Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Des ouvriers excédés par Charest ... comme bien du monde

Comme bien des Québécois, les ouvriers de la construction les plus engagés auprès de leurs syndicats, se retrouvent excédés par Charest qui se sent de plus en plus la vocation de faire reculer le Québec, et particulièrement la classe ouvrière, sur de précieux acquis pour la maîtrise de leur destin.

En effet, pour ceux qui ne sont pas tombés dans le panneau de la désinformation de l’État libéral et de ses acolytes médiatiques, la Loi 33 a comme objectif de rétrécir la marge de manoeuvre que syndicats et ouvriers de la construction ont comme pouvoir sur leur vie au travail : le placement syndical qui en est un outil précieux.

Ce contrôle de l’embauche autorise à aller plus loin que le strict droit de gérance des employeurs et donne l’opportunité aux ouvriers et à leur représentant élus d’offrir leur travail sans être complètement à la merci de l’arbitraire patronal. Un jugement expéditif sur le contrôle de l’emploi par les syndicats évite tout simplement de poser le problème de l’embauche sur les grands chantiers : doit-il être dévolu à la Commission de la Construction du Québec (un appendice de l’État) ou être laissé, selon le voeu majoritaire des salariés, aux appareils syndicaux auxquels adhèrent volontairement les ouvriers de la construction au Québec ?

La campagne de désinformation sur le sujet et l’unanimité des grands médias, qui a pris par surprise même certains employeurs un peu déboussolés, par laquelle l’État québécois, rempart du libéralisme économique et du contrôle autoritaire sur les salariés, a déployé une stratégie de sabotage des acquis du mouvement ouvrier. Bien des employeurs en effet s’en accommodaient et l’accusation un peu courte de « collaboration de classe » selon un certain point de vue ne tient pas la route. Cette dernière position ne tient pas compte de ce que signifie exercer un pouvoir qui aura fait reculer le droit de gérance.

Ce débat est aussi vieux que le syndicalisme lui-même : quand les patrons reculent, qu’y a-t-il de déraisonnable à occuper le terrain conquis par les ouvriers eux-mêmes ou leurs représentants pour y faire valoir de façon indépendante les droits et pouvoirs des salariés ?

La Commission de la Construction du Québec, sous la férule de Madame Lemieux, s’est mise en mode offensif et tente de profiter de l’unanime campagne médiatique de dénigrement des syndicats, pour restructurer les règles en diminuant le précieux pouvoir que les ouvriers exercent sur l’offre de leur travail sur ce qui est, jusqu’à ce jour, un « marché du travail » dont les agents sont plus ou moins déjà organisés pour veiller chacun de leur côté à leurs intérêts.

En exagérant le phénomène de l’intimidation, dont des femmes de la Côte Nord dans ces métiers non-traditionnels ont minimisé l’impact, Madame Lemieux, elle, veut revenir, selon l’expression d’un ouvrier qui désirait témoigner devant les députés, « aux conditions de travail de 1920 », ni plus ni moins !

Le rôle des médias n’est pas négligeable dans cette offensive libérale et patronale (a-t-on besoin de préciser ?) dont on peut questionner l’opportunité. Est-ce que les ouvriers et leurs centrales serviront de bouc-émissaires dans les scandales qui risquent d’éclabousser, en étant étalés sur la place publique, le parti libéral et certain mafieux qui s’y sont acoquinés ? Il est en effet facile, dans une stratégie un peu grossière, de monter la population et certains syndiqués de la base contre le leadership syndical (social-démocrate comme bien des protagonistes dans ce débat) pour miner des acquis qui ne semblaient affecter qu’une minorité, battue démocratiquement au vote d’adhésion, et qui consiste à pousser les mesures néolibérales jusque dans la gestion quotidienne des conventions collectives. La promotion du libéralisme dans ces conditions n’est pas innocent et beaucoup d’ouvriers ne s’y sont pas fait prendre.

Si l’intimidation était ce mal ravageur qui corrode les relations de travail, quelle entrave y aura-t-il à faire témoigner les victimes devant une commission dont il a fallu le scepticisme critique du Barreau lui-même pour finir par être accordée par Charest ?

Il restera cependant dans la gorge du mouvement syndical le souvenir de la Commission Cliche dont les résultats se sont avérés orientés vers la criminalisation de la protestation violente de certains éléments plus radicaux du mouvement sans que ne soient inquiétés des patrons pour leurs attitudes provocatrices, rigides et antisyndicales. Que faire en effet devant le juge Cliche, inquisiteur de gauche, qui avait été député de Beauce, maintenant fief de Bernier, cet ami du soldat canadien ? Que répondre à Charrette, un syndicaliste de l’époque, dont on sait maintenant comment la tortueuse carrière a bifurqué au service des Compagnies forestières ? Aucune riposte possible, non plus, contre ce Mulroney, futur premier ministre canadien et impliqué dans le commerce des armes ?

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendons blanc ou noir » (La Fontaine).

Il n’y a, à mon avis, qu’un bouleversement profond dans les rapports de pouvoir qui rendra effectivement justice. Tant que ce pouvoir ne changera pas de main radicalement, comme le souhaite notre programme, les ouvriers n’auront rien à attendre de ces « sauveurs suprêmes » qui s’offrent à eux temporairement pour les protéger des « vilains dictateurs » et qui, finalement, prennent historiquement le chemin de la collaboration avec leurs adversaires politiques, les représentants avoués ou non du patronat.

Guy Roy, membre du PCQ et du local 10109 de l’UCET, AFPC-Québec, FTQ

Guy Roy

l’auteur est membre du collectif PCQ de Québec solidaire à Lévis.

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