Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Élections fédérales 2015

La mission du Parti libéral du Canada, restaurer l’acceptabilité politique de la domination de l’oligarchie

L’approche étroitement électoraliste qui inscrit un appel au vote Libéral dans la logique du “ n’importe qui sauf Harper” ne peut préparer que des lendemains douloureux. Chasser Harper en s’appuyant sur un des partis du grand capital comme le PLC est une approche qui ne transformera pas réellement le rapport de force en faveur des classes subalternes. Il ne suffit de faire quelques rappels historiques pour s’en convaincre.

Les gouvernements libéraux (de Jean Chrétien ou de Paul Martin) ont inscrit leurs politiques dans le cadre de la logique néolibérale. C’est sous ces gouvernements que les impôts des entreprises ont commencé à baisser, que les privatisations des entreprises publiques se sont multipliées. C’est sous le gouvernement libéral de Paul Martin qu’Ottawa a décidé de s’accaparer des surplus du fonds de l’assurance-chômage pour effacer le déficit de l’État fédéral. C’est près de 30 milliards de dollars qui ont été ainsi détournés de cette caisse. En 2003, seuls 4 chômeurs et chômeuses sur 10 ont alors accès à l’assurance-chômage. C’est un recul considérable qu’il a ainsi imposé aux plus démuni-E-s. Les gouvernements libéraux ont diminué les transferts fédéraux aux gouvernements provinciaux tout en faisant pression sur ces derniers pour qu’ils diminuent leurs dépenses sociales, particulièrement les dépenses de santé.

Le Parti libéral du Canada a toujours été solidaire de l’oligarchie financière et ouvert à ses pressions et à ses menaces. Justin Trudeau s’inscrit dans cette tradition. Dans cette campagne électorale, le PLC propose des mesures fiscales qui visent à lui gagner des segments ciblés de la clientèle électorale. C’est la même tactique que le Parti conservateur, mais le PLC s’adresse à une autre clientèle que le Parti conservateur. C’est pourquoi, il propose "l’annulation du fractionnement du revenu et d’autres allégements fiscaux pour les mieux nantis, et de bonifier les prestations pour enfants. » [1] La réforme de la fiscalité proposée par ce parti se contente d’une réduction d’impôt pour ladite classe moyenne qui pourrait atteindre 670$ par personne par année. Rien pour s’attaquer réellement aux inégalités dans la répartition de richesse. Du marketing électoral, rien de plus.

C’est sous les gouvernements Libéraux que les investissements dans les dépenses militaires ont commencé à augmenter. Ces gouvernements trouvaient que les forces armées canadiennes étaient insuffisamment pourvues en effectifs, sous-financées et sous-équipées. Ce n’est queface à la force du mouvement contre l’intervention canadienne en Irak que le gouvernement Chrétien a dû reculer. Mais il a accepté d’accompagner le gouvernement américain dans son intervention en Afghanistan qui s’est étendue sur de longues années. Le PLC a essentiellement accompagné le cours guerrier du gouvernement conservateur, en se contentant de critique de biais sur la plus ou moins grande transparence du gouvernement Harper. Le PLC a donné son accord à l’intervention en Irak et en Syrie.

Le PLC a capitulé face à la démagogie sécuritaire des Conservateurs. Il a voté pour la loi C-51, une loi liberticide s’il en est. Seul le NPD a mené, au niveau parlementaire, une opposition conséquente contre cette loi répressive.

Le Parti libéral du Canada est fourni de gouvernements centralisateurs : reconnaissance de la légitimité du pouvoir fédéral de dépenser sans tenir compte des sphères de compétences fédérale ou provinciale ; envahissement des juridictions provinciales ; absence de droit de retrait des programmes décidés par Ottawa... Le PLC ne reconnaît pas la réalité nationale du Québec et son droit à l’autodétermination. L’adoption de la loi sur la clarté (de la question référendaire) a porté encore plus loin cette négation antidémocratique du droit à l’autodétermination. Justin Trudeau défend ce leg du PLC. Il s’est même permis depuis le début de la campagne de reprocher à Thomas Mulcair de s’attaquer à la loi sur la clarté et à défendre la norme du 50%+1 lors de la tenue d’un référendum sur la souveraineté.

Pour ce qui est de l’environnement, le Parti libéral du Canada reprend tous les poncifs du capitalisme vert. La solution des problèmes environnementaux passerait par les investissements des entreprises privées dans les nouvelles technologies pour créer des emplois verts, et générer de la richesse. [2] Mais sa propagande électorale ne dit pas un mot sur l’exploitation des sables bitumineux et la construction des pipelines... Le PLC garde un silence trompeur sur les principaux enjeux en ce domaine. En fait, le PLC de Justin Trudeau soutient le tournant pétrolier et la construction de pipelines vers le sud, l’ouest et l’est pour renforcer l’exploitation du pétrole tiré des sables bitumineux. Comme le Parti conservateur, il est solidaire de la stratégie énergétique de la classe dominante sur le continent nord-américain et s’inscrit dans le modèle extractiviste.

Un bilan le moindrement attentif des politiques des gouvernements libéraux et des propositions de son chef actuel démontre que ce Parti est tout à fait solidaire des intérêts du 1% et qu’il ne peut constituer une alternative sérieuse au gouvernement Harper. L’orientation “n’importe qui sauf Harper” fait l’impasse sur cette réalité : si la politique d’Harper à sa spécificité liée à l’histoire et la nature moralement réactionnaire de la direction du Parti conservateur, la politique du PCC se définit autour de la défense des intérêts de la classe dominante à cette étape du capitalisme. L’orientation du PLC se distingue par le fait qu’il cherche à restaurer l’acceptabilité politique de la domination de l’oligarchie par des mesures prétendant construire un Canada juste et ouvert. Il est donc nécessaire de dépasser un électoralisme à courte vue et dénoncer les politiques de ce parti du grand capital et son rôle de défenseur des intérêts de l’oligarchie.


[1PLC, Le Plan de Justin Trudeau pour redonner à la classe moyenne. Site Web du PLC, 2015

[2PLC, Un nouveau plan pour l’environnement et l’économie au Canada, Site Web du PLC, 2015.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

Sur le même thème : Élections fédérales 2015

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...