Édition du 17 juin 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

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Le blogue de Pierre Beaudet

S’engager dans la politique, c’est trop dur. Ne pas le faire, c’est pas beau.

Pendant longtemps, la gauche s’est empêtrée dans un discours que j’appellerais « magique ». C’était l’époque où on pensait tout savoir, et que tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec soi étaient au mieux des imbéciles, au pire des traitres. Aujourd’hui, par chance, cette pensée appauvrie n’a plus cours, du moins généralement.

Il y a encore des adeptes de la vérité unique, cependant. On se fait dire par exemple que l’action politique sur le terrain institutionnel est nécessairement une impasse, et que la seule voie est l’action directe. Cette sorte d’anarchisme appauvri se réfère à une tradition qu’on n’a pas pris la peine d’étudier la plupart du temps. Dans un passé relativement récent en effet, des libertaires se sont mis ensemble avec des socialistes pour forcer la porte de la scène politique et faire basculer le dispositif du pouvoir. Ils pensaient que cela serait un outil de plus pour l’émancipation, sans s’imaginer pour autant que cela serait la « voie royale » pouvant régler tous les problèmes. De telles alliances entre mouvements de base et partis de gauche ont parfois donné des résultats, je pense notamment aux luttes populaires dans plusieurs pays latino-américains. Autrement, il y a eu aussi beaucoup d’échecs.

À l’opposé, on peut présenter l’intervention sur la scène politique comme le seul moyen d’arriver à des résultats. Ce qui est également limitatif. Les dominants s’assurent, dans la plupart des cas, que des changements politiques restent confinés dans un périmètre très étroit. Quand des partis sortent de ces contraintes, on les matraque ou on s’arrange pour qu’ils se perdent dans les méandres de l’État. Alors il ne faut pas avoir d’illusion.

Comment éviter cela ? Les partis doivent être ramenés « à l’ordre » par l’action à la base, autonome, critique, émancipatrice, qui peut, dans certaines circonstances, faire contrepoids. Sur ce point, Marx avait totalement raison de penser que les mouvements d’émancipation ne peuvent pas simplement s’emparer de la machine de l’État. Au contraire, il faut la briser et la remplacer par une autre manière de réguler la société où les communautés prennent elles-mêmes en mains leur destinée.

Ce n’est pas une mince tâche et cela peut se faire sur la durée, pas d’une manière instantanée. C’est ce que Gramsci appelait la « guerre de position ». Capter des bribes de pouvoir, les transformer en leviers pour stimuler l’auto-organisation des masses, avoir un sens stratégique très aiguisé pour profiter des défaillances des adversaires. Et quoi d’autres encore ?!? Sans doute de la chance.

Qu’on soit inspiré davantage par l’action politique ou par la création d’espaces autogérés, il faut avoir une bonne dose de modestie et ne pas penser détenir la « ligne juste ». Ce qui implique la capacité de dialoguer et de se respecter, et également, de pratiquer la solidarité et d’exprimer la volonté de travailler ensemble. Cela n’exclut pas, par ailleurs, des désaccords. Mais autant que possible, on essaie de les dénouer, par des débats intelligents, qui cherchent ce qu’il y a d’intéressant et d’enrichissant dans l’ensemble des idées et propositions.

Mots-clés : Blogues Québec

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