Édition du 7 mai 2024

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Éducation

"Est-ce si important que cela que les étudiants d’ici soient aussi endettés qu’ailleurs au pays ?"

L’auteur est secrétaire général de la Table de concertation étudiante du Québec (TACEQ) qui est à l’origine de la présentation du Moulin à parole pour l’éducation présenté à Québec le 24 septembre dernier. Nous reproduisons son allocution faite à cette occasion.

La condition étudiante est en crise. Le gouvernement de Jean Charest s’attaque méticuleusement aux gens dans les situations les plus précaires par une vision des politiques publiques qui est réductrice et qui ne favorise pas l’ensemble de la société. Ceux qui subissent le plus gravement les contrecoups de ses politiques néolibérales, sont les plus démunis ou ceux en difficultés socio-économiques comme c’est le cas de la jeunesse québécoise.

La TaCEQ, en tant qu’actrice québécoise dans le domaine de l’éducation se doit de dénoncer l’injustice grandissante que les libéraux entretiennent.

D’une vision de l’éducation

En effet, à différents moments de notre histoire ou même dans l’actualité des derniers mois, nous pouvons comprendre quels sont les impacts d’une hausse des frais sur le nombre d’inscriptions à l’université.

Jadis, en 1948 l’organisation des Nations unies, s’est dotée de la déclaration universelle des droits de l’homme. Ce document stipule à l’article Article 26 alinéa 1 : L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité, à tous, en fonction de leur mérite.

C’est un principe qui semble échapper aux décideurs d’aujourd’hui.

Parallèlement, avec le rapport Parent, la population québécoise avait compris l’importance de développer un réseau scolaire de qualité et accessible à tous par la création des CÉGEP et des UQ. Cette importance est devenue une nécessité tant les avantages sont nombreux. Personne ne remet en doute les progrès majeurs que cela à permis dans la santé, dans l’économie, dans l’environnement et dans la culture. Personne ne remet en doute les progrès substantiels vers une plus grande égalité que cela a permis.

En 1990 les nouveaux étudiants sur les bancs d’école ont diminué d’au moins 10% à la suite d’une augmentation massive similaire à celle que l’on vit présentement. Récemment dans l’actualité, une projection de la London School of Economics prévoit une réduction du nombre d’inscription dans les établissement postsecondaires en Angleterre de 5% à 7% depuis la nouvelle hausse des frais de scolarité imposée. Au Québec ce serait l’équivalent de 10 000 étudiantes et étudiants qui n’iraient pas sur les bancs des universités.

Sans étonnement, le CCUFE un organisme gouvernemental a apporté un diagnostic similaire pour le Québec, la réduction potentielle s’estime à 7000 étudiantes et étudiants de moins dans nos universités. Ce chiffre représente 7 000 citoyennes et citoyens québécois qui auront plus de difficulté devant les défis à venir. Certes, nous n’en sommes pas là encore, mais l’attitude de déresponsabilisation de l’État se poursuit : avec un recul de près 22% de l’investissement de l’État dans les 20 dernières années, c’est vers une logique du chacun pour soi que nous mène le gouvernement actuel.

L’importance de l’autonomie des universités et de la liberté académique est réclamée parce quelle est de plus en plus soumise aux impératifs de la marchandisation du savoir et de la rentabilité économique de la recherche plutôt que de se concentrer sur sa mission première, celle de préparer les nouvelles générations aux défis de demain.

Une réalité plus fragile

Malheureusement, la disparité entre riche et pauvre continue d’augmenter, l’étudiant moyen termine maintenant ses études universitaires avec près de 15 000$ de dettes, et l’augmentation des frais de scolarité ne fera qu’amplifier cette situation. En quoi le fait de rattraper les frais de scolarité de la moyenne canadienne serait-il un mérite ou un progrès ? Est-ce si important que cela que les étudiants d’ici soient aussi endettés qu’ailleurs au pays ? En quoi favoriser l’endettement des générations futures est une vision appropriée pour aider la prospérité ? La réalité est que cela ne fera qu’augmenter la pression sur les individus endettés au profit des banques.

La vision de l’éducation est maintenant perçue comme une simple marchandise achetable aux plus offrants. On préfère ponctionner la frange la plus pauvre et précaire soit les étudiantes et étudiants plutôt que la plus riche et en sécurité soit celle des entreprises qui sont pourtant grandes bénéficiaires de tous les diplômés hautement qualifiés qui sortent des universités.

Bref, comment passer d’une vision qui met toujours plus de pression sur l’individu au détriment du tissu social vers une vision collective et solidaire de la condition étudiante et plus globalement humaine ? Comment passer d’un mouvement de contestation contre la hausse des frais de scolarité à une vision positive ? La réponse est claire, par des actions et des propositions concrètes.

Des idées pour une autre vision

Les alternatives sont d’ailleurs nombreuses pour maintenir la vision de l’éducation que nous avons. Il suffirait, par exemple, d’imposer une légère taxe aux grandes entreprises. En se basant sur un projet déjà existant, celui du Fond de services et de santé, on pourrait étendre l’apport de ce projet et créer un Fond de services de santé et d’éducation postsecondaire. Il s’agirait d’une mesure similaire à la Loi sur les compétences qui oblige les grandes entreprises à verser l’équivalent de 1% de leur masse salariale en formation. Ce genre de mesure serait amplement suffisant pour combler le supposé sous-financement du réseau universitaire.

Ce Fond de services de santé et d’éducation postsecondaire posséderait un second avantage, celui d’éviter l’appel naïf de la philanthropie qui n’amène que du financement aux universités dans l’intérêt de l’entreprise plutôt que de l’ensemble de la collectivité universitaire. En effet, il a été démontré que les investissements du privé sont devenus une nouvelle forme de sous-traitance où, sous-prétexte d’être en formation, les entreprises paient des étudiantes et étudiants pour faire leur recherche et ainsi éviter de payer la main d’oeuvre au sein de leur entreprise.

Et qu’on ne dise pas que les grandes entreprises québécoises sont en manque d’argent, ces dernières ont vu leurs crédits d’impôts augmenter de 10 à 15% au cours des dix dernières années et la redistribution des richesses n’a fait que diminuer au profit des plus riches.

D’autres options seraient envisageables pour renflouer les coffres des universités : une taxation appropriée des minières ou l’ajout de nouveaux paliers d’imposition. Rappelons que les impôts via l’État est le système le plus développé dont nous nous soyons dotés collectivement pour s’assurer d’une plus grand égalité.

5. Non à la hausse, oui à l’éducation pour l’avenir...

S’il nous faut parler aujourd’hui, c’est que le gouvernement repousse les limites du cynisme. Les dernières coupures de près de 800 millions qui n’affecteront prétendument pas la qualité du système d’éducation, nous démontre clairement que la volonté politique du gouvernement Charest est de saper les acquis de la révolution tranquille. Ce n’est pas en retournant en 1968 que les générations futures pourront se préparer au défis de demain.

Nous disons Non à l’augmentation des frais de scolarité et aux politiques dévastatrices du gouvernement Charest.

Simon Gosselin

Table de concertation étudiante du Québec

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