Édition du 23 avril 2024

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Environnement

Changement climatique et réfugiés environnementaux

A la fin de l’année 2010, le « New York Times » informait qu’après quatre années consécutives de sécheresse, la plus grave des 40 dernières années, le cœur agricole de la Syrie et les zones voisines de l’Irak étaient confrontés à une situation extrêmement grave : « Les anciens systèmes d’irrigation se sont effondrés, les sources d’eau souterraines se sont asséchées et des dizaines de villages ont été abandonnés au fur et à mesure que les terres cultivées se sont transformées en superficies désertiques où les animaux meurent. Les tempêtes de sable sont sans cesse plus habituelles et autour des grands villages et des grandes villes de Syrie et d’Irak se sont dressées d’immenses cités de tentes dans lesquelles vivent les agriculteurs ruinés et leurs familles » [1].

La principale zone affectée par l’absence de pluies est le nord-est de la Syrie, qui produit 75% de la récolte totale de blé. Le Rapport d’Evaluation globale sur la Réduction du Risque de Désastres de l’année 2011, publié par les Nations Unies, signale que près de 75% des foyers qui dépendent de l’agriculture dans le nord-est du pays ont souffert de pertes totales de leurs récoltes depuis le commencement de la sécheresse. Le secteur agricole de la Syrie représentait 40% de l’emploi total et 25% du produit intérieur brut du pays avant la sécheresse. Entre deux et trois millions de personnes se sont vues condamnées à une pauvreté extrême à cause de la perte des revenus provenant de leurs cultures et ont du vendre leur bétail à un prix de 60 à 70% inférieur à son coût. Les troupeaux de bétail de Syrie ont été décimés, passant de 21 millions de têtes à entre 14 et 16 millions. Cette calamité a été provoquée par une série de facteurs, qui incluent le changement climatique, la surexploitation des eaux souterraines à cause des subventions pour les cultures qui consomment de grandes quantités d’eau (le coton et le blé), des systèmes d’irrigation inefficaces et l’élevage intensif de bétail [2].

La sécheresse a provoqué l’exode de centaines de milliers de personnes des zones rurales vers les noyaux urbains. Les villes de Syrie subissaient déjà de fortes tensions économiques, dues en partie à l’arrivée de réfugiés d’Irak après l’invasion de ce pays en 2003. Un nombre croissant de personnes indigentes se trouve aujourd’hui dans une situation de concurrence intense pour de faibles ressources et de rares emplois.

Francesco Femia et Caitlin Werrell, du Center for Climate and Security, écrivent que « Les communautés rurales les plus touchées ont joué un rôle plus significatif dans le mouvement syrien d’opposition que dans d’autres pays du printemps arabe. La population agricole rurale de Deraa, particulièrement durement affectée par cinq années de sécheresse et de pénurie hydrique, sans recevoir pratiquement aucun soutien du régime d’Assad, a effectivement été le germe des protestations du mouvement d’opposition à ses premiers temps [en 2011] ». [3]

L’expérience de la Syrie suggère que les tensions environnementales et de ressources, y compris le changement climatique, pourraient devenir une cause importante de déplacement des populations. Bien que le profond mécontentement populaire après trois décennies d’un gouvernement répressif constitue indubitablement l’un des principaux motifs de la guerre civile en Syrie, les tensions générées par les altérations climatiques ont jeté de l’huile sur le feu. Et telle est précisément la question importante : les répercussions de la dégradation écologique ne se produisent pas dans le vide, elles interagissent au contraire avec toute une série de tensions et de problèmes sociaux préexistants en les poussant au paroxysme.

