Édition du 7 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Économie

Partie 2 de 3

Les origines des inégalités : distribution primaire et secondaire

Quelques notes sur la situation et l’évolution des inégalités économiques dans le monde

Sans prétendre à l’objectivité on peut observer les déterminants des inégalités à deux moments. D’une part, à l’obtention du revenu dans le processus de production, thème qui a préoccupé les auteurs classiques (Smith, Ricardo et Marx). D’une part, une fois ces revenus obtenus a lieu l’action redistributive de l’Etat par le biais de l’imposition (avec les impôts, taxes et contributions spéciales) ainsi que les transferts. A cela, il faut ajouter la dépense publique comme élément de redistribution et plus particulièrement les dépenses sociales (éducation, santé, pensions et services sociaux, c’est à dire les 4 piliers de l’Etat de bien-être. En conséquence, le processus de répartition de l’impôt en plus de l’accumulation de richesses, loin d’être seulement une question technique est également hautement politique.

Partie 1

Dans une économie capitaliste, l’excédent généré socialement est réparti entre les facteurs capital et travail. Plus concrètement, comme Marx l’a expliqué, le capital détient la propriété des moyens de production et achète la force de travail nécessaire pour mener à bien le processus de production. Le salaire qui sert à payer cette force de travail n’est pas une simple marchandise mais un rapport social. En ce sens, la quantité finale de ce salaire dépend en dernière instance du rapport de forces entre capital et travail : "la bataille pour la redistribution" à laquelle l’économiste polonais Kalecki fait référence.

Une manière d’observer dans les statistiques officielles l’évolution de cette "bataillle pour la répartition" entre capital et travail se fait par ce qu’on connait comme "distribution fonctionnelle du revenu". Celle-ci consiste à mesurer le pourcentage de la rétribution des facteurs travail et capital (en plus d’impôts et de subventions) par rapport au total du PIB. Si on regarde maintenant l’évolution suivie dans les principales économies du monde, on constate une tendance décroissante dans la participation des salaires au revenu, comme l’illustre le graphique suivant.

Graphique 8. Participation (% PIB) des salaires aux Etats-Unis, UE-15 et Japon ?1960-2012

Source : AMECO

Autrement dit, si on imagine le revenu national comme une tarte, celle-ci a eu tendance a augmenter mais la part correspondant aux revenus du travail s’est réduite par rapport au total à répartir. La crise sert maintenant d’"excuse" pour faire pression à la baisse sur les salaires étant donné la réduction de la tarte du fait de la crise) mais cette tendance liée aux salaires a précédé la crise.

D’autre part, dans cette catégorie des "salaires", les disparités ont augmenté au cours des dernières décennies. Piketty (2013:p. 390) communique des données par rapport aux niveaux de revenus en Europe et aux Etats-Unis reproduits dans le tableau 6.

Tableau 6. Pourcentage par groupes de revenus par rapport au total des revenus du travail. Europe et Etats-Unis, 2010

Source : Piketty, 2013

La participation décroissante du salaire dans le total du revenu est un des facteurs explicatifs de l’évolution. Par ailleurs, à l’intérieur des revenus du travail on assiste à une disparité salariale croissante. Ainsi, les 10% des salariés les plus riches aux Etats-Unis concentrent plus de revenus que les 50% des salariés les plus pauvres.

Bien que cette catégorie ne parvienne pas à accaparer davantage de revenus que les 50% les plus pauvres (même si elle n’en est pas très loin), elle concentre néanmoins le 1/4 du total de tous les salaires. Cela sans parler des salaires du 1% le plus riche bien qu’il ne s’agisse pas en réalité de "salaire" au sens strict selon les dénominations habituelles sinon de revenus très élevés provenant d’activités professionnelles.

A la réduction des salaires par rapport au revenu total généré il faut ajouter du point de vue qualitatif une plus grande précarité au niveau des conditions de travail. Cela a des répercussions du point de vue du revenu, non seulement parce que ce plan qualitatif est lié à un salaire nominal réduit mais également parce que il affecte d’autre facteurs entre autres l’accès au crédit. Au Sud, la situation du point de vue salarial est encore pire car l’emploi informel prédomine sans aucun type de contrat ni de droits découlant du travail reconnus.

Piketty essaie d’expliquer la tendance aux inégalités comme la résultante du taux de rendement du capital (r) supérieur à celui de la croissance des revenus (g). Les revenus du capital étant plus élevés pour une partie plus réduite de la population, les capitalistes ou propriétaires de capital ont tendance à accumuler un patrimoine plus important au fil du temps. En dehors des problèmes liés au concept de "capital" dans l’acception de l’économiste français, il convient d’avoir en tête la répartition d’origine inégalitaire entre ceux qui détiennent la propriété des moyens de production et ceux qui vendent leur force de travail. Si des mesures impositives peuvent contrecarrer la tendance aux inégalités, la relation capital-travail demeure centrale.

