Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Louise Chabot

Paradis pour les uns, enfer pour les services publics

Paradis pour les uns, enfer pour les services publics. On parle énormément de paradis fiscaux ces temps-ci. D’évasion fiscale, de « stratégies d’optimisation », de « planification fiscale agressive », j’en passe et des meilleurs ! Ces euphémismes viennent cacher une réalité qui est beaucoup plus simple lorsqu’on la nomme pour ce qu’elle est : le vol de nos richesses collectives.

Il y a 15 mois, quelqu’un a laissé un paquet sur le pas de la porte de l’International Consortium of Investigative Journalists. À l’intérieur, se trouvait un disque dur contenant de l’information sur les paradis fiscaux, l’argent qui y transite et, surtout, l’identité des gens qui y ont placé cet argent.

En tout, il renfermait plus de deux millions et demi de documents qui auront permis à des journalistes du monde entier de jeter un peu de lumière sur ce vol de l’argent public. Sur la liste, on retrouve des centaines de Canadiennes et de Canadiens. Ces pertes se chiffreraient à plusieurs milliards de dollars par année pour le Canada seulement. Pour l’ensemble de l’œuvre, ce sont entre 21 000 et 32 000 milliards de dollars qui ont échappé aux gouvernements de près de 46 pays touchés par l’étude.

Pourquoi s’attaquer aux paradis fiscaux ?

L’austérité qui accable les peuples du monde entier et qui pousse nos gouvernements à couper toujours plus dans les services publics vient en partie de cette évasion fiscale. Prétextant une gestion responsable des deniers publics, le gouvernement Harper a éliminé l’Agence canadienne de développement international (ACDI), procède à une réforme dommageable de l’assurance-emploi, coupe dans les transferts aux provinces en matière de santé et d’éducation et a mis à pied des milliers de personnes alors même que l’argent qui manque pour maintenir le filet de sécurité sociale canadien lui passe sous le nez pour aller se dorer la couenne au soleil.

On nous répète inlassablement qu’il n’y a pas de richesse au Canada et au Québec pour améliorer ou même maintenir nos services publics. Pas d’argent pour le système de santé, pas d’argent pour retaper les écoles ou pour embaucher du personnel, pas d’argent pour le milieu communautaire, pas d’argent pour entretenir nos infrastructures, pas d’argent pour la culture, bref, vous voyez le portrait.

Or, ce qui est odieux, c’est que de l’argent il y en a, beaucoup même ! Dans cette histoire, seule la volonté politique d’aller chercher ces sommes dont nos services publics ont cruellement besoin fait défaut.

Augmenter les tarifs d’électricité et de transport en commun, installer des péages sur les ponts et les routes, instaurer une taxe santé, voilà ce que nos politiciennes et nos politiciens dépeignent comme du courage depuis un certain nombre d’années. Le vrai courage, ce serait de cesser de faire l’autruche devant ce comportement résolument antisocial qui pousse des entreprises et des individus à faire mille entourloupettes pour aller cacher leur argent outre-frontière.

L’urgence de revoir la fiscalité

Certes, les annonces de Revenu Québec montrant des contribuables se rappeler entre eux l’importance de l’impôt pour les services publics sont un pas dans la bonne direction. Cependant, il ne faudrait pas s’en tenir uniquement à cela, sinon ce pas se transformerait en poudre aux yeux. Le travail au noir est une chose et il est important de le contrer, mais le faire sans s’attaquer au problème des paradis fiscaux revient à mettre un diachylon sur une plaie béante.

Nous réclamons depuis le début de l’année une grande réflexion nationale sur la fiscalité, une sorte de grand ménage de notre fiscalité au Québec. Il s’agirait d’un débat sur la véritable « juste part » de chacun et sur la façon de nous assurer d’une meilleure redistribution de la richesse. Je crois qu’avec ce genre de nouvelle, le temps presse de nous mettre à table et de nous donner les moyens de nos projets collectifs.

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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