Impacts climatiques

En dépit de l’intention déclarée par les gouvernements de limiter l’augmentation du réchauffement global à 2° centigrades, ceux-ci refusent toujours d’adopter les politiques nécessaires pour atteindre cet objectif. Un nouveau rapport du Potsdam Institute for Climate Impact Research and Climate Analytics prévient que, dans de nombreuses régions, les conséquences auront des dimensions cataclysmiques, avec des vagues de chaleur, des inondations dans les villes côtières, l’aggravation de la pénurie d’eau, des risques croissants pour la production alimentaire, une plus grande intensité des ouragans tropicaux et une perte irréversible et sans précédent de biodiversité. [4]

A mesure que les répercussions de la déstabilisation climatique commencent à se faire sentir dans le monde entier, une interrogation clé est de savoir comment se traduiront les changements physiques en changements sociaux et économiques qui, à leur tour, peuvent forcer les gens à abandonner leurs foyers, que soit temporairement ou pour toujours. Le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Changement Climatique (GIEC) alertait déjà en 1990 que « le plus grand impact individuel du changement climatique pourrait être les migrations humaines », ce qui signifie des millions de personnes déplacées par l’érosion du littoral, les inondations côtières et les graves sécheresses. Mais les dynamiques et les interactions concrètes varieront, sans doute, d’une région à l’autre, avec des conséquences plus graves dans certaines zones et une plus forte résilience et adaptabilité dans d’autres, en outre de réponses politiques divergentes. [5]

Un climat et un stress hydrique plus extrêmes et la perte de terres peuvent miner l’habitabilité, la sécurité alimentaire et la viabilité économique d’un territoire. Il est possible que certaines communautés, régions ou pays affectés soient capables de faire face aux tensions au travers de cultures résistantes à la sécheresse, d’une diversification économique et d’autres mesures d’adaptation. Mais il est également possible que les gens ressentent la nécessité de migrer, en tant que stratégie pour faire face au problème ou comme fruit du désespoir.

Climat extrême et habitabilité

Le rythme des désastres va probablement s’accélérer dans un monde plus chaud, bien qu’on ne connaisse pas encore la fréquence et l’intensité exacte de ceux-ci. La revue Scientific American soulignait dans un article de 2011 que la fréquence des désastres naturels a déjà augmenté de 42% depuis les années 1980 et que la proportion de ces phénomènes liés au climat avait augmenté de 50 à 82% [6].

Les phénomènes qui se produisent avec rapidité, comme les inondations et les ouragans, affectent les populations d’une manière distincte des processus plus graduels comme la sécheresse, la désertification et la montée du niveau de la mer. L’intensité et la fréquence des désastres peuvent également avoir des répercussions différentes. Les mouvements migratoires en réponse aux désastres peuvent énormément varier dans leurs durées, leurs caractéristiques et leurs destinations.

On considère que les désastres météorologiques extrêmes provoquent normalement des déplacements temporaires et à courte distance, après lesquels les communautés affectées reviennent pour reconstruire leurs foyers dès la fin de l’ouragan ou des inondations [7]. Cependant, des expériences comme celle de l’ouragan Katrina aux Etats-Unis suggèrent que, dans certains cas, les déplacements peuvent être permanents. La population de la Nouvelle-Orléans s’est réduite entre 2005 et 2010 de 24,5%, soit plus de 120.000 personnes [8].

Stress hydrique et sécurité alimentaire

Des systèmes changeants de précipitations, des pluies plus irrégulières et des sécheresses plus graves dus au réchauffement global se traduisent par des fluctuations de la disponibilité de l’eau, avec des impacts potentiellement graves pour l’agriculture.

Il y a plus de dix ans, les scientifiques ont alerté sur le fait que les processus de désertification mettent en risque d’expulsion de leurs terres une population estimée à 135 millions de personnes dans le monde entier [9]. Le stress hydrique croissant dans certaines zones s’aggrave également par les effets de l’intrusion saline dans les régions côtières du fait de la montée du niveau de la mer, de la fonte des glaciers dans des régions comme l’Himalaya et les Andes et de l’altération du cycle des moussons. La pénurie d’eau pourrait affecter en 2020 une population de 75 à 250 millions de personnes en Afrique et en 2050 plus d’un milliard de personnes en Asie [10].

En 2012, la sécheresse a dévasté les cultures dans le monde entier, y compris dans pays producteurs importants comme les Etats-Unis, l’Argentine, le Brésil, l’Australie, l’Inde et la Russie [11]. L’Organisation Météorologique Mondiale affirmait en août 2012 qu’ « on prévoit que le changement climatique augmente la fréquence, l’intensité et la durée des sécheresses, avec des impacts dans de nombreux secteurs, en particulier l’alimentation, l’eau et l’énergie » [12]. Dans un monde où la température moyenne aurait augmenté de 4° centigrades, on estime que les rendements des aliments basiques chuteront massivement dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne et que plus d’un tiers des terres de culture actuelles de l’est et du sud de l’Afrique redeviendront probablement inadéquates pour l’agriculture [13].

