Édition du 14 mai 2024

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La guerre en Ukraine - Les enjeux

Ukraine : Les oubliés droits démocratiques et nationaux pourtant la solution

Elle viendra de la résistance et de la solidarité, pas des États, ukrainien inclus

Le problème de la critique de l’esprit de « Munich » à la retenue de l’impérialisme ÉU/OTAN face à la guerre d’Ukraine est d’ignorer le danger nucléaire qui change tout. L’intérêt premier des peuples du monde est d’empêcher l’escalade nucléaire ce que ferait une intervention des pays de l’OTAN au-delà de la fourniture d’armes strictement défensives. Le régime de Poutine joue son va-tout comme grande puissance nucléaire économiquement marginalisée et géographiquement charcutée pour reconstituer l’empire d’antan comme planche de salut de sa survie. Ce régime incapable d’accumulation capitaliste de par sa nature oligarchique ayant institutionnalisé la fuite des capitaux ne peut se maintenir qu’en boostant le chauvinisme grand-russe. C’est la logique de la fuite en avant d’un pouvoir devenu impopulaire ne tenant plus que par la répression qui va l’élargir, si nécessaire, jusqu’à la guerre totale comme en Tchétchénie et en Syrie… puis l’indicible.

Attention ! : L’impérialisme ÉU/OTAN ne veut ni escalade ni victoire russe

Plus la guerre dure, plus nombreuses sont les personnes mortes, blessées et réfugiées, plus ample la destruction, plus grandit le danger de l’escalade jusqu’au nucléaire encouragée par une médiatisation belliciste invitant à la riposte guerrière. L’impérialisme ÉU/OTAN ne veut certes pas cette escalade mais il ne veut pas non plus la victoire de l’impérialisme russe. Cette contradiction risque de mener à des glissements, genre transfert d’avions de combat, vers la guerre nucléaire vis-à-vis lequel la Russie est prête à jouer à la roulette russe. Comme parade à la tentation de l’escalade militaire s’impose l’anti-belliciste aide humanitaire et l’accueil massif sans discrimination des personnes réfugiées avec pont ferroviaire et aérien et sans tracasserie administrative afin de soulager les pays limitrophes… et pas seulement pour la guerre d’Ukraine. Pensons à l’oubliée guerre contre le Yémen. Mais les indispensables réponses humanitaires n’arrêtent pas la guerre bien qu’elles créent des solidarités qui en sont l’antichambre au prorata de l’implication de la société civile.

Les victimes des sanctions tous azimuts ne sont pas ceux visés… sans compter les profiteurs

L’arme des sanctions, à double-tranchant (Marc Bonhomme et Nicholas Mulder, Le double tranchant des sanctions tous azimuts en faveur des ÉU et de son valet canadien, Presse-toi-à-gauche, 8/03/22), crée plutôt une colère populaire contre ses auteurs et non contre le gouvernement visé à moins de cibler directement les fauteurs de guerre sans frapper la population. La saisie de leurs possessions immobilières et mobilières au-delà de celles les plus médiatisées exige de fouiner dans les paradis fiscaux ce qui gêne leurs vis-à-vis « ennemis » mais frères de classe. Ces frères seront toutefois plus enthousiastes à se substituer à leurs affaires peu importent les souffrances populaires infligées aux deux camps. Ainsi va la compétition capitaliste. Ces frères, à la gâchette spéculative légère, n’hésitent pas à hausser les prix des hydrocarbures et de certaines matières premières alimentaires en anticipation des sanctions sans se soucier des creuses dénonciations des gouvernements.

Se pourrait-il que le peuple russe veuille à ce point se débarrasser du bonapartisme poutinien qu’il soit prêt à accepter les dures sanctions financières et commerciales de l’impérialisme ÉU/OTAN comme le peuple birman est prêt à le faire pour vaincre la sanguinaire dictature militaire dirigeante… mais que les puissances occidentales égrainent au compte-gouttes ? À voir. Toutefois, l’ampleur des sanctions frappant la relative importante économie russe et l’interruption obligée du commerce international ukrainien font en sorte que les dégâts collatéraux surtout envers les économies de plusieurs pays dépendants sont/seront considérables. Entretemps, l’industrie militaire des deux camps est morte de rire face à la perspective de juteux profits qui s’annoncent.

