Édition du 23 avril 2024

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Europe

TiSA, un défi urgent pour l’opinion publique

SUISSE•Près de 2’000 personnes ont manifesté à Berne contre les accords de libre-échange TiSA (Accord sur le commerce des services) que négocient la Suisse et 50 autres pays, en réclamant la transparence complète des négociations ainsi que leur arrêt.

tiré de : Gauchebdo- hebdomadaire de la Suisse romande

Le 8 octobre, de nombreuses organisations avaient appelé à une manifestation nationale devant le Palais fédéral à Berne. Environ deux mille personnes, dont beaucoup de jeunes et des familles avec des enfants s’y sont réunis. L’ambiance était festive. Le SSP et UNIA, étaient bien présents, et il y avait aussi des militants du SEV (syndicat des employés de transport). SolidaritéS avait beaucoup de banderoles un stand bien visible, les Verts aussi. Il y avait aussi Attac, Uniterre, Slow food et bien d’autres associations, sous les grands ballons en forme d’yeux que tenait en l’air la Déclaration de Berne (qui s’appelle maintenant « Public Eye »).

Après de nombreux discours en allemand, une oratrice a salué chaleureusement les Romands, qui semblaient d’ailleurs plus nombreux que les Alémaniques. L’animation musicale était gaie et stimulante. Alors qu’il y avait beaucoup de banderoles en français, certaines manifestations plus individuelles et originales, souvent en allemand, nous proposaient une contestation plus ludique. Il est urgent que l’opinion publique soit alertée sur ce qui nous menace sous la forme du TiSA (Trade in Services Agreement, en français ACS : Accord sur le commerce des services).

Sur inspiration nord-américaine, les pays les plus riches de la planète, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, l’Union européenne organisent en grand secret la libéralisation complète des services publics. À intervalle régulier, le groupe TiSA se réunit à Genève non pas à l’ONU, certainement trop publique à ses yeux, ni à l’OMC, mais dans les locaux feutrés d’une ambassade ou d’un hôtel, toujours à huis clos et sous protection policière tenant à distance journalistes et manifestants. Pour être informés du danger de cet accord, nous ne pouvons compter sur la presse à grand tirage. Le 10 octobre 2015, 2’000 personnes ont manifesté à Genève contre TiSA, mais c’est comme si la consigne de secret avait été passée aux rédactions : le compte-rendu de l’ATS a minimisé le nombre de manifestants, qui selon elle n’aurait été que de 500, et la TSR a carrément ignoré l’événement.

En effet, les représentants des gouvernements et des multinationales, qui sont en train de négocier cet accord, craignent la publicité comme les blattes la lumière. S’il n’y avait pas les fuites rendues publiques par Wikileaks, les organisations qui s’opposent aux accords disposeraient encore moins d’informations leur permettant d’informer le public. Le but de TiSA est de favoriser au maximum les privatisations des services publics, des écoles,des hôpitaux, des transports, de la distribution d’eau etc. TiSA prévoit que ces privatisations seront irréversibles. Quand une société privée d’eau rechigne à réparer des conduites pourries, la commune ou l’État n’aura pas le droit d’en reprendre la gestion. En outre, quand un État interdit l’activité d’une multinationale qui met la population en danger par la pollution, il devra dédommager l’entreprise, mais il n’est pas prévu que l’entreprise soit obligée de réparer les dégâts et indemnise les victimes.

Les organismes publics qui achètent de l’énergie n’auront pas le droit de privilégier celle provenant de sources moins nocives pour l’environnement ; nous pourrons ainsi être forcés de nous chauffer et éclairer au courant produit par les centrales nucléaires. L’entreprise privée pourra intenter des procès à l’État, mais l’inverse ne sera pas possible. Les litiges entre entreprise privée et État seront réglés par des tribunaux arbitraux, constitués vraisemblablement par de grands bureaux d’avocats d’affaires. L’État devra subventionner les écoles et hôpitaux privés au même titre que les écoles et les hôpitaux publics etc. Nous ignorons beaucoup de surprises qui nous attendent encore. On négocie derrière notre dos, pour que les gouvernements puissent nous placer devant le fait accompli.

D’ailleurs, si jamais le Conseil fédéral signe ce genre de traité, il n’est pas certain qu’il soit discuté au parlement ni que l’implication de la Suisse puisse être attaquée par référendum. Zones « hors-Tisa » Plusieurs villes suisses, Genève, Zurich, Carouge, Meyrin et d’autres, se sont déclarées « zones hors TiSA ». Le Grand Conseil genevois a également voté dans ce sens. Greenpeace, la Déclaration de Berne, les partis de gauche, des syndicats, les Verts ont affiché leur opposition au TiSA. Il y cinq mois, le comité Stop-Tisa Genève a convoqué un rassemblement devant la Mission européenne auprès de l’ONU pour alerter l’opinion publique sur les dangers qu’engendre l’adhésion de la Suisse. Nous étions une quarantaine de militants à arborer des banderoles exigeant des autorités fédérales de rendre public le contenu des discussions du groupe TiSA, auxquelles elles participent depuis 2012.

A Lausanne s’est constituée en juillet dernier la coalition Stop-TISA Vaud, qui a déjà à son actif plusieurs actions : une conférence avec des syndicalistes de la fonction publique, des interventions et performances de rue comme la mise en scène d’un tribunal arbitral fictif, qui protège les prérogatives accordées aux investisseurs et condamne les collectivités publiques. A notre avis, il faut que la Suisse se retire des négociations de TiSA et qu’elle exprime son opposition à des projets visant à rendre les multinationales encore plus puissantes et les riches encore plus riches, et la majeure partie de la population de cette terre devenant encore plus pauvre et impuissante. ■

Anna Spillmann

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