigences de transparence aux États-Unis ont contraint les promoteurs de NuScale à divulguer régulièrement les coûts prévus de l’électricité aux investisseurs potentiels. Ce n’est pas le cas au Canada.

Au début de l’année, le prix cible de l’électricité produite par le projet NuScale a augmenté de plus de 50 % pour atteindre 89 dollars américains par MWh (122,99 dollars canadiens), avec des indications que d’autres augmentations allaient suivre. La confiance des investisseurs a été ébranlée et le projet a été abandonné.

La conception du réacteur NuScale est en cours de développement depuis plus de 15 ans et la première coentreprise commerciale avec les services publics d’électricité de l’Utah a été lancée en 2015.

Les gouvernements du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, de la Saskatchewan et de l’Alberta se sont engagés à construire de petits réacteurs, tandis que le gouvernement du Québec mène des études de faisabilité.

Toutefois, aucun de ces promoteurs nucléaires n’a présenté les coûts prévus de la production d’électricité. Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement a modifié la législation pour obliger la compagnie d’électricité à acheter de l’électricité provenant de nouveaux réacteurs nucléaires, même si ce n’est pas l’option la moins coûteuse.

Il y a trois ans, plus de 140 groupes de la société civile du Canada ont signé une [déclaration -/YT0yMzQ3MjQ1MzUyNTY3OTY5MTQzJmM9bDlnNCZlPTQ3NzIxNzkmYj0xMjM4NTY0NTg3JmQ9ejdiM2UxcQ==.vl3ETEnT6zl2TOjScIxpWSJDLFyfNT9y6zCEWsbJ4wg> qualifiant les nouveaux réacteurs proposés de "distraction sale et dangereuse" par rapport à une véritable action en faveur du climat.

Les détracteurs du nucléaire n’ont cessé de répéter que la mise au point de ces nouveaux réacteurs prendrait trop de temps et qu’ils coûteraient trop cher par rapport aux options existantes en matière d’énergies renouvelables, qui ont fait leurs preuves, pour que l’on puisse faire face efficacement à la crise climatique qui exige des mesures immédiates.

À ce jour, les contribuables fédéraux et provinciaux ont subventionné ces réacteurs en accordant un prêt à faible taux d’intérêt de 970 millions de dollars à l’Ontario Power Generation, en accordant plus de 100 millions de dollars de subventions à des entreprises privées et à des services publics en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Saskatchewan et en Alberta, et en consacrant des millions de dollars supplémentaires à la recherche sur les exigences en matière de combustible pour les petits réacteurs de Chalk River.

Les groupes de la société civile demandent des comptes sur ces développements nucléaires coûteux. Sans une transparence totale, les contribuables et les usagers seront contraints de subventionner ces projets de réacteurs expérimentaux et de léguer à nos enfants et petits-enfants une dette économique non désirée, ainsi que les déchets radioactifs que tous les réacteurs nucléaires ajoutent chaque jour à l’héritage.

Citations :

Michael Poellet, président de l’Inter-Church Uranium Committee Educational Cooperative :
«  Les petits réacteurs modulaires (PRM) étaient censés remédier aux coûts excessivement élevés et hors budget de la production d’énergie nucléaire. Avec la chute vertigineuse du prix des énergies renouvelables, la situation économique des PRM n’a fait qu’empirer. L’annulation du projet NuScale avec son partenaire Utah Associated Municipal Power Systems (UAMPS) démontre que la production commerciale d’électricité avec des PRM n’est pas économiquement viable. Les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada doivent permettre aux réalités économiques de rompre l’enchantement qu’ils éprouvent à l’égard des petits réactreurs modulaires. »

David Geary, écrivain et chercheur, Clean Green Saskatchewan :
«  Notre groupe, Clean Green Saskatchewan, a toujours été convaincu que NuScale et toutes les autres entreprises de démarrage de “petits réacteurs modulaires” (PRM), y compris GE-Hitachi [un réacteur choisi par l’Ontario et le Saskatchewan], échoueraient à cause du "résultat net"... c’est-à-dire de l’économie, des "finances". Ils ne peuvent tout simplement pas être compétitifs sur le marché de l’énergie ... par rapport à n’importe quelle autre technologie de production d’énergie électrique. »

Jack Gibbons, président de l’Ontario Clean Air Alliance
« L’échec du projet de petite centrale nucléaire le plus avancé des États-Unis, qui n’a même pas réussi à s’approcher de la viabilité financière, devrait être un signal d’alarme pour les politiciens canadiens qui rêvent de châteaux dans le ciel. Compter sur une nouvelle technologie nucléaire qui n’a pas fait ses preuves pour fournir de l’électricité à bas prix, c’est comme compter sur la neige en juillet. Il est temps que le premier ministre Ford suive l’exemple d’Hydro-Québec et élabore un plan financièrement prudent pour répondre à tous les besoins futurs de l’Ontario en matière d’électricité en investissant dans l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et le stockage. Il est insensé de gaspiller des fonds publics dans des projets nucléaires coûteux et à haut risque, alors que nous disposons d’options beaucoup plus propres, plus sûres et moins coûteuses pour maintenir nos lumières allumées. »

Susan O’Donnell, porte-parole, Coalition pour le développement énergétique responsable au Nouveau-Brunswick
«  Notre gouvernement provincial soutient deux entreprises nucléaires en démarrage et leurs petits réacteurs expérimentaux. Ces deux modèles sont basés sur des réacteurs antérieurs qui n’ont jamais été exploités commercialement avec succès malgré des milliards de dollars de subventions publiques dans d’autres pays. Nous pensons qu’en dépit des dizaines de millions d’euros versés jusqu’à présent aux start-ups, ces coûteux projets ne seront jamais construits. En fait, notre gouvernement fait traîner les choses en longueur et retarde l’adoption de véritables mesures climatiques en pariant sur des licornes et de la poussière de fée. »

Gordon Edwards, président, Regroupement pour la surveillance du nucléaire
«  Les services publics appartiennent au gouvernement. Les citoyens élisent le gouvernement. Chaque citoyen est donc un actionnaire de la compagnie d’électricité et mérite d’être informé de toutes les décisions commerciales qu’il devra finalement payer. Dans un contexte de crise climatique et d’inflation paralysante, dépenser de l’argent de manière inconsidérée est une stratégie terrible. Nous ne devrions pas retarder l’action climatique en perdant notre temps, notre argent et notre volonté politique dans des réacteurs spéculatifs qui sont tous des expériences “premières du genre”. »

Jean-Pierre Finet, analyste et porte-parole, Regroupement des organismes environnementaux en énergie
« Il n’y a pas d’acceptabilité sociale pour l’énergie nucléaire au Québec. Les petits réacteurs modulaires sont non seulement coûteux, ils privent le gouvernement de financement qui serait mieux utilisé pour des technologies éprouvées telles le solaire, l’éolien et le stockage. Il est temps que le gouvernement canadien révèle clairement le coût de cette énergie soi-disant propre. »
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