Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet du 7 août

Gilles Duceppe prépare l’après-Marois

Plusieurs personnes se sont offusquées, à juste titre, de la charge à fonds de train de Gilles Duceppe contre Amir Khadir. Je ne répéterai pas les arguments qui sont présentés (7 août) par deux lecteurs du Devoir. On peut reprocher à Gilles Duceppe bien des choses, mais surtout pas d’être une tête fêlée qui dit n’importe quoi. Au contraire, l’ancien chef du Bloc est un fin calculateur qui mesure toujours ses mots. Certes, il s’est déjà trompé (les dernières élections fédérales), mais généralement, il a toujours une stratégie en poche et il l’applique. Comment donc expliquer la vicieuse attaque contre Amir ?

Blogue du 7 août

Duceppe, mais aussi Pauline Marois et l’appareil du PQ sentent le vent tourner contre eux. L’« irruption » de Jacques Duchesneau risque de coûter cher au PQ dans plusieurs régions dont les couronnes nord et sud de Montréal et des régions comme Québec et le Saguenay. Alors qu’on disait le projet réactionnaire de François Legault battu d’avance, voilà qu’il rebondit. Mais ce rebondissement était prévisible, lié à une réelle fatigue par rapport aux deux « vieux » partis, ce qui n’affecte pas seulement le PLQ. Malgré ses efforts, Pauline Marois n’a pas réussi à redonner l’élan. En fin de compte, sa stratégie était jusqu’à maintenant de garder un profil bas, de ne pas avancer beaucoup, et d’espérer que le balancier de l’alternance favorise le PQ devant le gouvernement le plus impopulaire de l’histoire du Québec. Ce n’était pas nécessairement irrationnel compte tenu d’un terrain politique perverti par les manigances des uns et des autres. Mais maintenant, cela risque d’être insuffisant puisque le duo Legault-Duchesneau prétend représenter une alternative en profitant des énormes appuis dont il dispose dans les médias poubelles comme le réseau Quebecor.

L’autre côté de l’équation pour Marois, c’est le fait que Charest a jusqu’à date mené une bonne campagne. Charest mise sur les mêmes mensonges et la même démagogie qui l’ont toujours caractérisé. Il dispose en partant d’une base électorale d’autour de 30 % qui est pratiquement inaltérable, en partie par le vote des communautés anglophones et immigrantes, en partie par l’appui d’une partie des francophones pour qui le projet du PQ est une sorte de fin du monde. En fin de compte pour Charest, l’ambition est d’aller chercher le 5-6-7% de votes de plus, ce qui lui donnerait une sérieuse chance de se faire réélire !

Marois et Duceppe sont alimentés par une petite armée de « spins » et d’experts patentés qui leur servent deux sondages par jour. Ils constatent le glissement. Ils savent également que Québec Solidaire représente un sérieux adversaire dans quelques comtés surtout à Montréal. Mais un changement de stratégie par le PQ n’est pas évident. On peut se prétendre les champions de la corruption, mais comme le dit Michel David dans le Devoir, qui va penser que Duchesneau n’est pas l’homme providentiel à ce niveau !? On peut espérer raviver la flamme souverainiste, mais c’est incongru de la part d’un parti qui depuis des mois affirme que ce n’est pas la priorité. On peut se dire de « gauche » en ramenant les questions sociales et environnementales, encore là, il y a un problème de crédibilité pour un parti ancré dans la vision « lucide » que lui a légué Lucien Bouchard. Que faire alors, sinon espérer des gaffes du PLQ et de la CAQ (ce n’est pas impensable), et aussi que la montée de la CAQ nuise davantage au PLQ qu’au PQ ? Ce n’est pas très prometteur en tout cas.

Terminons par à la question de départ : pourquoi Duceppe attaque Amir ? Duceppe estime que le PQ et Pauline Marois vont subir une autre dure défaite. Il ne peut dire cela ouvertement évidemment, mais c’est ce qu’il pense, en fin analyste-calculateur politique qu’il est. Le PQ sera en lambeaux, en attente d’un « sauveur ». Duceppe forcera la porte, comme il l’a d’ailleurs fait au printemps dernier en tentant une sorte de putsch contre Marois (qui partira d’elle-même cette fois-ci). Duceppe dispose de sa propre machine (son ancienne garde rapprochée du Bloc, plusieurs éléments du PQ même, sans compter la direction de plusieurs centrales syndicales).

Pour préparer sa « rentrée », Duceppe aura besoin d’expliquer la défaite. Quoi de mieux, dans ce contexte, que d’identifier des boucs émissaires ? QS sera la « gros méchant », surtout s’il va chercher 8-9% des voix et réussit à faire élire Amir et Françoise David. Duceppe se présenterait alors non seulement comme celui qui va recoller les morceaux, mais aussi celui qui va éradiquer une gauche sociale et politique qui à ses yeux et aux yeux d’une bonne partie de l’élite québécoise, prend trop de place.

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