Édition du 30 avril 2024

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Féminisme

"India's Daughter", le documentaire qui montre les violeurs sans remords d'une étudiante indienne

La réalisatrice Leslee Udwin a réalisé pour la BBC un documentaire sur le viol de l’étudiante Jyoti Singh, qui avait bouleversé l’Inde et le monde entier en décembre 2012. Elle a recueilli les témoignages de certains de ses violeurs.

Photo : Une jeune Indienne participe, le 16 décembre 2014, à une manifestation en mémoire de Jyoti Singh, à New Delhi (Inde). (SAJJAD HUSSAIN / AFP)

Qu’est-ce qui a changé en Inde depuis deux ans ? Les manifestations monstres qui ont suivi le viol et le meurtre d’une jeune femme de 23 ans, Jyoti Singh, en décembre 2012, ont-elles permis de faire reculer les violences contre les femmes et les inégalités de genre ? Guidée par cette question, la documentariste Leslee Udwin a mis deux ans pour réaliser India’s Daughter (La fille de l’Inde). Et elle a recueilli les témoignages stupéfiants de violeurs.

Un documentaire au lancement mondial

Diffusé dimanche 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, sur la chaîne britannique BBC4, le film sera montré simultanément, selon The Guardian (en anglais), dans sept autres pays, dont l’Inde, la Suisse, la Norvège, le Canada et, le lendemain, à New York, en présence de l’actrice Meryl Streep. Le film devrait surtout être largement visionné dans les écoles indiennes, pour sensibiliser la jeunesse de ce pays au respect des femmes.

Qui a oublié les faits ? En 2012, Jyoti Singh, une étudiante indienne de 23 ans, était violée par plusieurs hommes dans un bus à New Delhi et mourait de ses blessures une dizaine de jours plus tard. Comme le rappelle Slate, ses parents agriculteurs étaient venus de l’Uttar Pradesh, Etat du nord de l’Inde, dans la capitale pour accéder à une vie meilleure et permettre à leurs trois enfants, deux garçons et une fille, de suivre des études. La jeune femme venait de passer ses examens pour devenir médecin, ce 16 décembre, quand elle a décidé d’aller voir un film, L’Odyssée De Pi, avec un ami.

A 20h30, le couple monte dans un bus. A bord, six hommes - cinq adultes et un mineur de 17 ans - frappent le jeune homme, qui perd connaissance. Ils violent ensuite Jyoti, l’éviscèrent avec une barre de fer et la jettent dans la rue.

Un projet né des manifestations de fin 2012 en Inde

L’horreur et l’indignation suscitent, trente jours de suite, des manifestations en Inde réclamant que l’égalité des droits hommes-femmes (inscrite dans la Constitution) devienne enfin une réalité dans les faits.

"Cela a été le printemps arabe de l’égalité des genres en Inde", estime Leslee Udwin, 57 ans, citée par le Guardian. Ce qui l’a incitée, continue-t-elle, à "abandonner son mari et ses deux enfants pendant deux ans" pour tourner ce film n’était pas tant l’horreur du viol que l’ampleur inédite de ces manifestations pour les droits des femmes. 

"Elle aurait dû rester silencieuse et se laisser faire"

Dans India’s Daughter, la documentariste a recueilli la parole de plusieurs violeurs, notamment ceux qui sont jugés pour le meurtre de Jyoti Singh. "Les détails horribles du viol ont fait que je m’attendais à des monstres, des psychopathes. La vérité est de loin pire. Ce sont des hommes ordinaires, sans rien de remarquable", dit-elle à la BBC.

A en juger par les propos cités, non seulement les violeurs n’ont aucun remords, mais ils rejettent toute la responsabilité sur les femmes agressées. Un des assassins de Jyoti, Mukeh Singh, déclare ainsi à la réalisatrice qu’"une jeune fille décente n’est pas dehors à 21 heures" et que, de toute façon, "une fille est de loin beaucoup plus responsable d’un viol qu’un garçon".

Pire encore, poursuit-il à propos de Jyoti Singh, "elle aurait dû rester silencieuse [pendant le viol] et se laisser faire". Ce qui, assure-t-il, aurait pu lui sauver la vie. La peine de mort pour les violeurs, continue-t-il, va rendre les choses "plus dangereuses" encore pour les filles : "Les violeurs les tueront." Pour lui, "le rôle des femmes est de s’occuper de leur maison, pas de traîner dans des bars ou des boîtes de nuit".

"C’était juste une mendiante, sa vie n’avait pas de valeur"

Parmi les autres témoignages recueillis par Leslee Udwin et cités par BBC4, celui de Gaurav, 34 ans, qui a violé une enfant de 5 ans. A la réalisatrice qui lui demande comment il a pu commettre un tel acte, évoquant la taille, les yeux horrifiés et les cris de la petite fille, l’homme répond : "C’était juste une mendiante, sa vie n’avait pas de valeur."

Les avocats des violeurs tiennent des propos du même acabit. L’un d’eux se dit prêt à "brûler vive" sa sœur ou sa fille s’il jugeait son comportement indécent.
Leslee Udwin se dit tout de même confiante dans la jeunesse de l’Inde, qui est massivement descendue dans les rues il y a deux ans. Et se dit, sur la BBC, "absolument optimiste : nous sommes à l’aube du changement".

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