Des rendements plus bas, une période de culture plus courte ou la perte totale des récoltes menacent la sécurité alimentaire de plusieurs millions de personnes et mettent en péril les revenus agricoles des foyers dans les zones rurales.

Les répercussions du changement climatique se reflètent sur les prix alimentaires en les poussant à la hausse, tant avec des montées soudaines qu’avec des augmentations graduelles et à long terme. Durant la dernière décennie, les prix ont déjà augmenté de manière constante, avec deux pics soudains très accusés. Une étude récente du New England Complex Systems Institute soutient que les prix des aliments constituent un facteur détonnant essentiel d’agitation sociale. La vulnérabilité des populations aux fluctuations mondiales des prix alimentaires a augmenté du fait de la dépendance de nombreux pays pauvres vis-à-vis du système alimentaire mondial et de la capacité limitée de l’offre locale à amortir l’impact de celui-ci.

Dans la mesure où les gouvernements seraient incapables de garantir la sécurité alimentaire de leur population, les protestations subséquentes pourraient se convertir en détonateurs de l’expression du mécontentement de toute une série d’autres problèmes. Quand, en 2008, les prix ont connu une première hausse importante, plus de 60 révoltes alimentaires se sont produites dans 30 pays différents. L’augmentation vertigineuse des prix à la fin de 2010 et au début de 2011 a de nouveau coïncidé avec l’éclatement de révoltes alimentaires, dont celles des pays du Printemps arabe. Indépendamment de la montée subite des prix, la constatation d’une tendance à la hausse durant la dernière décennie peut être un indicateur de plus d’agitations et d’instabilités futures.

Montée du niveau de la mer et perte de terres

Des petits Etats insulaires comme les Maldives dans l’océan Indien et Tuvalu dans le Pacifique pourraient être complètement submergés avec la montée des eaux marines. Et plus de 600 millions de personnes dans le monde vivent dans des deltas fluviaux et autres zones de basses terres côtières [14]. Le gouvernement du Bangladesh a prévenu que plus de 20 millions de ses habitants pourraient être forcés de se déplacer du fait de la combinaison de la montée du niveau de la mer et de l’augmentation du nombre de cyclones et de raz-de-marée cycloniques [15].

Les modèles de projection suggèrent que 40 millions de personnes pourraient être obligées de se déplacer en Inde par la montée d’un mètre du niveau de la mer. Une montée similaire pourrait éventuellement déplacer plus de 7 millions d’habitants du delta du Mékong au Vietnam, et une montée des eaux de deux mètres pourrait doubler ce chiffre et affecter la moitié de la population de ce delta [16].

La montée du niveau de la mer aura probablement des répercussions plus graduelles que les phénomènes météorologiques extrêmes, mais son impact est irréversible. Les eaux d’une inondation se retirent avec le temps mais, dans un monde qui se réchauffe, la mer ne reviendra pas à des niveaux plus bas. Les déplacements provoqués seraient donc, en conséquence, permanents.

Migrer ou pas

Il existe encore un intense débat pour savoir si le changement climatique provoquera une énorme augmentation des mouvements migratoires ou pas. L’Organisation Internationale pour les Migrations souligne avec raisons qu’« il ne se produit pas toujours des migrations car la population la plus vulnérable peut manquer des moyens nécessaires pour ce faire ». Dans les régions où se produisent des mouvements de population induits par le climat, on peut considérer ces derniers comme le résultat d’un manque d’adaptation (autrement dit, comme un reflet de la vulnérabilité et du manque de résilience de la population, et par conséquent comme une réponse similaire à celle des réfugiés), ou comme une stratégie de réponse (un effort pour diversifier les sources de revenus et augmenter la résilience).

