Édition du 30 avril 2024

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Environnement

Bar rayé : Le Port de Québec pris la main dans le sac

Le Port de Québec a été pris la main dans le sac alors que des travaux de forage illégaux entourant son agrandissement ont été autorisé en pleine saison de reproduction du bar rayé, une espèce en voie de disparition. C’est la direction régionale de Pêches et Océans Canada qui a tiré la sonnette d’alarme. Qu’en est-il de la situation de ce poisson. Nature Québec a produit un mémoire sur le sujet et vient de déposer une pétition contre le projet d’agrandissement du Port de Québec. Voici de larges extraits du mémoire.

Commentaires

Il s’agit d’un document de très grande qualité. Il repose sur la meilleure information disponible, la participation de plusieurs spécialistes du milieu gouvernemental et universitaire et une solide révision par les pairs des conclusions à tirer des études disponibles sur cette population en restauration. Il présente aussi avec clarté et précision les constats scientifiques récents relatifs au bar rayé dont plusieurs sont répétés dans le texte. On y identifie et délimite avec fermeté les secteurs précis de l’habitat essentiel du bar rayé connus en 2019, notamment celui du secteur de Beauport dans la ville de Québec (incluant la baie de Beauport, l’embouchure de la rivière Saint-Charles et l’extrémité portuaire du secteur Beauport). On y indique aussi les sources d’informations mentionnées à la page 43 du document de l’Administration portuaire de Québec (Aménagement d’un quai en eau profonde – Beauport 2020, Document de réponses à la lettre de non-concordance de l’ACÉE du 8 juin 2018 – avril 2019, version finale) qui n’ont pas encore été rendues publiques et qui devraient l’être, comme Nature Québec le souhaitait dans son avis intitulé : Commentaires et questions de Nature Québec sur la mise à jour de l’étude d’impact du projet d’aménagement d’un quai en eau profonde dans le port de Québec - Secteur Beauport - Juin 2019

C’est un fait reconnu que, de tous les habitats fréquentés par le bar rayé au cours de son cycle vital, les plus importants pour le maintien d’une population semblent être ceux dans lesquels se déroulent la fraie et ceux dévolus aux premiers stades de développement (p. 7 du document). La tentation peut être grande pour le promoteur du projet portuaire d’offrir de reproduire ailleurs dans l’estuaire des milieux de reproduction. Or, il est clair que les connaissances acquises ne permettent pas de reproduire un habitat de remplacement qui viendrait compenser la perte de la zone de fraye identifiée dans le secteur portuaire de Beauport. L’hydrodynamisme de ce milieu est caractérisé par une gyre et une zone de clapotis. Un milieu aussi complexe ne pourrait pas être répliqué. En outre, la localisation de cet habitat dans cette zone particulière de l’estuaire est stratégique pour la reproduction du bar rayé. Il est situé en amont d’une zone de turbidité maximale entre l’Île d’Orléans et l’Île aux Coudres, laquelle soutient de fortes densités de zooplancton et est connue comme aire d’alevinage de l’éperlan arc-en-ciel et de plusieurs autres espèces de poissons (p. 7 du document). Cette zone d’eau douce ou légèrement saumâtre, une condition essentielle à la survie des larves, pourrait aussi accueillir les premiers stades de développement du bar rayé du Saint-Laurent. Enfin, cet habitat de reproduction du bar rayé, un des deux seuls identifiés dans l’estuaire du Saint-Laurent, est situé à l’intérieur et en amont de l’habitat essentiel désigné pour l’alimentation et la croissance des larves et des juvéniles de l’année (0+). Celui-ci correspond à la zone riveraine intertidale et de profondeur à marée basse comprise entre 0-5 mètres qui débute à la hauteur de Lévis et s’étend en aval jusqu’à, respectivement, Rivière-du-Loup sur la rive sud et Petite-Rivière-Saint-François sur la rive nord (y compris les îles et hauts-fonds entre la ville de Québec et l’île aux Grues).

