Édition du 7 mai 2024

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États-Unis

Un nouveau parti aux États-Unis : le « WORKING FAMILIES PARTY » fait des vagues et dérange de statu quo

Sauda Baraka n’a pas cherché à se faire élire à la Commission scolaire de Bridgeport au Connecticut en pensant que ce sera un tremplin pour un poste plus élevé. Elle est devenue un parent impliqué dans la cause scolaire au fur et à mesure que ses enfants fréquentaient les écoles publiques du secteur. C’était jusqu’en 2004, quand le Parti républicain l’a recrutée pour être candidate à la Commission scolaire [1]. Le Connecticut y réserve trois sièges aux partis minoritaires et à l’époque les Démocrates dominaient à Bridgeport. Elle a accepté et elle a gagné.

Sarah Jaffe, In These Times, 20 mars 2014,

Traduction, Alexandra Cyr

Elle a passé quatre années à se battre pour plus de financement pour les écoles et plus de transparence dans les opérations. Les Républicains l’ont renvoyée. Elle a déclaré à In These Times : « Je suppose qu’ils n’appréciaient pas mes positions politiques ».

Elle n’était pas plus appréciée des Démocrates ; son désaccord avec la réforme de type corporatif de l’éducation (soutenue par les Démocrates) ne la leur rendait pas plus sympathique. Comme dans bien des endroits dans le pays, la privatisation des écoles est soutenue par les deux partis dominants. Elle ne s’est pas laissé abattre pour autant. Elle a décidée de se présenter comme indépendante. Un des ses amis lui a alors parlé du « Connecticut Working Families Pary » (WFP) qui envisageait de présenter unE candidatE à un des postes pour les partis minoritaires à la Commission scolaire. Cela lui a sourit dit-elle : « J’aime les mouvements venus de la base. J’ai aimé ce qu’ils disaient et leur plateforme. Je pouvais approuver la majeure partie de ce qu’elle contenait ». Elle s’est présentée et elle a gagné. C’était en 2009. Une autre candidate du parti, Mme Maria Pereira a aussi été élue.

Après des années de bataille à Bridgeport, le parti y a obtenu la majorité en 2013 avec 9 membres éluEs : 2 membres du parti, 3 conjointement avec les Démocrates et Mme Baraka comme présidente.

Ce n’est qu’un des succès de ce parti à travers le pays cet automne. Il en a eu plusieurs. Le plus visible étant celui du nouveau maire de New-York, M. Bill de Blasio. Cette victoire était accompagnée d’une liste progressiste dont l’avocate Letitia James, la première femme de couleur a détenir un siège au conseil de ville et Mme Melissa Mark-Viverito la première de langue espagnole. On s’attend à ce que le WFP lutte pour des mesures progressistes à New-York. Cela voudrait dire une augmentation des jours de maladies (pour les fonctionnaires de la ville) une augmentation de la taxation des plus riches pour financer un système de garderie universel et plus encore.

Les victoires à New-York ont attiré l’attention. La façon dont le WFP exerce le pouvoir, que ce soit dans les bureaux de vote, au Conseil de ville ou au parlement de l’État sera déterminante. Il devra mettre à jour les bizarreries des systèmes électoraux à ces deux niveaux et développer les bases progressistes en sa faveur s’il veut devenir viable. Mais sans grand nom fameusement connu pour une candidature à la présidence, avec un parti bâti depuis la base…….? Mais si jamais le WFP réussissais cela, il pourrait changer le cour de la politique nationale, la faire passer du soutient au 1% à celui des gens ordinaires.

Les arrangements électoraux,

Dans les États du Connecticut, de New-York et d’Orégon, le WFP compte sur les « fusions du vote » pour s’introduire dans la course. Ce processus existe dans huit États ; il permet à unE candidatE d’être présentéE sous plusieurs bannières en même temps. Par exemple, les New-YorkaisEs pouvaient voter pour M. Di Blasio que ce soit sous son appartenance démocrate ou au WFP. Cela permet à l’électorat de voter pour le parti qu’il préfère autant que pour un candidat sans que la ligne de parti n’intervienne pour diviser les deux aspects ce qui est si souvent déploré par les petits partis. Bien sur, avoir ses propres candidatEs rend les petits partis plus indépendants même s’ils ne se prévalent que rarement de cette option qui implique qu’ils soient connus et apprécié de l’électorat. Les fusions leur permettent de gagner des votes et de se maintenir sur les listes électorales pour l’élection suivante sans passer par la lourde tâche de faire signer des pétitions.

