Édition du 30 avril 2024

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International

LE CAPITALISME CONTRE SARKOZY ?

Etrange paradoxe que celui de la rentrée politique de Nicolas Sarkozy : alors que le président s’apprête à participer à l’université d’été du Medef, son gouvernement doit faire face aux plats cassés des marchés financiers. Est-ce le début de la fin de l’« état de grâce » ? Pour l’instant rien ne semble joué, même si la confiance en apparence inébranlable de la droite semble être sous pression. La suite appartient peut-être davantage à la gauche politique et sociale, notamment si elle se montre capable de riposter aux coups portés par le nouveau pouvoir.

Paris, 27 août 2007

Les premières difficultés du nouveau pouvoir

Depuis la victoire du candidat de l’UMP aux élections présidentielles, les scénarios allaient bon train. A quand la première épreuve de force avec la rue ? Déclenchée par qui, par quoi, comment ? Et puis, en fin de compte, ce sont les marchés financiers qui sont à l’origine de la première épreuve du gouvernement. Qui aurait dit au printemps que les « marchés » donneraient du fil à retordre à leur candidat favori ?

En réalité, si la droite au pouvoir est préoccupée par les conséquences de la secousse boursière des dernières semaines, ce n’est pas pour des raisons d’ordre financier. C’est que l’ensemble des indicateurs économiques du second trimestre sont au rouge : stagnation de l’investissement, diminution du pouvoir d’achat, recul de la production industrielle, aggravation du déficit commercial. Or, le spectre que fait planer sur cette croissance molle la crise financière est celui d’un renchérissement du crédit, ce qui plomberait à la fois l’activité des entreprises et la consommation des ménages. D’où les déclarations rassurantes en cascade du ministre de l’Economie et des Finances, Christine Lagarde, soulignant à chaque fois que les « fondamentaux » de l’économie française sont « bons ». D’où également le plaidoyer de François Fillon auprès de la BCE pour éviter un relèvement des taux d’intérêt.

Mais malgré l’agitation gouvernementale – et la réunion prévue avec les grandes banques – celles-ci vont très probablement hausser le coût des crédits alloués aux entreprises. Car, faut-il comprendre, les pertes de ces mastodontes suite à la contraction boursière sont significatives. Dans la foulée, la prétention de Sarkozy à pouvoir susciter un « choc de confiance » susceptible de faire « gagner le point de croissance qui nous manque » – tout cela semble sinon démenti, du moins ébranlé. La preuve est que dans les couloirs de Bercy on doute désormais de la capacité de la France à atteindre une croissance de 2,25% en 2007 (base sur laquelle tout le budget a été calculé).

Le « choc de confiance » néolibéral

Pourtant, le gouvernement n’est pas resté les bras croisés depuis sa formation. Les mesures phares du gouvernement Fillon ont en ce sens cherché à assurer les investisseurs, le patronat et, en général, les classes fortunées de son soutien. Le « paquet fiscal » du gouvernement coûtera au Trésor public quelques 13 milliards d’euros alors qu’il ne profitera qu’à une minorité privilégiée. De même, la détaxation des heures supplémentaires est bénéfique pour les entreprises. Or, si ces mesures rassurent certainement le capital, elles ne participent pas directement à la création d’emplois. Puis, pour pallier au déséquilibre des finances publiques, le projet d’une TVA sociale demeure une option dans les tiroirs du gouvernement. A cela s’ajoutent une nouvelle franchise médicale, la réforme prévue des régimes de retraite, l’autonomie des universités et la loi sur le service minimum dans les services publics.

« Choc de confiance » ? Certes, Nicolas Sarkozy a mis en marche une véritable croisade sociale qui ne dit pas son nom. Cela rappelle par ailleurs la nature de ce néolibéralisme. Il ne s’agit pas tant d’un désengagement de l’Etat. L’action de ce dernier garde plus ou moins la même ampleur qu’auparavant. Seulement que – et c’est ici l’essentiel – la politique sociale et économique est mise au service des couches les plus riches et du grand patronat. En ce sens, le corollaire de cette politique pour les classes populaires n’est rien de moins qu’une sorte de « thérapie de choc » destinée à établir de nouveaux équilibres à l’avantage du capital.

L’affrontement social et politique est à venir

Quoi qu’il en soit, tout est à venir. Malgré les allures bonapartistes du nouveau président, et en dépit des succès enregistrés à diviser et isoler la gauche libérale, l’extrême droite et le centre, son programme de « choc » ne pourrait être imposé que par l’affrontement social et politique. Tout semble donc indiquer que de nouvelles tensions se préparent, non pas une stabilisation de la vie politique.

Dans cette perspective, deux questions apparaissent cruciales. D’abord, celle du mouvement social : ses différentes composantes – sans-papiers, lutte pour le logement, banlieues, syndicats d’étudiants, salariés du privé, fonctionnaires des services publics – sauront-elles constituer une sorte de front uni contre les attaques à venir ? Compte tenu de l’attitude consensuelle des centrales syndicales face au gouvernement, tout semble donc dépendre de l’ampleur des mobilisations à venir. Les expériences récentes (CPE, hiver 1995) conduisent à penser en effet que les directions syndicales ne sont poussées à l’unité que lorsque l’ampleur des mobilisations les y oblige.

Puis, deuxième question, celle de la gauche révolutionnaire : ses différentes tendances pourront-elles se faire suffisamment entendre pour qu’enfin le mouvement social bénéficie d’un exutoire politique ? Rien n’est encore certain et par conséquent, à cette date, tout semble possible, le meilleur comme le pire.

Le bloc idéologique néolibéral aura persuadé l’opinion publique que la droite incarnée par Nicolas Sarkozy constitue la meilleure équation politique pour que la France fasse partie des « gagnants ». Qu’en est-il aujourd’hui ? Les promesses d’une croissance plus soutenue en 2007 sont mises à mal par la crise financière. Demeure donc la prétention du chef de l’Etat à pouvoir provoquer un « choc de confiance » salvateur. Il s’ensuit que le ralentissement de la croissance risque de réduire la marge de manœuvre du gouvernement. Soit en contribuant à unir les opposants du président dans un front politique et social ; soit en minant l’unité de son propre camp ; soit en lui imposant un calendrier des luttes imprévu.

Mots-clés : France International

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