Nous avons aussi apprécié la présence de plusieurs informations relatives à la philosophie qui doit régir les décisions de gestion des différents niveaux de gouvernement, comme le fait que le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes pour prévenir la disparition ou la décroissance de la population actuelle du bar rayé du fleuve Saint-Laurent. De telles mentions sont essentielles à l’information du public en général et des différents promoteurs de projets, le cas échéant.

Nous avons déjà demandé officiellement à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale en juin dernier d’obtenir et de rendre publics les résultats des études les plus récentes sur l’utilisation des habitats aquatiques affectés par le projet de port ainsi que les avis les plus récents des experts gouvernementaux concernés par cette question tant au fédéral qu’au provincial. Ces informations, payées par le public, doivent être accessibles dans les plus brefs délais pour contribuer en toute transparence à l’étude de l’impact du projet.

Nature Québec adresse également cette demande à Pêches et Océans Canada de rendre publics tous les documents et données utilisés pour l’élaboration de ce programme de rétablissement qui ne le seraient pas déjà, dans un souci de transparence et d’accès direct aux sources scientifiques utilisées.

Le tableau qui suit présente les principales affirmations critiques du document que nous souhaitions y retrouver. Nous sommes toujours d’avis que le projet d’expansion du Port de Québec par remblayage et dragage dans le fleuve Saint-Laurent est injustifiable dans le cadre notamment de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les espèces en péril et plus largement dans un contexte de développement durable et de respect de l’environnement.

PRÉFACE : Pour l’élaboration de ce programme de rétablissement et plan d’action combinés, le ministre compétent a tenu compte, selon l’article 38 de la LEP, de l’engagement qu’a pris le gouvernement du Canada de conserver la diversité biologique et de respecter le principe selon lequel, s’il existe une menace d’atteinte grave ou irréversible à l’espèce inscrite, le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes pour prévenir sa disparition ou sa décroissance.

SOMMAIRE :• Les menaces auxquelles fait face l’espèce sont décrites dans la section 5 et comprennent : le développement d’infrastructures... la modification locale du milieu riverain...• Le présent programme de rétablissement et plan d’action désigne l’habitat essentiel du bar rayé du fleuve Saint-Laurent comme étant un assemblage d’emplacements géographiques situés dans l’estuaire fluvial ou moyen du Saint-Laurent, tel que détaillé à la section 8.Il est prévu que la protection de l’habitat essentiel de l’espèce contre la destruction prendra la forme d’un arrêté visant la protection de l’habitat essentiel pris en vertu des paragraphes 58(4) et 58(5) de la LEP, qui invoquera l’interdiction, prévue au paragraphe 58(1), de la destruction de l’habitat essentiel désigné.

MENACES : Tableau 2.Évaluation des menaces pour la population du fleuve Saint-Laurent.Dans ce tableau contenant 16 menaces, le développement et les modifications d’infrastructures est la seule pour laquelle le risque est élevé.

HABITAT ESSENTIEL Page 30 : Deux sites, associés à des concentrations élevées de bars rayés en état de frayer, ont été échantillonnés plus intensivement et de manière récurrente (au moins deux ans), soit l’embouchure de la rivière du Sud à Montmagny (à l’échelle du « bassin ») et le secteur de Beauport dans la ville de Québec (ce qui inclut la baie de Beauport, l’embouchure de la rivière Saint-Charles et l’extrémité portuaire du secteur Beauport). De plus, pendant les mois de mai et juin 2015, le réseau fixe de télémétrie d’eau libre a permis de documenter l’utilisation de ces deux sites par les individus adultes équipés d’émetteurs acoustiques. En 2011, un échantillonnage d’ichtyoplancton couplé à des analyses génétiques a révélé la présence d’œufs de bar rayé à l’embouchure de la rivière du Sud à Montmagny (Côté et al. 2012). En 2014, une concentration élevée de larves de bar rayé a été observée en aval de la ville de Québec, notamment dans le chenal de l’île d’Orléans. Les patrons de circulation sont cohérents avec l’hypothèse que ces larves proviennent du secteur de Beauport, à Québec (Pascal Sirois, UQAC, comm. pers.).

