Édition du 23 avril 2024

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COP21

COP21 : faut-il poursuivre, et comment, les mobilisations citoyennes ?

J’ai longuement hésité. Reprendre ou ne pas reprendre, après les attentats, mes interventions publiques sur les enjeux de la COP21 et des mobilisations citoyennes. N’est-il pas dérisoire de parler de réchauffement climatique en ces moments où les terroristes propagent l’horreur, les charognards propagent la haine et les (supposés) démocrates restreignent nos libertés ?

J’ai hésité. Moins sur le fond - les liens entre Daesh, le pétrole, le contrôle des ressources, les sécheresses en Irak et en Syrie, la transition comme outil de déploiement de la démocratie et du bien-vivre sont assez frappants - que sur la forme : comment trouver le bon ton et un contenu appropriés pour être compris, comment expliquer que les multinationales et les forces politiques et économiques qui refusent de geler 80% des réserves d’énergies fossiles sont nos "ennemis", comment évoquer les nécessaires actions de désobéissance civile pour désarmer les forces climaticides, comment dire que la COP21 va entériner des engagements étatiques qui préparent de nouveaux "crimes climatiques" ?

Ce fut laborieux. Les hésitations étaient fortes. Les incertitudes si nombreuses. Pris de désarroi et de perplexité face à l’impensable,une forme d’anxiété qui m’a saisi. Au point de me sentir pour partie paralysé, incapable de décider. Toutes celles et ceux qui assènent leurs vérités depuis 72 heures, sans faire part de leurs doutes, de leurs questions, de leurs incertitudes me font froid dans le dos.

Au final, j’ai néanmoins décidé de reprendre mes interventions publiques - plus d’une par jour en moyenne pendant trois semaines - à commencer par celle de Rennes ce lundi soir. Notamment parce que les multiples rassemblements spontanés de ces derniers jours marquent le refus de se laisser dominer par la peur et parce qu’ils incarnent la volonté de se retrouver ensemble pour parler, partager, c’est-à-dire finalement vivre ensemble et habiter la ville, les lieux-mêmes qui ont été martyrisés.

J’ai également décidé de poursuivre mes interventions publiques sur les enjeux de la COP21 pour marquer un refus clair et assumé des premières décisions des autorités, consistant à restreindre les droits d’expression et de manifestation. Comme l’écrit Attac France dans son communiqué, nous avons le droit de "refuser toute restriction au droit de manifester et de lutter contre ce monde pourrissant, pour les alternatives que portent ensemble les peuples du Sud et du Nord". Là où j’aurais voulu entendre un message s’approchant de celui du Premier ministre norvégien après l’attentat d’Oslo et le massacre d’Utoya "nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et plus de tolérance", la réponse des autorités françaises se résume en trois mots : la guerre, la restriction des libertés et une réponse autoritaire, voire liberticide.

Comme l’urgence climatique n’a pas disparu d’un coup de baguette magique, et parce qu’elle porte en elle les prémices de déséquilibres géopolitiques, politiques, économiques, sociaux, écologiques dévastateurs - dont peu de monde mesurent l’étendue - je vais poursuivre. Dans les réunions publiques, sur mon blogue->[http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combes], avec Attac France (Officiel), au sein de la Coalition Climat 21 et avec tous nos alliés (1000 Alternatiba et tous les autres). Pas comme si de rien n’était, personne ne le pourrait : pas plus moi que ceux qui seraient amenés à m’écouter et/ou à me lire.

Essayer de trouver la justesse, tant dans le propos que dans le ton, afin de contribuer, à ma mesure, à construire un monde plus écologique, plus solidaire, plus juste, plus démocratique. Un monde qui nécessite un vaste engagement citoyen qui se doit d’être encouragé. Car finalement, n’est-ce pas la réponse dont nous avons besoin dans ces heures sombres ? Combattons la peur, la haine et la terreur avec plus de courage, de solidarité, d’amour, de détermination et d’engagement.

Rendez-vous donc à Rennes ce lundi soir à 18h30 à la Maison internationale de Rennes. Puis à Vienne mardi soir (à la Librairie Lucioles), Lyon mercredi soir, Saint-Jean de Maurienne jeudi soir, Romans sur Isère vendredi soir, Ambert samedi soir.

Je suis par ailleurs désormais convaincu qu’il faut, dans la mesure du possible, maintenir l’ensemble des dates et rendez-vous fixés pour la mobilisation citoyenne en parallèle de la COP21. Notamment les rendez-vous fixés par la @Coalition Climat 21, que je reposte ici par l’intermédiaire de l’image ci-dessous.

Amitiés et solidarité.

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France.

Il publie Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, coll. Anthropocène et il a co-coordonné Crime Climatique Stop ! L’appel de la société civile, Seuil, Anthropocène.
@MaximCombes sur twitter

PS : ce texte est très personnel - et j’assume une écriture à la première personne dont nous avons besoin en cette période - et il ne présage en rien des décisions et déclarations à venir de la Coalition Climat 21.

Maxim Combes

Economiste de formation, je suis engagé depuis la fin des années 1990 dans le mouvement altermondialiste, à travers Attac France notamment. Avec d’autres j’ai contribué à animer la coalition Urgence Climatique Justice Sociale en France et le réseau Climate Justice Now ! à l’échelle internationale. J’ai depuis contribué à la mise sur pied de la Coalition climat 21. Outre ce blog, je contribue au site d’Informations Basta ! (bastamag.net) Je viens de publier : Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, Anthropocène Et je suis le coauteur de : - La nature n’a pas de prix (Attac, Paris, LLL, 2012) - Les naufragés du libre-échange, de l’OMC à Tafta (Attac, Paris, LLL, 2015) - Crime climatique stop ! (Seuil, « Anthropocène », août 2015). - Le Climat est notre affaire (Attac, Paris, LLL, 2015)

Son blogue sur Mediapart : https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes

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