Une neutralité combinée à l’autodétermination ne fait que des perdants, sauf pour les peuples

Au-delà de l’aide humanitaire qui fait durer la guerre en minimisant ses souffrances et des sanctions ciblées contre les oligarques dont le pouvoir bonapartiste poutinien est relativement indépendant intervient la proposition anti-nucléaire non pas d’un « Munich » mais d’un « Brest-Litovsk » (Marc Bonhomme, Ukraine : la guerre de tous les risques de plus en plus cruelle — La possibilité d’un Brest-Litovsk gagnant pour tous les peuples du monde, ESSF, 4/03/22). Face à une guerre de tous les dangers qui se prolonge, les protagonistes, en autant qu’une forte mobilisation citoyenne et populaire leur force la main, seront contraints à des concessions en autant que le camp ennemi soit aussi perdant.

Une neutralité ukrainienne — c’est-à-dire un statut de non-aligné dans cette nouvelle chaude guerre froide — dans le cadre d’un accord sécuritaire européen incluant la Russie et reposant sur le droit à l’autodétermination signifierait certes des concessions pour le nationalisme pro-OTAN ukrainien comme évidemment pour les impérialismes ÉU/OTAN et russe mais des gains pour la paix mondiale et les droits démocratiques. En résulterait une Ukraine libre de toute occupation retrouvant ses frontières de 1990 mais aussi reconnaissant des régions autonomes tels la Crimée et le Donbass et sécurisée par un statut de neutralité garantie par toutes les parties. Cette proposition pour aller quelque part doit être reprise par les organisations populaires dénonçant la guerre et luttant contre l’invasion russe mais aussi encastrant cette guerre dans le cadre de l’affrontement des grandes puissances nucléaires.

La clef du succès est enfouie dans la radicalisation des résistances ukrainienne et russe à soutenir

La clef de cette résistance est celle du peuple ukrainien affrontant par tous les moyens armés et pacifiques l’armée russe, par exemple les manifestations dans les zones occupées. Les groupes clefs avec lesquels des liaisons sont à construire sont ceux démocratiques non inféodés à l’État ukrainien nationaliste et pro-OTAN — ce qui n’en fait pas un État fasciste ou sous contrôle fasciste comme le prétendent les campistes — à commencer par les organisations anticapitalistes modestes mais non moins réellement existantes. La leçon de la guerre du Vietnam rappelle l’importance pour la victoire antimilitariste non seulement de la lutte primordiale du peuple agressé contre l’agresseur mais celle du peuple de la nation qui agresse contre son gouvernement et ses profiteurs de guerre.

Il en va de même de celle extrêmement courageuse du peuple russe contre le gouvernement Poutine. S’y joignent les peuples du monde entier qui doivent aussi prendre en compte le contexte du danger de guerre nucléaire posé par l’intervention de l’OTAN dont l’extension cavalière vers l’est européen a servi d’excuse commode, et non de cause, à l’aventurier chauvinisme grand-russe. L’OTAN, jusqu’à son regain de vie suivant l’invasion russe, était en recul politique notamment suite à ses déboires afghans.

Pourquoi pas aussi, en internationalisme conséquent dépourvu de tout racisme, d’enfin dénoncer en même temps que la guerre russe celle implacable que mènent depuis des années contre le Yémen, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis avec la complicité des ÉU et du Canada qui les gavent en armement ?

Le 26 mars marquera aussi le 7è anniversaire de la guerre au Yémen, qui a entraîné la mort de 377 000 personnes, dont 40% de victimes directes des combats et des bombardements et 60% de victimes indirectes, causées par la faim et des maladies guérissables. Plus de quatre millions de personnes ont été déplacées par le conflit et le quart de la population, soit 7,4 millions de personnes, souffrent de malnutrition. (Échec à la guerre, Québec)

Marc Bonhomme, 13 mars 2022
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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