Édition du 30 avril 2024

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Le blogue de Louise Chabot

Un système fiscal à deux vitesses

Avez-vous déjà eu maille à partir avec le fisc ? Avez-vous déjà fait une erreur sur votre déclaration de revenus ? Assez rapidement, dès que l’erreur est constatée, vous recevrez une lettre vous indiquant de payer le montant dû. Si vous ne vous acquittez pas à temps de cette dette, le ministère du Revenu vous facturera rapidement les intérêts et se servira à même votre futur remboursement d’impôt, le cas échéant.

À moins que vous ne soyez un multimillionnaire assisté d’un cabinet comptable spécialisé et que vous ayez caché vos millions dans un paradis fiscal notoire. Dans ce cas, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, vous serez amnistiés et n’aurez aucune pénalité à payer (1) !

Pourquoi ce passe-droit ?

Qu’est-ce qui justifie un tel traitement de faveur à l’égard des riches clients de la firme comptable qui ont caché au moins 130 millions de dollars à l’île de Man (2) ?

Selon l’Agence du revenu du Canada (ARC), des ententes de ce type permettent d’éviter de longs litiges qui seraient coûteux pour toutes les parties et dont les résultats peuvent être difficiles à prédire. Cette explication ne tient pas la route. Surtout qu’à l’époque, le gouvernement conservateur nous assurait qu’il faisait tout en son possible pour combattre les paradis fiscaux.

Les résultats d’un tel laxisme sont assez faciles à prédire. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent. L’absence de mesures coercitives et d’une véritable volonté politique de lutter contre ce type de comportement ne fait qu’encourager les contrevenants à recommencer. D’autant plus que l’ARC a tenté de cacher les détails de ces arrangements, craignant probablement qu’elle inspire d’autres fraudeurs à agir de la même manière.

Pour une véritable justice fiscale

Dans son rapport (3) sur les solutions et les mesures de lutte contre les paradis fiscaux, le Réseau pour une justice fiscale recommandait justement au gouvernement fédéral de modifier le régime de divulgation volontaire pour y ajouter des pénalités, comme cela se fait aux États-Unis. Frauder le fisc est un crime, ça doit être clair pour tout le monde.

Les firmes comptables doivent être imputables

Les firmes comptables qui proposent à leurs clients des « stratégies fiscales » comme celles proposées par KPMG à ses richissimes clients doivent aussi être tenues responsables.

Quand des firmes comptables agissent comme intermédiaires auprès des fraudeurs de l’impôt, elles se rendent complices du crime. Elles aussi doivent être pénalisées, et sévèrement de surcroit.

La commission parlementaire sur le recours aux paradis fiscaux de l’Assemblée nationale du Québec (4) devrait entendre des firmes comptables cet hiver en audiences publiques. Espérons que les parlementaires feront état de ce cas épouvantable. Dans un contexte où chaque sou compte pour nos services publics, on ne peut se permettre de laisser ces fraudeurs fiscaux agir en toute impunité. Lutter contre le fléau des paradis fiscaux doit être une priorité.

Notes

1- Affaire KPMG : le fisc offre une amnistie secrète aux multimillionnaires

2- Canada Revenue offered amnesty to wealthy KPMG clients in offshore tax ’sham’

3- Combien d’impôts nous échappent ?

4- Mandat d’initiative - Le phénomène du recours aux paradis fiscaux

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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