Ms Dan Cantor et Joel Rogers ont fondé le prédécesseur du WFP, le New Party en 1990. Ils étaient convaincus que la stratégie des fusions de vote était la meilleure façon d’arriver à contrer le système des deux partis au plan national. L’arrêt de la Cour suprême qui les invalidait dans certains États a marginalisé le New Party. À ce moment là, Ms Cantor, Bob Master de Communications Workers of America et Jon Kest qui était alors à ACORN [2] ont convenu de se concentrer dans les États où les fusions étaient encore autorisées en commençant par New-York. En 1998 ils ont fondé le WFP.

Mais, la base du pouvoir qu’à construit le WFP en s’impliquant dans le débat sur certains problèmes et en gagnant certaines primaires, n’est pas surtout dû à la stratégie des fusions, au contraire. Cela peut tout autant s’appliquer dans les États où elles ne sont pas permises. Le chef national du WFP déclare : « Même si nous aimons les fusions, elles ne sont pas essentielles à la progression de notre projet ». Donc le WFP a commencé à s’installer comme organisation politique indépendante dans les États comme le New-Jersey, la Pennsylvanie, le Maryland et dans le district de Washington où les fusions ne sont pas autorisées. Il planifie des campagnes autour d’enjeux comme le financement des jours de maladie, de faire pression sur les éluEs pour obtenir leur support sur ce genre de question et il formera ses candidatEs pour les primaires ou pour les élections générales. M. Cantor veut utiliser les deux stratégies selon les États, pour opérer un tournant dans le débat politique. Il souligne que le Tea Party n’a pas seulement poussé les RépublicainEs à droite il en à fait autant chez les Démocrates.

C’est quand les partis dominants s’accordent pour soutenir des politiques comme les réformes de type corporatif dans l’éducation qu’un troisième parti peut mettre de l’avant des idées et des enjeux qui autrement seraient complètement négligés. Par exemple, en Orégon le WFP à travaillé avec des groupes d’étudiantEs pour défendre un plan de révision du financement des collèges. Ils se sont alliés aux Démocrates pour venir à bout de cette tâche et leur proposition a été adoptée par le Parlement de l’État. Il travaille en ce moment à l’élaboration d’un projet de loi qui créerait une banque de l’État qui investirait l’argent de l’Orégon sur place plutôt que de le transférer sur Wall Street. Cette banque prêterait à bas coût aux résidentEs de l’État. Les partis dominants sont peu susceptibles de mettre de l’avant de telles propositions ; ils sont financés en grande partie par les banques, même au niveau des États.

Nationalement, le parti soutient des propositions bien connues comme le paiement des congés de maladie et l’augmentation du salaire minimum. Même s’il n’en est pas l’initiateur ses 15 années d’ implication lui a donné suffisamment de visibilité pour qu’il puisse exiger des éluEs de prendre position dans quelqu’État que ce soit. Les candidatEs qui veulent que le WFP les appuie concrètement en temps d’élection, ont tout intérêt à l’appuyer sur ce genre de proposition.

« Le pouvoir est fait d’éléments idéologiques mais aussi de rapports de force politique » nous dit M. Cantor qui ajoute : « Pouvez-vous, en ce moment, fournir l’énergie, les idées, les troupes, le financement, les tactiques, la moralité et les troupes dont tous les bénévoles nécessaires pour mener une lutte donnée ? Ce peut être pour une bataille autour d’une problématique ou une lutte électorale. Je me réjouis quand je pense au WFP : nous avons tout ça ».

SE SITUER COMME MODÈLE MINORITAIRE

La décision du WFP de présenter sa candidate sur ses propres bases à Bridgeport est une rupture avec ses anciennes manières de faire. Jusqu’ici il avait défendu ses revendications au sein du Partidémocrate. Il recrutait ou endossait des éléments progressistes de ce parti au moment des primaires. Au Connecticut, les règles de gestion des représentations minoritaires lui ont donné une opportunité de gagner du terrain comme troisième parti.