La répartition secondaire du revenu est le fait des pouvoirs publics tant par le moyen des dépenses publiques d’une part comme par l’impôt et la collecte de ressources d’autre part.

Les statistiques qui se réfèrent à l’impact des impôts sur la distribution du revenu qualifient généralement la situation initiale comme "revenus de marché"(market incomes). Le graphique 9 nous montre la répartition du revenu au travers de l’indice de Gini, tant en ce qui concerne les revenus de marché que le revenu disponible (après impôts et transferts) pour les pays de l’OCDE, c’est à dire le groupe des principales économies du monde.

Graphique 9. Indices de Gini de revenu de marché et de revenu disponible ?dans les pays de l’OCDE ?2006-2009 |9|

Source : Statistiques OCDE

Dans un document publié par le FMI en février 2014, ses auteurs mettent en avant comment en règle générale, les économies présentant de plus grandes inégalités primaires ou de marché ont tendance à la compenser par le biais d’impôts et de transferts (Ostry, Berg y Tsangarides, 2014). Néanmoins, comme l’illustre le graphique 9, ce constat n’est pas valable pour tous les pays. Ainsi en ce qui concerne l’Espagne, bien que les inégalités de marché sont très similaires à celles d’autres pays comme la Belgique, la Finlande ou l’Autriche, une plus grande inégalité pour l’Espagne en ce qui concerne le revenu disponible est le fait d’une incidence redistributive - en matière d’impôts et de transferts - moindre par rapport aux pays ci-dessus mentionnés.

Los países nórdicos son, junto con otros tales como Bélgica y Austria los que muestran una mayor redistribución por impuestos y transferencias. Sin embargo, como advierte la OCDE (2011) el impacto redistributivo de estos impuestos/transferencias se ha vuelto más escaso durante los últimos años. Se tiende por lo general a sustituir estos impuestos/transferencias por subsidios, pero sin que ese incremento de éstos atienda a mayores criterios de progresividad en su concesión.

Les pays nordiques ainsi que la Belgique et l’Autriche sont ceux qui ont la meilleure redistribution du fait d’impôts et de transferts. Néanmoins, comme l’OCDE le signale, l’impact redistributif de ces impôts et transferts a eu tendance à diminuer au cours des dernières années. Les transferts tendent ou ont été remplacés par des subsides mais l’augmentation des subsides n’implique pas forcément une plus grande progressivité dans leur octroi.

Au sein des pays de l’OCDE, le Chili et le Mexique sont ceux dont l’incidence redistributive est la plus faible. Sans être à ce niveau, l’impact des impôts et transferts aux Etats-Unis est réduit. Si les impôts au niveau fédéral sont dans l’ensemble progressifs, c’est à dire qu’ils intègrent la capacité contributive des contribuables, leur impact sur la répartition du revenu demeure "modeste" (Stone ; Trisi ; Sherman y Chen, 2013 : p. 10).

En dehors de la quantité de ces transferts sociaux, il faut prendre en compte la question de leur progressivité ou leur octroi aux personnes disposant des plus faibles ressources. Malheureusement, dans de nombreux cas la progressivité attendue n’est pas au rendez-vous. Le graphique suivant montre la répartition pour différents pays des transferts sociaux effectifs entre les 30% des foyers les plus riches et les 30% les plus pauvres (2014, p. 55). Bien que cela ne prenne pas en compte tous les transferts, cela nous donne une idée de la progressivité selon les différents pays.

Graphique 10. Transferts moyens effectifs par catégorie de revenus des ménages.? Pourcentages sur base des transferts moyens en 2010 |10|.

Source : OCDE, 2014

En Australie, Nouvelle Zélande et Danemark les transferts effectifs pour les foyers les plus pauvres ont représenté plus du double par rapport aux revenus les plus riches. Les transferts présentent également un caractère progressiste au Royaume-Uni, en Belgique, aux Etats-Unis et en République tchèque bien que dans une moindre mesure que pour les pays mentionnés plus haut. En Belgique, par exemple, le groupe de ménages présentant les plus faibles revenus a reçu 123% des transferts par rapport à la moyenne des transferts tandis que les 30% les plus favorisés en ont reçu 83% par rapport à la moyenne. Même dans ces cas relativement progressistes en matière de transferts de ressources, la partie consacrée à ceux qui de par leur niveau de revenu en ont le moins besoin demeure élevée même si elle demeure en dessous de la moyenne ou soit inférieure à celui des ménages les plus pauvres.