Sur la base de ces diverses études, le secteur portuaire de la ville de Québec (à Beauport) et le bassin de la rivière du Sud (à Montmagny) ressortent comme des aires d’importants rassemblements d’adultes pour la reproduction. Le bassin de la rivière du Sud à Montmagny a été reconnu comme une frayère en 2011. Le secteur de l’extrémité portuaire de la ville de Québec (à Beauport) est également reconnu comme étant un site de fraie, à la suite de la récente confirmation de la présence d’oeufs et de larves de bar rayé dans ce secteur, en 2016 (Eliane Valiquette, MFFP, comm. pers.). Dans ces deux secteurs, on observe des rassemblements prédictibles d’individus adultes réunissant toutes les conditions propices à la reproduction (gonades pleines et coulantes, estomac vide, rapport des sexes débalancé en faveur des mâles et température de l’eau entre 13 et 18 °C). De plus, ces rassemblements sont observés uniquement en mai et juin, aux températures propices à la reproduction, et se situent dans des secteurs où l’hydrodynamisme est favorable à l’exportation des oeufs vers des zones d’alevinage observées en aval.

Page 40 : Dans le secteur de l’extrémité portuaire de la ville de Québec à Beauport, l’hydrodynamisme est caractérisé par une gyre et une zone de clapotis. Ces caractéristiques sont associées à la présence d’une zone de cisaillement entre, d’une part, les courants présents à la confluence de la rivière Saint-Charles et du Saint-Laurent et, d’autre part, les eaux plus calmes de la baie de Beauport, le tout modulé par la marée.

Page 42 : À l’heure actuelle, on sait que la population est capable de se reproduire naturellement, que son abondance augmente et que son aire de répartition s’étend, dans certains secteurs, au-delà de l’aire connue de la population historique. En absence d’indicateurs quantitatifs mesurant la taille et la répartition de la population ainsi que la capacité de support du milieu, il est pour l’instant impossible de quantifier la contribution de l’habitat essentiel désigné au rétablissement de l’espèce. Cependant, on considère que cet habitat essentiel devrait contribuer à son rétablissement, puisqu’il inclut les deux sites de reproduction connus et un assemblage d’habitats permettant au bar rayé de réaliser son cycle de vie.

Ainsi, l’habitat essentiel désigné correspond à des zones que le ministre des Pêches et des Océans, d’après la meilleure information disponible à l’heure actuelle, considère comme nécessaires pour atteindre en partie les objectifs en matière de population et de répartition de l’espèce requis pour sa survie ou son rétablissement. Des aires d’habitat essentiel supplémentaires pourront être désignées dans les mises à jour du présent document.

5- TABLEAU 7. CALENDRIER DES ÉTUDES VISANT A DESIGNER / PRÉCISER L’HABITAT ESSENTIEL

Pages 42-44 : Préciser l’étendue de la zone utilisée par les bars adultes pendant la période de reproduction (mai-juin) dans le secteur de Beauport, à Québec : les échantillonnages scientifiques réalisés par le MFFP entre 2013 et 2016 à l’embouchure de la rivière Saint-Charles, dans la baie de Beauport et à l’extrémité portuaire indiquent que le bar est concentré dans un secteur riverain de l’extrémité portuaire en période de reproduction (mai-juin). Comme cet échantillonnage est limité aux secteurs riverains de faible profondeur (zone intertidale et zone des 0-2 m) sous l’influence des marées, il est vraisemblable que le bar utilise également la zone plus profonde située plus au large. L’analyse de données de télémétrie acoustique, recueillies en 2015 et disponibles au MFFP, devrait offrir un premier élément de réponse pour mieux définir l’habitat essentiel.

Pour lire l’intégral du mémoire.

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