Édition du 14 mai 2024

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Le Monde

Un grand candidat à la présidence des Etats-Unis : Barry Commoner (1917-2012)

Barry Commoner, le grand environnementaliste, est décédé à l’âge de 95 ans. J’ai d’abord appris à connaître Commoner en 1980, lorsque le groupe socialiste dont je faisais partie, les socialistes internationalistes (International Socialists), a décidé de soutenir sa campagne présidentielle pour le Citizens’ Party (Parti des citoyens). Notre idée était que sa campagne pourrait rassembler les mouvements sociaux, en particulier le mouvement écologiste, et le mouvement ouvrier.

Cette idée était aussi celle de Commoner. Jeune homme, il avait été initié au marxisme, puis avait étudié la biologie à la Columbia et à Harvard. Il était devenu non seulement le fondateur du mouvement écologique moderne, mais la figure fondatrice de l’écosocialisme. Ses premières études sur les effets des radiations nucléaires sur les enfants - identifiant le strontium 90 dans les dents de lait - avaient fait de lui une figure de renommée nationale et un militant. Grâce à des conférences publiques et une série de livres, dont le plus influent était Closing Circle (en français : « L’encerclement ») Commoner avait sensibilisé le public et contribué à conscientiser un groupe de militants écologistes

Sentant à l’époque que je devrais en savoir plus au sujet de notre candidat, j’ai lu son livre The Poverty of Power (en français : La pauvreté du pouvoir). Ayant passé les dix années précédentes à militer dans le mouvement anti-guerre, puis dans le syndicat des Teamsters, j’avais négligé la question de l’environnement, et le livre a été une révélation pour moi. Commoner mettait le problème de l’énergie, dans son contexte économique et politique. Sa critique des problèmes environnementaux été enracinée dans sa critique du capitalisme.

À Chicago, le comité organisateur du Citizens’ Party était dirigé par le docteur Quentin Young, le grand écrivain et critique culturel Studs Terkel et Sidney Lens, syndicaliste et historien. Nous avions également des militants du syndicat électrciens, dont un qui avait travaillé sur la campagne de Henry Wallace en 1948, et des étudiants de l’Université de Chicago qui connaissaient la réputation Commoner. Avec Young, Terkel, et Lens menant nos discussions, les réunions étaient de merveilleuses fêtes de la parole, et il en fut de même de certaines campagnes, comme la collecte de signatures pour mettre Commoner sur le bulletin de vote dans l’Illinois et du Michigan.

Je me souviens que des organisateurs du Parti des consommateurs de Philadelphie, qui faisait partie du Parti des citoyens de Commoner, étaient venus à Chicago pour parler de la campagne. Un de leurs responsables nous a dit : « Vous travaillez depuis des années comme organisateurs et militants à construire un mouvement, mais vous ne créez pas un parti politique, de sorte que vous semez et vous laissez le Parti démocrate faire la récolte." Notre travail dans Parti des citoyens, dit-il, était de donner une expression politique à notre travail pour la démocratie et à notre militantisme au sein des syndicats, contre le racisme, contre la guerre, pour les droits des femmes, et pour un environnement sain. En fin de compte, Commoner n’a eu que 234.000 voix, pendant que Ronald Reagan battait Jimmy Carter, le titulaire. Mais Commoner avait soulevé toutes les questions importantes.

Le Parti démocrate continue de faire la récolte. Nous n’avons pas encore eu la convergence des bouleversements sociaux et de l’alternative politique qui seule peut fournir la base d’un changement fondamental. Mais nous continuons à travailler pour construire les mouvements et campagnes alternatives de sorte que, lorsque l’occasion se présentera, nous serons prêts.

Nous avons peu de possibilités en Amérique de voter pour les candidats ou les causes dans lesquels nous croyons. En 1968, j’ai voté pour Eldridge Cleaver candidat du Parti de la paix et de la liberté en Californie, pendant que le Dr Benjamin Spock, le fameux pédiatre, était candidat dans l’État de New York. Comme le nom « de la Paix et de la Liberté » l’indique, ce Parti représentait la convergence des droits civils et des mouvements anti-guerre des années 1960. Une fois encore, en 1996 et en 2000, j’ai pu donner ma voix à Ralph Nader, le candidat du Parti Vert, dont la défense des consommateurs et de la conscience sociale s’est transformée en une campagne qui avait un caractère socialiste, même si le mot n’a jamais été utilisé.

Pourtant, je pense que c’est peut-être la campagne Barry Commoner qui représente les meilleures valeurs de toute une époque aux États-Unis : du côté du mouvement ouvrier, pour la justice raciale et sexuelle, par opposition au militarisme et à la guerre, et pour la protection de l’environnement. Je remercie Barry Commoner de nous avoir donnés cette opportunité et je sais que par sa mort, nous avons perdu un de nos figures les plus inspirantes.

* Publié en anglais sur le site de Solidarity (USA) et disponible sur ESSF (article 26547), USA – A Great Presidential Candidate : Barry Commoner (1917-2012)

* Traduit de l’anglais par Daniel Tanuro pour le site lcr-lagauche.be

* Dan La Botz est un enseignant basée à Cincinnati, écrivain et militant

* Publiés sur http://www.lcr-lagauche.be/

Dan La Botz

L’auteur est un professeur d’université américain et un militant de l’organisation socialiste Solidarity.

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