Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Manifeste pour la dignité et l’intégrité de la femme algérienne

Nous, soussignées, femmes algériennes, citoyennes accomplies, animées d’une force unificatrice qui rassemble par ses aptitudes, ses opinions, ses principes et ses prises de position, largement représentées dans ce manifeste.

Tiré de Entre les lignes, entre les mots.

Dignes héritières de nos ancêtres royales et princesses, contemporaines révolutionnaires et intellectuelles, telles que Dihya (Kahina), Tin Hinan, Roba la Berbère, Lalla Fatma N’Soumer, Hassiba Ben Bouali, Malika Gaïd, Louisette Ighilahriz, Lalla Hniya el hourra, Amrouche Taos, Djamila Bouhired, Assia Djebar, Katia Bengana, Naïma Hamouda, et bien d’autres qui ont écrit de leurs sacrifices, de leur habileté et de leurs capacités intrinsèques bien des légendes personnelles et la gloire de l’Algérie.

Considérons qu’il n’y a aucune ambivalence quant à nos capacités intellectuelles, morales, décisionnelles, indépendantes et résolument hautement humanistes. Nous sommes issues de tous les horizons d’activités nationales et internationales, nous sommes enseignantes, cadres, chefs d’entreprise, journalistes, étudiantes, écrivaines, poétesses, ingénieures, infirmières, médecins, femmes au foyer.

Si, aujourd’hui, nous prenons la parole, c’est parce que nous estimons qu’il est temps de mettre au clair certains points.

Nous déclarons ce qui suit :

I. Pente glissante

Nous subissons depuis quelques années le diktat de certaines personnalités politiques et religieuses via l’espace offert par les médias lourds, presse écrite ou autres, qui se saisissent de la question de la femme, non pas dans l’objectif de discuter de ses droits, mais pour imposer à la société l’une des visions les plus humiliantes et rétrogrades qui la concerne. Ils nous affligent d’un discours sexiste, misogyne et obscurantiste. Ils critiquent nos faits et gestes, nos prises de parole et notre habillement, usant d’un discours allant jusqu’à remettre en cause notre moralité.

Nous assistons également à une grande complicité dans le dénigrement sans que des voix s’élèvent pour recentrer les débats sur les vraies questions qui concernent la femme algérienne.

Celle-ci continue de subir un « lynchage » social dans les espaces publics de la part de ces personnalités. Elles s’investissent dans le charlatanisme théologique ou dans la politique, tels les imams et les prêcheurs qui prennent un malin plaisir à ridiculiser l’image de la femme dans les médias lourds.

Mieux encore, la présidente d’un parti politique multiplie les sorties médiatiques, non pas pour défendre son programme, mais pour partir en guerre contre la femme algérienne, la réduisant tantôt à un objet sexuel, tantôt à un morceau de viande quand ce n’est pas à une « courtisane » légitime renouvelable pour le salut du mari. Pire, elle justifie les harcèlements sexuels culpabilisant la femme, la jeune fille, l’adolescente, quant aux violences verbales et physiques subies.

Ceci n’est que la pointe de l’iceberg. Le fondamentalisme réactionnaire et religieux s’affirme à travers l’Algérie sans qu’aucune solution soit prise en compte, d’autant que c’est la femme qui se trouve au cœur de tous ces tourbillons malsains, payant comme à l’accoutumée un lourd tribut.

II. Régression de l’image de la femme

Notre démarche s’inscrit pleinement dans un contexte de revendications légitimes et réalisables.

Nous exigeons le respect total dans notre quotidien, notre travail, notre foyer, la place publique ou l’espace intime, comme nous exigeons des pouvoirs publics d’intervenir afin que cesse la discrimination de la femme non voilée dans les lieux publics où des gérants, voire propriétaires lui interdisent l’accès à leurs restaurants, hôtels, salons de coiffure, etc.

Nous sommes nées libres et indépendantes, dignes et honorables, fortes d’une mémoire nourrie par les exploits de nos grand-mères, mères, sœurs, filles, cousines, tantes qui se sont battues contre le colonialisme, contre le code de la famille, contre les coutumes archaïques, les lois patriarcales et contre le terrorisme.

Et, aujourd’hui, nous en faisons de même contre ces voix réductrices qui s’élèvent pour nous fondre dans un moule déterré dans le dédale sablonneux du wahhabisme qui souffle sur nos têtes.

Nous femmes algériennes, pleinement conscientes qu’une société ne peut évoluer sans ses citoyennes, sans la garantie de leur droit de vivre dans un pays qui les sécurise, les préserve et les protège ; un pays de progrès, de modernité et d’égalité.