Ce ne fut pas facile. Depuis l’élection des candidatEs du WFP, Mme Baraka doit continuer les luttes qu’elle menait contre la majorité au Conseil d’administration de la Commission scolaire ; elle demande toujours plus de financement pour les programmes et plus d’information sur ce qui se passe (…). Mais, personne ne s’attendait à ce que la majorité démocrate du Conseil vote pour sa propre disparition. C’est ce qui est arrivé ! La présidente de l’époque, Mme Barbara Bellinger, avec l’appui de cinq membres du Conseil et du maire de Bridgeport, a demandé au Conseil de l’éducation de l’État de révoquer tout le Conseil et d’y installer des personnes qu’il aurait choisi. La Cour suprême de l’État a déclaré cette manœuvre non constitutionnelle mais les personnes nommées avaient déjà commencé à siéger et nommé un surintendant déjà bien connu pour avoir officié à la Nouvelle Orléans, à Philadelphie et Chicago où il s’est distingué par ses congédiements d’instituteurs-trices et par sa promotion des écoles à chartre [3]. En 2012, le maire de Bridgeport, M. Bill Finch, et ses alliés qui défendent les écoles à charte ont proposé au Conseil municipal de mettre fin à l’élection des membres de la Commission scolaire. (…) Ce fut un flop magistral.

Après cet épisode, il était clair pour le responsable local du WFP, M. Lyndsay Farrell, qu’il leur fallait plus de deux éluEs à la direction de la Commission. « Nous avons pris des décisions stratégiques. En plus d’avoir nos propres candidatEs, il fallait que nous supportions certainEs Démocrates qui soient capables de travailler avec nos propres éluEs, lors de leurs primaires. Nous en avions besoin pour faire valoir un programme plus progressiste » a déclaré M. Farrell.

Trois de ces candidatEs ont été éluEs après avoir endossé le programme du WFP lors des primaires et ensuite lors des élections générales. Avec Mme Baraka à la présidence et un membre du WFP de plus élu ils forment un groupe qui aura une majorité au Conseil de la Commission, une majorité qui pourra s’opposer au virage vers les écoles à Charte, à l’ambition de Teach for America et d’autres entreprises d’introduire le modèle corporatif dans les écoles. Peut-être bien que ce sera aussi une expérience significative pour la construction du parti.

De nouveaux territoires,

La Commission scolaire de Bridgeport n’a pas été la seule instance publique à être secouée au cours des élections de 2013. Partout dans le pays, cet automne le mécontentement face aux bonnes vieilles habitudes politiques s’est exprimé. À Seattle, le socialiste Kshama Sawant a été élu au conseil de ville [4]. À Minneapolis Ty Moore, un autre socialiste à presque été élu. En Ohio, dans le comté de Lorain une liste ouvrière indépendante a réussi à faire élire 24 candidatEs. Il existe à travers le pays un désir de se dissocier du Parti démocrate. Le plus fort écho nous vient de Chicago. Là, le syndicat des enseignantEs fait alliance avec d’autres syndicats ouvriers et des organisations communautaires dans le but de former une organisation politique indépendante.

Tout cela, ce sont de bonnes nouvelles pour le WFP. Il tente d’élargir son action en ce moment. Les succès à Bridgeport ont inspiré Andi Perez, directeur exécutif de Youth United for Change à Philadelphie. Cet organisme qui lutte pour l’amélioration de la qualité dans les écoles publiques s’est impliqué dans la coalition pour la structuration du WFP au niveau de l’État. Il n’y a pas de possibilités de fusion des candidatures dans cet État mais il y a d’autres façons de travailler pour que le parti ait un impact. Il faudra envisager de soutenir des candidatures au moment des primaires avec des groupes communautaires pour travailler autour d’enjeux comme les salaires, la taxation et le financement des écoles. Peut-être sera-t-il possible également d’avoir des candidatEs aux élections municipales à Philadelphie où les règles de représentation des partis minoritaires les autorisent comme c’est le cas à Bridgeport.