Nonobstant cela, pour pouvoir migrer, les personnes ont besoin de ressources financières et d’un accès à des réseaux sociaux qui facilitent leur mobilité et qui leur offrent une assistance dans leur lieu de destination. Sans ce type de moyens, les gens peuvent se voir forcés de rester où ils habitent indépendamment des conditions existantes. Ainsi, le fait que les gens ne se déplacent pas ne signifie pas qu’ils ne souffrent pas d’impacts négatifs [17].

Le point de vue conventionnel considère que les migrations continueront d’être une soupape qui permettra aux personnes et aux communautés de faire face à des situations difficiles, y compris dans un monde en processus de réchauffement. Indubitablement, la résilience et l’adaptabilité des personnes ne doit pas être sous-estimée, mais il est improbable que le passé puisse être un prologue de la situation à venir ; par conséquent, cette affirmation peut être excessivement optimiste pour plus plusieurs raisons que nous allons énumérer ci-dessous.

Premièrement, les répercussions d’un système climatique déstabilisé – avec des cataclysmes plus fréquents et plus puissants – n’ont aucun précédent significatif dans l’histoire de l’humanité.

Deuxièmement, les sociétés ne seront probablement pas exposées à un seul impact, elles expérimenteront simultanément différents types d’impacts – par exemple, des inondations et des sécheresses -, avec la possibilité que se produisent des effets en cascade et de boucles dynamiques imprévues. Il est possible qu’un nombre de personnes bien plus important qu’actuellement ressente la nécessité de migrer [18].

Troisièmement, des populations en mouvement plus nombreuses limiteront les possibilités d’adaptation dans la mesure où plus de personnes entreront en compétition entre elles et avec les communautés qui les accueillent pour les mêmes opportunités, emplois, ressources et services.

Quatrièmement, dans les zones réceptrices, la volonté d’accueillir l’arrivée de plus en plus de gens peut se réduire notablement, une réponse déjà évidente dans le monde entier dans les circonstances actuelles.

Cinquièmement, les modèles de migration peuvent devenir plus stables et moins temporaires. Par exemple, de graves impacts du changement climatique pourraient altérer les modèles traditionnels de mobilité saisonnière. Le nomadisme des pasteurs pour faire face aux sécheresses dans l’Afrique subsaharienne est d’ores et déjà affecté par des conditions environnementales qui changent très rapidement. Et au Bangladesh, le mouvement traditionnel entre différents « chars » (des îles de sable et de limon dans le delta du fleuve Padma et dans la baie du Bengale, qui abritent plus de 5 millions de personnes) est altéré par des montées des eaux subites et sans cesse plus fréquentes et intenses [19].

De la même manière, les cultivateurs vietnamiens de riz qui migrent de manière saisonnière vers les villes durant la période d’inondation afin de diversifier leurs revenus se sont récemment vus obligés de s’y installer de manière permanente à cause des grandes inondations qui ont détruit leur milieu de vie rural. Les communautés qui vivent au Mozambique le long des fleuves Zambèze et Limpolo se déplaçaient traditionnellement périodiquement en dehors de la plaine fluviale pour éviter les inondations. Mais après les catastrophiques inondations de 2000, 2001 et 2007, le gouvernement a encouragé les habitants de cette région à déménager de manière permanente. La population déplacée manque néanmoins de moyens de survie et, étant fortement dépendante de l’aide, elle devra probablement décider de se déplacer dans la nouvelle capitale, Maputo, ou de migrer vers l’Afrique du Sud voisine. (20)

Nouvelles catégories et controverses

Parmi les divers groupes de personnes qui abandonnent leurs foyers pour diverses raisons, il existe certaines catégories bien définies. La législation internationale octroie une reconnaissance aux réfugiés internationaux, bien que les gouvernements n’assument pas toujours leurs responsabilités en la matière. Par contre, les personnes qui se déplacent à l’intérieur d’un même pays jouissent de beaucoup moins de protection et, parfois, d’aucune protection du tout. Il y a eu des tentatives pour donner une meilleure visibilité à des groupes supplémentaires de populations déplacées – des personnes déracinées à cause de risques naturels et par des projets de développement – mais celles-ci restent dépendantes de l’aide humanitaire ad hoc, et cela pour autant qu’elles reçoivent un quelconque type d’aide [20].