Un pays aux acquis chèrement obtenus et qui doivent être consolidés au lieu de les voir se rétrécir comme une peau de chagrin.

Nous ne pouvons accepter un tel affront, celui d’encourager des personnages loufoques, radicaux et obscurantistes à ternir davantage l’image de la femme, lui ôtant toute dignité et l’exposant à toutes formes de dérives et de violences. Comment peut-on éduquer les générations futures à la haine de l’autre moitié de la société ? Comment leur offrir un fallacieux regard sur les possibles solutions à des problèmes sociaux ? Comment les réconforter alors que les violences verbale, mentale et physique accablent la femme algérienne de tous les maux sociaux, entre autres le chômage ? Comment peut-on excuser les viols, les harcèlements sexuels, les coups et blessures sur les fiancées, les sœurs et les épouses, sous prétexte qu’une jambe ou un cou est dénudé ? Comment justifier la violence, la polygamie et le voile imposé par la force aux adultes, pis encore aux filles en très bas âge ? Est-ce la société dont on a rêvé et pour laquelle nos aînés ont sacrifié leur vie ?

Un pays se construit, s’édifie avec un citoyen et une citoyenne épanouis, équilibrés, soucieux du bien-être de leur pays dans la complicité et le respect mutuel.

III. À quand une réelle prise de conscience ?

Nous sommes conscientes du droit que chacun a de s’exprimer, mais ne faut-il pas au préalable informer, instruire, construire un débat fructueux ? Nous n’avons délégué personne pour parler en notre nom, mais si une discussion doit avoir lieu, pour apporter des solutions à la dégradation de l’image de la femme, ce n’est certainement pas avec des discours misogynes.

Nous souhaitons que nos doléances soient prises en charge, sans que nous soyons renvoyées à la religion, aux coutumes, aux discours machistes.

Nous voulons que le statut de la femme citoyenne soit respecté et que de vrais efforts soient déployés, pour la mise en place d’une batterie juridique réellement protectrice de toutes les femmes et non pas d’une hypothétique loi où tout violeur sur mineure écope de quatre ans de prison tout au plus sans autre sanction pénale.

Nous demandons à ce que les médias lourds contribuent à valoriser l’image, le travail, le vécu de la femme et d’arrêter de stigmatiser les veuves, les divorcées, les étudiantes, les femmes non voilées, les femmes voilées, les femmes célibataires vivant seules, ouvrant la porte à toutes les dérives.

Le 8 mars 2017

Publié sur Siawi

Signataires

Fareh Ouarda, enseignante

Fadhila Belbahri, professeure

Nassira Belloula, écrivaine

Hanifi Nassima Amina, membre de SOS femmes en détresse

Larkem Chahida, sociologue

Wahiba Khiari-Gamoudi, écrivaine

Khaoula Mallem, chef d’entreprise

Benameur Samia « Maissa Bey », écrivaine

Samira Bendriss, éditrice

Rosa Mansouri, journaliste

Hakima Daoudi, enseignante

Majda Bouheraoua, étudiante en pharmacie

Lahouel Amel, libraire

Hakima zaidi, pharmacienne

Zakia Taabache, professeure d’allemand retraitée, œuvrant pour l’Unicef

Zahia Zahou Benabid, enseignante

Hamida Ferroukhi, enseignante

Tassaadit Bendris, enseignante

Benkhaoula Amina, médecin généraliste

Aicha Boudraâ, adjoint administratif

Hanane Aksas, enseignante

Ouarda Bala,sans profession

zora sahraoui, bibliothécaire

Benziadi Ghozlane, enseignante

Faouzia Kerouaz, cadre dans une entreprise nationale

Nora Chenane

Fouzia Foukroun

Dalila Sekhri, chef d’entreprise

Awicha Kahouadji

Zoulikha Mahari L., fonctionnaire

Taous Aït Mesghat, chirurgien-dentiste

Assia Land, mère

Imen Abdelmalek, sans profession

Djedouani Boutheina, general manager

Nalia Hamiche, psychologue clinicienne.

Meriem Sator, architecte

Atika Boutaleb

Malika Belhadj

Malika Makhlouf

Zahia Bouzenad

F.Z Daikha, retraitée

Farida Chemmakh, fonctionnaire

Djazia Abdoun,

Roza Nahi, éducatrice

Zahira Driss, juriste

Annissa Kahla

Belbahri Leila

Belaloui Souhila

Asma Zinai, retraitée, ancienne syndicaliste et élue

Abla Guerrout

Asma Mechakra, chercheuse

Lilas Saadi

Samira Gouaref

Hanifi Samia, professeur de français.

D r Sabrina Rahimi.

Dahbia Chater, retraitée

Nadia Chabat, fonctionnaire.

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