Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Pourquoi le chaos dans l’ « arc des crises » ?

Si vous prenez une carte du monde, vous voyez une vaste zone géographique qui part de l’Asie et qui descend à travers le Moyen-Orient jusqu’en Afrique : c’est ce qu’on appelle l’ « arc des crises », où se concentrent les conflits dans le monde. Dans cet « arc », il y a un épicentre où la tempête est particulièrement virulente, et qui recoupe des pays comme l’Iran, la Syrie, l’Irak, le Liban, la Palestine et même l’Égypte et le Yémen où des guerres et des conflits d’une grande violence se succèdent pratiquement sans interruption depuis plusieurs années. Aujourd’hui, la médiacratie vient de « découvrir » que ça va mal dans cette région. Tous les doigts sont pointés sur l’« État islamique en Irak et au Levant » (EIIL), qui seraient selon nos experts chevronnés la cause du désastre actuel.

Un produit dérivé

En réalité qu’en est-il ? La crise actuelle culmine un processus de destruction entamé en 2003 par l’invasion américaine. Washington et ses alliés-subalternes comme le Canada, pensaient faire un « bon coup » pour procéder à la « réingénierie » de la région. Mais peu après leur invasion une puissante insurrection a éclaté sous l’égide d’une coalition comprenant des nationalistes, des débris de l’armée et des djihadistes sous l’influence d’Al-Qaida. Les États-Unis ont perdu le contrôle et ils ont alors adopté un « plan B », qui consiste à sous-contracter la guerre à des milices locales et à des pseudos gouvernements sans grande légitimité.

La contamination

Durant 2014, un nouveau joueur est apparu pour reprendre le flambeau, sous l’égide de l’EIIL. En quelques semaines, ils ont défoncé l’armée irakienne totalement désarticulée. Cette force regroupe plusieurs combattants déterminés et entraînés, qu’elle n’a aucune peine à recruter parmi les mécontents du gouvernement irakien, notamment parmi la population sunnite (25 % du pays) qui est particulièrement visée par les exactions d’un régime totalement corrompu. En plus, l’EIIL est allée chercher parmi la masse de désespérés du monde arabe des tas de gens qui considèrent qu’ils n’ont plus rien à perdre. Rapidement, ces combattants ont mis à mal plusieurs régimes dont celui du dictateur Bashar Al-Assad en Syrie, lui-même une cible de l’offensive américaine. Bashar est devenu pour Washington l’ « ennemi de nos ennemis »… Cette totale incohérence américaine se reproduit dans le jeu d’alliances sordides avec les pétromonarchies de la région (Arabie saoudite, Qatar, Koweït), qui appuient les uns et les autres. L’Arabie saoudite, le champion toutes catégories des exécutions et de la torture, est ce grand allié de la « communauté internationale ». Entre temps, cet autre grand allié, Israël, reste une puissance militaire dans la région. Pour le moment, Israël essaie de tirer son épingle du jeu en jetant de l’huile sur le feu. Son ambition est de provoquer la fragmentation des pays de la région en entités ethniques et communautaires dispersées entre de micro États désarticulés. C’est ainsi qu’Israël appuie l’indépendance du Kurdistan, pas parce qu’elle aime les Kurdes, mais parce que cela va accélérer la dislocation de l’Irak.

Plus de guerre

Il faut malheureusement s’attendre en 2015 à plus de guerres, plus de destructions et plus de massacres. Le fait est que l’EIIL n’est pas facile à déloger, en partie parce qu’il a l’appui d’une partie importante de la population. Les États-Unis devant cette pagaille sont divisés entre le président qui voudrait se désengager et les faucons du Parti républicain qui voudraient avec leurs alliés israéliens se relancer dans la bataille pour créer des mini états en Irak, en Syrie, en Palestine, au Liban, en Afghanistan, éventuellement en Iran, au Pakistan. D’autres pays comme la Russie et la Chine voient bien que la guerre actuelle les menace indirectement, d’une part en verrouillant le Moyen-Orient riche de son pétrole, d’autre part en imposant une militarisation extrême que seuls les États-Unis sont capables de supporter.

Le prochain printemps arabe

En 2011-12, les populations dans plusieurs pays de la région ont jusqu’à un certain point bousculé les régimes et les impérialistes. Ce « printemps » n’a pas duré longtemps, mais cela serait une erreur d’ignorer les forces démocratiques qui persistent dans la région. Récemment, une nouvelle vague de grèves ouvrières a éclaté en Égypte, le pays le plus peuplé de la région. La tempête ne fait que commencer …

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