Dans cet État où la vie politique est très polarisée les villes sont installées dans le giron démocrate, les parties rurales dans celui de l’extrême droite républicaine il se peut que l’arrivée d’un troisième parti secoue les esprits. C’est du moins ce qu’espère Gabe Morgan. Avec son syndicat, le SEIU [5] 32BJ de Pensylvanie, il travaille au développement d’une branche du WFP dans l’État. En 2013, à Pittsburg, ils ont fait parti d’une coalition qui a réussi à virer les Démocrates du Conseil municipal. Ils se sont joint à une liste d’opposantEs lors des primaires et ont finalement gagné les élections y compris celle du maire, M. Bill Peduto. WFP n’y était pas mêlé mais M. Morgan aurait voulu que cette victoire soit aussi la sienne : « Le but est de construire une organisation qui s’occupe réellement de la classe travailleuse à Philadelphie. Pour que ça marche et que ça ait du sens, il faut qu’elle soit vraiment de la place. Ce que nous développons à Philadelphie ne sera pas exactement pareil qu’à New-York ni qu’à Pittsburg ni non plus qu’au Connecticut ».

La nouvelle organisation a déjà tenu un forum avec les candidatEs démocrates qui veulent en finir avec le gouverneur (républicain) M. Corbett. Elle veut fermement rebâtir le système scolaire de Pittsburg qui souffre du contrôle républicain qui l’a amputé d’une partie de son financement, éliminé des programmes et fermé des écoles. M. Morgan déclare qu’il a aussi l’ambition d’améliorer le niveau de salaire des employéEs de l’aéroport et de changer le courant ultralibéral qui accorde des baisses d’impôts aux entreprises qui contribuent à l’embourgeoisement des quartiers sans qu’elles payent leur part du financement scolaire.

Pour M. Perez, le WFP est un outil pour solidifier des alliances qui existent déjà entre les syndicats, les groupes communautaires, les individus et les institutions. Il met en contact tous ces joueurs progressistes pour un objectif plus grand, le développement d’un parti. Ce qui lui fait dire : « Ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous construiront notre pouvoir ».

Les non syndiquéEs,

Pour arriver à construire ce pouvoir, Gabe Morgan pense que le WFP à Pennsylvanie doit aussi rejoindre les non syndiquéEs, et les adhérantEs à d’autres organisations. Il lui faut s’adresser à toute la classe ouvrière. De nos jours, la plupart des travailleurs-euses ne sont pas syndiquéEs. Si le parti veut réellement devenir une organisation de masse il faut qu’il trouve un moyen d’entrer en contact avec une population ouvrière terriblement atomisée. Bien sur, il ne serait pas ce qu’il est sans l’aide des grands syndicats et des groupes communautaires. ACORN [6] et le syndicat des travailleurs-euses des communications ont joué un rôle majeur dans la montée du WFP. Le local 32BJ du Syndicat des EmployéEs des services à New-York a été son affilié depuis le début. Comme le dit Mme Bertha Lewis, ancienne dirigeante d’ACORN : « Il y avait une question de principe ; nous devions, pour être affiliés au parti, pour en devenir membre, être de vraies organisations qui mènent des actions concrètes directement sur le terrain ».
Dan Cantor vise un réel équilibre entre les deux approches : « Il nous faut des joueurs institutionnels dit-il, mais j’ai toujours pensé que le travail de nos organisateurs, dans un État donné, était de réussir à garder une certaine harmonie entre les intérêts des forces institutionnelles et ceux des militantEs individuelLEs. Les premiers fournissent des ressources, des contacts et beaucoup de gens qui s’impliquent et les autres, l’énergie et les idées ».

Michael Hirsch, qui fut longtemps un militant ouvrier, maintenant retraité d’un syndicat où il était rédacteur de textes et qui est devenu membre du WFP fait remarquer qu’il peut être difficile de faire respecter les besoins des militantEs qui ne sont pas membre d’un syndicat ou d’un groupe communautaire par les institutions existantes. En 2000 il a contribué à mettre en place un des clubs du WFP dans Manhattan-East-Side à New-York. Ceux et celles qui s’y sont engagé se sont réunis tous les mois, ont mené campagne dans leurs quartiers sur des enjeux précis et avec des candidatEs que le parti soutenait. Finalement le club n’a pas survécu en partie parce que sa place n’était pas claire à l’intérieur du parti ce qui a donné à des sièges décisifs à des personnes représentant des institutions. Pour M. Hirsch, de telles situations sont dérangeantes et difficiles à vivre. Elles exigent beaucoup d’implication mais ultimement, elles sont nécessaires. Elles peuvent servir à comprendre comment le parti pourra, un jour, s’étendre dans des milieux plus conservateurs où les groupes communautaires et les syndicats sont moins présents mais où la classe ouvrière peut quand même être ouverte à entendre parler d’augmentation de salaire et meilleurs soins de santé et de meilleures écoles.