Certains chercheurs estiment depuis des années qu’il est nécessaire que la communauté internationale établisse de nouvelles catégories de populations migrantes car les anciennes catégories ne reprennent pas de manière adéquate les raisons complexes pour lesquelles les gens se déplacent et de quelle manière. Dans les années 1970, on a proposé le terme de " réfugié environnemental " mais il n’a pas dépassé les cercles très étroits jusqu’au rapport rédigé par Essam El-Hinnawi en 1985 pour le Programme Environnemental des Nations Unies [21]).

L’apparition de cette nouvelle terminologie a suscité un âpre débat. Certains analystes affirment que la catégorie de réfugiés – juridiquement définis comme des personnes qui fuient des persécutions et qui n’ont pas suffisamment de protection dans leur propre pays – ne devrait pas inclure d’autres facteurs comme la dégradation écologique. Cela reflète partiellement le fait que les études migratoires ont essentiellement ignoré les facteurs écologiques jusqu’à peu. [22].

En marge de la catégorie de réfugié, il n’existe pas de consensus sur la définition – ni, ce qui est plus important, d’un point de vue juridique – pour les autres groupes de personnes en mouvement. La définition de personnes déplacées à l’intérieur d’un pays a une certaine reconnaissance de facto dans les directives adoptées par les Nations Unies. Mais des termes tels que réfugiés climatiques et migrants environnementaux sont totalement informels ou remis en question [23].

La distinction entre modalités forcées et volontaires des mouvements de population est toujours une question clé pour la législation internationale et pour les politiques gouvernementales. Le fait qu’il n’existe toujours pas de reconnaissance officielle pour les nouvelles catégories de personnes déplacées limite les capacités à affronter de manière adéquate cette situation.

Il est fondamental que les experts en migrations, en réfugiés et en environnement dialoguent entre eux avec un esprit ouvert afin de mieux comprendre les dynamiques et de générer un débat plus productif sur les politiques possibles.

Résilience et adaptation

La résilience est un facteur clé pour déterminer si la vulnérabilité d’une population la forcera à la fuite. Les pauvres sont habituellement plus exposés aux périls environnementaux. La marginalisation sociale les oblige à vivre fréquemment dans des lieux à risque : versants à forte inclinaison où les risques d’écoulement de terre sont les plus élevés, zones basses susceptibles de subir des inondations ou zones côtières qui ont été dépouillées de leurs barrières protectrices naturelles (récifs de corail, mangroves, terres humides). Et ils ont fréquemment une capacité limitée à faire face à ces problèmes vu qu’ils sont dépourvus des ressources économiques, des réseaux familiaux ou des autres connexions nécessaires pour émigrer [24].

Cette vulnérabilité peut être atténuée par des mesures d’adaptation : systèmes d’alerte précoce sur les désastres et les famines, diversification des moyens de subsistance, cultures résistantes à la sécheresse, restauration des écosystèmes, infrastructures de défense contre les inondations, assurance des cultures, etc. Mais une aide d’urgence et la récupération adéquate peuvent entraîner tout aussi bien que les gens restent ou se voient obligés à partir même après les inondations et les ouragans. Le degré de résilience est également fonction de la capacité économique générale, de la diversification pour réduire la dépendance à une ou à une poignée de ressources économiques, des pressions démographiques, des structures de gouvernance, d’un bon leadership et de la cohésion sociale et politique.

Bien qu’il soit indubitablement important d’actualiser les conventions internationales et les catégories légales mondiales applicables aux réfugiés et de combler ainsi le vide juridique existant, il est toujours aussi fondamental d’essayer d’éviter autant que possible les dommages aux systèmes naturels de la Terre. Il faudra consacrer bien plus de priorité et d’urgence aux mesures de mitigation, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de minimisation des autres agressions humaines à la nature. L’adaptation a ses limites et, pour être efficace, elle doit être mise en œuvre maintenant, avant que se manifestent les conséquences les plus graves de l’instabilité climatique, et non après.

Les activistes pour les questions climatiques insistent depuis déjà longtemps sur le fait que l’adoption de politiques sur ce terrain devrait être guidée par la science. Néanmoins, à mesure que le temps passe, il est sans cesse plus évident que le plus grand défi pour l’humanité n’est peut être pas de dominer les complexités de la science du climat mais bien de répondre à des questions plus dérangeantes telles que le fonctionnement des systèmes politiques actuels et la raison pour laquelle ils se refusent d’une telle manière à écouter les signaux d’alerte de la science.

