Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Des indépendantistes en apprentissage politique

Littéralement en quête d’une nouvelle approche sur une voie inédite vers notre émancipation nationale, je pense que les indépendantistes ne devraient pas s’autoflageller trop vite sur la place publique. Bien sûr, il faut des réajustements stratégiques. Et les contributions des petits partis créés dans les espaces politiques délaissés par le PQ ne seront pas négligeables dans les débats ouverts sur ces questions.

Il reste que les fédéralistes ont aussi une stratégie offensive dont on ne devrait pas abandonner la critique. Ainsi les médias de cette mouvance ne laissent pas tomber la serviette même après la victoire des Libéraux. On peut observer qu’ils ont mis le paquet pour discréditer l’option souverainiste fut-elle présentée sous l’angle de « la bonne gouvernance ». On les voit maintenant présenter chaque renoncement des promesses des Libéraux comme des espèces de réalignement de la stratégie de l’atteinte du déficit zéro. Pas comme des promesses électorales abandonnées ! Encore moins comme tenant de la stratégie des Libéraux en vue des négociations dans le secteur public du salariat non marchand au Québec.

Pourtant, sous la gouverne du PQ, chacun des « réajustements » était présenté comme une « trahison envers le peuple ». La gauche radicale n’est pas non plus innocente dans la manière d’exploiter chaque faux pas du PQ comme « une volonté de s’en prendre à une population victime des révisions de la stratégie d’intervention » péquiste une fois au pouvoir. On n’a pas traité de la même manière l’abandon des promesses du PQ que l’on traite maintenant le renoncement à leurs nombreux engagements de la part des Libéraux. Il est manifestement observable que les commentateurs de tout genre ont deux poids deux mesures. S’en prendre au PQ de cette manière, sans lui reconnaître au moins quelques bons coups, a fait le jeu de la prédominance des alliées libéraux dans la société capitaliste qui s’efforcent toujours, dans leurs défaites face à la sociale démocratie, de préparer rigoureusement et en sous-main leur retour au pouvoir grâce à l’alternance démocratique.

Plutôt que de cibler les vastes dérogations des Libéraux à la légalité (ils s’en sont foutus pendant des années sous Charest) et à leur crédibilité même dans l’exercice du pouvoir, on a fait de la campagne électorale un règlement de compte politique sur la frustration populaire face au « bon gouvernement » du PQ. Tout cela exploité par une attitude odieuse des média fédéralistes pour qui le PQ est toujours le diable en personne sur lequel faire peser tout manquement aux manières néolibérales de gouverner.

S’il y a une autocritique à faire, elle doit toucher tous les indépendantistes et pas seulement le PQ. Québec solidaire n’a pas non plus fait progresser l’option souverainiste ! Comment Québec solidaire a-t-il donné à cette option un élan nouveau en s’en prenant à la possible reconquête du pouvoir par les Libéraux qui apparaissait possible au milieu de la campagne ? Comment se fait-il qu’un retour des authentiques néolibéraux au pouvoir n’a pas sonné l’alarme d’une nouvelle précision dans la cible à attaquer réellement ? Ce n’est pas seulement en attaquant le PQ comme « ne parlant pas de son option première, l’indépendance » que l’on offrira aux Québécois un front des souverainistes qui rendrait attrayant pour le plus grand nombre une stratégie hardie vers notre émancipation collective.

On observe déjà la nouvelle virginité restaurée par les médias traditionnels des Libéraux défenseurs corrompus et assurés des thèses réactionnaires du libéralisme économique et politique qui devraient désormais devenir la cible obligée de sociaux démocrates prétendant « renouveler » leur orientation politique.

C’était contre la sociale démocratie qu’étaient braquées les nouvelles méthodes presque totalitaires des médias dans la défense du néolibéralisme et de l’ordre établi. Ils parlent toujours en même temps des mêmes choses à cause de leur dépendance à une forme de journalisme soumis aux impératifs de la démocratie libérale et aux grandes agences de presses internationales. C’est cet ordre mondialement défendu qui alimente toutes les tribunes possibles, y compris celles de l’ONU, qui veut que les patrons aient toujours le haut du pavé dans le gouvernement des sociétés laissées à la libre volonté du pouvoir des capitalistes. Ou si on préfère, d’une caste impérialiste dont on voit se manifester l’arrogance dans les gestes pathétiques de « l’honorable » John Baird se faisant photographier avec des nazi notoires en Ukraine !

Leur échec flagrant à exercer le pouvoir autrement que pour les intérêts du patronat ou des grandes transnationales (les pétrolières savent de quoi on parle) devait nous sauter au visage. Il y a un doute à semer chez nos propres membres dans la capacité des médias à influencer un discours public complaisant à l’endroit des grands managers de l’ordre établi mondial dont un Québec indépendant devrait prendre ses distances.

C’est pourtant encore une cible très peu attaquée par les partis se référant à la sociale démocratie. Je me souviens de cette déclaration d’un Lisée, qui s’attaquait à Duhaime, le fanatique pourfendeur de la gauche et des syndicats, en lui mentionnant que « ces gens-là (il parlait de l’extrême droite) ne parle jamais du patronat ». C’est cette orientation que devrait continuer de suivre la sociale démocratie. Québec solidaire prouve qu’elle n’a pas épuisé toute sa créativité pour le faire.

On ne parle encore que très rarement de « ces grands maîtres du salariat » parce qu’il nous semble évident que leur hégémonie sur la société soit naturelle. Elle est pourtant bien fabriquée et élaborée finement par des appareils de propagande influents et méticuleux dans les procédés de la publicité sociétale globale bien orchestrée. C’est Francis Dupuis Déry qui nous rappelait à bon escient lors des dernières élections que « nous allions élire nos maîtres ». Ils le seront, et resteront les promoteurs avérés du néolibéralisme, tant que nous n’aurons pas mieux précisé la cible avérée du 1 % dans nos campagnes politiques.

Guy Roy

Guy Roy

l’auteur est membre du collectif PCQ de Québec solidaire à Lévis.

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