Puisque la stratégie du parti tourne autour des gains à faire dans les primaires, la façon la plus simple de mesurer le nombre d’adhrantEs est complètement inutile. Il n’y a pas d’intérêt à enregistrer les gens comme membres du WFP si ça les empêche de participer aux élections du parti Démocrate. M. Cantor explique qu’il y a bien des façons de s’impliquer dans le parti ; on peut être inscrit sur sa liste courriel, faire des dons, se joindre à un groupe local, observer la sélection des candidatEs et participer à leurs réunions, faire du porte-à-porte ou des appels pour les candidatEs. Tout cela est utile. Il observe aussi que comme le parti sort de ses zones de confort un des défis est de développer des formes d’organisation avec lesquelles la population peut s’identifier, se sentir à l’aise mais que le parti peut soutenir concrètement et financièrement.

L’enjeu Cuomo,

La poussière des élections n’est pas encore tombée à New-York où le parti a commencé. Au-delà de l’élection spectaculaire du maire De Blasio un autre défi de taille se dresse devant le WFP : le gouverneur démocrate de l’État, M. Andrew Cuomo. La gauche a souvent questionné les choix du parti depuis sa fondation mais jamais aussi agressivement qu’en ce moment. Le WFP a décidé de soutenir la candidature de M. Cuomo qui a pourtant fait une campagne très conservatrice et mené une politique de rigueur. Mais le parti est dépendant de la course du gouverneur de New-York. Les règles électorales de l’État exigent l’obtention de 50,000 votes lors d’une course pour le poste de gouverneur, pour garder le droit de se présenter. C’est ce que le parti avait fait en 1998 en soutenant pour la première fois le Démocrate, Peter Vallone. Même si M. Vallone a perdu, le WFP avait obtenu 51,325 voix gagnant ainsi son droit de présenter des candidatEs, droit qu’il maintient depuis. Là où il n’a pas eu cette victoire, il doit passer par l’opération des signatures de pétitions pour présenter des candidatEs.

En 2010, le parti a eu peur qu’en ne s’alliant pas à la candidature de M. Cuomo, il ne puisse atteindre les 50,000 voix fatidiques. M. Cuomo en a tiré parti et a fait pression pour que le WFP soutienne son programme qui comprenait des baisses d’impôts et de taxes et des gels de salaire. M. Cuomo a facilement été élu et le WFP a réussi à se maintenir comme parti dans le jeu électoral mais il n’est pas certain que cela a influencé le vote pour le parti. Peter Frase, sociologue et contributeur à In These Times, (…) a analysé les résultats. Il a dégagé, que dans presque tous les comtés, M. Cuomo n’a pas récolté plus de votes du WFP que de n’importe quel autre candidat qui lui était associé. (…) On ne peut pas prouver qu’unE candidatE autonome du WFP aurait pu récolter les critiques 50,000 voix. M. Frase souligne que le candidat des Verts, M. Howie Hawkins, en a eu 59,906 ce qui laisserait entendre qu’il aurait été possible pour un troisième parti de se maintenir dans le jeu électoral en se présentant comme opposition de gauche contre M. Cuomo.

Ce gouverneur est encore en lice pour l’élection de cette année. Le WFP fera face à des pressions importantes que ce soit des pros ou des contres Cuomo. Mais le climat politique est totalement différent de ce qu’il était la dernière fois, nationalement et régionalement. M. Cuomo est maintenant complètement à côté de la plaque socialement et politiquement. Dans une récente conférence de presse il a même annoncé qu’il voulait réquisitionner 613 millions de dollars des 13 milliards que JP Morgan Chase doit verser en amande pour ses fraudes immobilières et qui doivent aller aux propriétaires que la banque à fraudéEs. Il voulait que cette somme soit transférée dans fond courant de l’État et qu’il finance d’autres coupes d’impôts et de taxes.