Si nous ne parvenons pas à ce que nos systèmes politiques prêtent attention aux problèmes du changement climatique, nous devrons apprendre à faire face à des déplacements massifs de la population durant les prochaines décennies.

Source : https://www.fuhem.es/ecosocial/boletin-ecos/numero.aspx?n=24

Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

Notes

[1] Robert F. Worth, « Earth Is Parched Where Syrian Farms Thrived », New York Times, 13 octobre 2010.

[2] Ibid. ; Wadid Erian, Bassem Katlan y Ouldbdey Babah, « Drought Vulnerability in the Arab Region : Special Case Study : Syria », in Global Assessment Report on Disaster Risk Reduction 2011, 2010 ; Francesco Femia et Caitlin Werrell, « Syria : Climate Change, Drought and Social Unrest » (blog), Center for Climate and Security, 29 février 2012.

[3] Femia et Werrell, op. cit. Note 3.

[4] Potsdam Institute for Climate Impact Research and Climate Analytics, Turn Down the Heat : Why a 4°C Warmer World Must Be Avoided, Banco Mundial, Washington D.C., 2012.

[5] Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique, First Assessment Report, Cambridge University Press, Cambridge (Royaume Uni), 1990, p. 20.

[6] Alex de Sherbinin, Koko Warner et Charles Ehrhart, « Casualties of Climate Change : Sea-level Rises Could Displace Tens of Millions », Scientific American, janvier 2011.

[7] Frank Laczko et Christine Aghazarm, éd., Migration, Environment and Climate Change : Assessing the Evidence, Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), Genève, 2009, p. 23.

[8] Susan L. Cutter, « CSI : The Katrina Exodus », Foresight Project, Migration and Global Environmental Change, Gouvernement du Royaume Uni, octobre 2011, p. 6.

[9] « Declaración de Almería sobre Desertificación y Migraciones », Symposium International sur la Désertification et les Migrations, 9-11 février 1994, Alméria, Espagne.

[10] Vikram Odedra Kolmannskog, Future Flood of Refugees : A Comment on Climate Change, Conflict and Forced Migration , Norwegian Refugee Council, Oslo, 2008, p. 15.

[11] Vikas Bajaj, « Crops in India Wilt in a Weak Monsoon Season », New York Times, 3 septembre 2012.

[12] Organisation Météorologique Mondiale, « With Drought Intensifying Worldwide, UN Calls for Integrated Climate Policies », UN News, 21 août 2012.

[13] Actionaid et al., Into Unknown Territory : The Limits to Adaptation and Reality of Loss and Damage from Climate Impacts, Bonn, 2012, p. 7.

[14] Kolmannskog, op. cit. note 11, p. 16.

[15] Actionaid et al., op. cit. note 14, p. 9

[16] De Sherbinin, Warner et Ehrhart, op.cit. Note 7.

[17] Laczko et Aghazarm, op. cit. note 8, p. 24 ; Gemenne, « Climate-Induced Population Displacements in a 4ºC+ World », Philosophical Transactions of the Royal Society, janvier 2011, p. 188.

[18] Chris Bright, « Anticiparse a las “sorpresas” ambientales », in Lester R. Brown et al., La Situación del Mundo 2000, FUHEM/ Icaria, 2000, pp. 53-78.

[19] De Sherbinin, Warner et Ehrhart, op. cit. Note 7.

[20] Ibid.

[21] Voir Cadre 31–1 de « La Situación del Mundo 2013 ».

[22] James Morrisey, « Rethinking the ‘Debate on Environmental Refugees’ : From ‘Maximilists and Minimalists’ to ‘Proponents and Critics », Journal of Political Ecology, vol. 19, 2012, p. 36 ; Essam El-Hinnawi, Environmental Refugees, UNEP, Nairobi, 1985 .

[23] Gemenne, op. cit. note 18, p. 186.

[24] Voir Table 31–1 de « La Situación del Mundo 2013 »

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