(…) Donc, l’enjeu Cuomo dépasse celui de la simple candidature. C’est l’enjeu du pouvoir et de qui le détient, que ce soit dans le parti ou à l’extérieur. D’une certaine façon, c’est la stratégie future du WFP qui est en cause.
Pour Michael Hirsch, il n’y a qu’une voie : présenter unE candidatE du parti contre le gouverneur Cuomo. Il est conscient que c’est un risque à prendre mais un risque qui en vaut la peine. Ce ne sera pas facile mais pas impossible : « Cela veut dire amener les syndicats à s’entendre sur le fait qu’ils ne s’entendent pas. Il faudra tenter de savoir si certains syndicats sont prêts à rompre avec M. Cuomo. Et cela veut dire encourager des gens de gauche qui ne sont pas actifs en temps d’élection à le devenir ». À New-York, en 2013, les syndicats se sont divisés et ont appuyé des candidatEs différentEs. (…) Officiellement, le WFP est resté neutre à cause de cette division.

Ce ne serait pas la première fois que le WFP serait d’accord pour dire qu’il ne s’entend pas avec ses alliés les plus importants. En Orégon, sa proposition en faveur de l’augmentation du financement en éducation a fait face à l’opposition de l’association des parents et du Syndicat des enseignantEs. Pour M. Cantor, cette expérience montre que : « Si dans votre organisation les gens développent une expérience de travail en commun et de la confiance réciproque, vous pouvez ne pas y être d’accord sans qu’elle explose ».
Dans quelques mois, une décision quant l’association avec le gouverneur Cuomo sera prise. Pas facile de la prédire mais depuis 2010, le parti n’est pas resté silencieux face aux politiques mises de l’avant par le gouverneur. Dans un récent communiqué de presse il déclare : « Le plan économique de type percolation [7] que le gouverneur implante en association avec des baisses d’impôt pour les entreprises et sur l’immobilier, ne sert qu’à cristalliser le statut de l’État de New-York comme la capitale mondiale des inégalité ».

Finalement, tout repose sur la manière dont on construit le pouvoir. Cela exige des coalitions, des appuis institutionnels et des militantEs enthousiastes. Il faut aussi beaucoup d’organisation, et probablement par-dessus tout, une volonté de choisir les bonnes batailles.

Bertha Lewis connait probablement mieux que quiconque combien ces luttes peuvent être difficiles. Mais elle pense qu’elles en valent la peine : « Dans le passé, parfois, vous ne pouviez distinguer unE Démocrate d’unE RépublicainE. Personne ne voulait parler de race, de pauvreté. Le débat dans lequel nous sommes entréEs maintenant à propos des inégalités est venu parce que des groupes comme le WFP ont adhéré à nos principes et à nos idées. Ils n’ont pas cessé de dire et répéter qu’il y a des inégalités. On a retrouvé notre vitalité ».


[1J’emploie ce terme qui nous est familier pour traduire Board of Education qui n’est pas tout-à-fait une structure identique. N.d.t.

[2Association qui aide les familles et les personnes en situation précaire et difficile partout aux États-Unis.n.d.t.

[3Ce sont des écoles privées sans but lucratif, moins subventionnées que les écoles publiques où le personnel doit rendre possible des résultats élevés. Ces écoles ont une certaine autonomie face aux programmes. Elles passent un contrat avec les familles des élèves et les parents ont le choix de l’école pour leurs enfants.

[4Voir art. dans ce numéro.

[5Service Employees International Union. Syndicat international des employéEs de service. N,d,t,

[6Association qui aide les familles et les personnes en situation précaire et difficile partout aux États-Unis.n.d.t.

[7En Anglais, « trickle-down ». Ce concept veut que l’enrichissement des éléments du haut de la pyramide sociale se traduise par des retombées positives pour les classes inférieures. N.d.t.

Mots-clés : États-Unis États-Unis
Sarah Jaffe

Sarah Jaffe travaille à The Nation Institute et écrit sur le syndicalisme, la justice sociale et économique et la politique pour, entre autres, Truthout, The Atlantic, The Guardian, In These Times. Elle a publiée Necessary Trouble : Americans In Revolt (Nation Books, 2016).

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