Cependant, ce qui est réellement choquant ce sont les cas de pays de la périphérie européenne comme le Portugal, l’Espagne, la Grèce et dans une moindre mesure l’Irlande. Ici les transferts monétaires ont bénéficié comparativement plus aux ménages riches qu’aux ménages pauvres. Et, ce en plein contexte de politiques d’austérité, de coupes sociales et de chômage massif, surtout en Espagne et en Grèce. Dans le cas de l’Espagne, le groupe de ménages avec le moins de revenus ne reçoit que 75% de la moyenne tandis que les ménages les plus favorisés reçoivent 15% de plus que la moyenne et pratiquement le double de ceux des ménages aux ressources les plus faibles. La même situation se rencontre - bien qu’avec des différences entre ces deux pays - I’Italie et la Grèce. Le drame grec est accentué par une baisse des dépenses sociales de 17,6% entre 2007-2008 et 2012-2013 (OCDE, 2014 : p. 37, Graphique 1.10).

Au Portugal, la partie destinée aux ménages les plus riches représente le double par rapport aux transferts destinés à ceux dont on suppose qu’ils en ont le plus besoin. Au Mexique et en Turquie, la situation y est pire encore. Dans le premier pays, les ménages les plus riches perçoivent en moyenne 100% de plus que la moyenne et trois fois plus que les plus pauvres. Dans le second pays, les plus pauvres ne reçoivent que 30% de la moyenne.

En définitive, il ne s’agit pas seulement de l’imposition de programmes d’ajustement comme les politiques d’austérité sauvages exigées par la Troika mais également des politiques mises en place par certains de ces Etats concernant les aides destinées à atténuer les effets de la crise.

Ceci étant, il n’est donc pas surprenant de constater la répartition injuste de la charge de la crise dans certains pays.Le graphique 11 montre la répartition des coûts de la crise entre les différents groupes de revenus pour la période 2007-2010. La période suivante où le pire reste encore à venir pour les pays de la périphérie européenne n’est pas intégrée dans le graphique.

Graphique 11. Variations annuelles du revenu moyen disponible, par groupe de revenus ? 2007-2010

Source : OCDE, 2014

Entre 2007 et 2010, l’Islande a été le pays de l’OCDE où le revenu moyen disponible a le plus chuté (pour rappel, il s’agit du revenu moyen après l’octroi des transferts sociaux et le paiement des impôts) avec une moyenne de 8% au cours de la période et 13% pour les 10% de ménages bénéficiant des revenus les plus élevés. On constate le contraire en Espagne d’après le graphique 11. Dans ce cas ce n’est pas la moyenne qui attire l’attention mais la différence abyssale entre les effets sur les 10% de revenus supérieurs et les 10% de revenus inférieurs. Alors que les 10% aux revenus supérieurs n’ont vu leur revenu diminuer en moyenne de 1%, la chute a été de 14% pour les 10% aux revenus inférieurs. Ainsi, les plus pauvres en Espagne ont été affectés par une chute dans leurs revenus proportionnellement supérieure à celles des 10% d’Islandais aux revenus les plus élevés, en ayant été victimes de la spéculation financière qui a affecté des millions de personnes. L’explication la plus plausible est l’énorme destruction d’emplois en Espagne. L’impact de la bulle immobilière a affecté particulièrement le secteur de la construction et ses secteurs périphériques. Il s’agit en tout cas d’emplois faiblement qualifiés et occupée majoritairement par les groupes à faibles revenus dont une partie importante de migrants.

Concernant les données relatives à l’Espagne, il faut tenir compte du fait que les mesures d’austérité ont commencé en mai 2010, année au cours de laquelle les effets de la récession sont devenus les plus notables, ce qui implique que cet impact si déséquilibré avait lieu alors que la crise n’était qu’à ses débuts. Les effets à mesure de l’enlisement dans la crise restent à voir.

L’impact moindre en terme de redistribution est également liée à la tendance généralisée de réduction d’impôts concernant tant les entreprises comme les revenus les plus élevés. Néanmoins, de telles mesures ont renforcé les inégalités tandis que l’Etat perdait les ressources nécessaires pour mener à bien des politiques sociales.

Les tableaux 7 et 8 montrent cette tendance en matière d’imposition tant pour les entreprises que pour les personnes physiques dans certaines des principales économies du monde.

Tableau 7. Evolution du taux d’imposition légal de l’impôt sur les sociétés ?1986-2013

Source : Tax Policy Center y OCDE Tax Database

Tableau 8. Evolution du taux légal maximum de l’impôt sur les personnes physiques ?1986-2013

Source : OCDE Tax Database

Dans tous les cas, on se réfère aux taux maximaux légaux et non à ce qui est finalement payé (le taux effectif), après le décompte des déductions fiscales et autre type d’arguties absolument légales qui permettent en particulier aux grandes entreprises et aux plus riches d’éluder le paiement d’impôts.

Face à l’argument orthodoxe de ne pas occasionner "de distorsion" dans les relations individuelles qui conduirait à une efficacité moindre, on perçoit une relation étroite entre ce type de décisions politiques favorables aux élites et le processus de concentration des revenus et de la richesse entre peu de mains. Ce sont les inégalités qui favorisent ce faux discours de "ne pas occasionner de distorsion" pour justifier ainsi des mesures qui favorisent cette élite face à la majorité sociale. La vraie distorsion est due à cette oligarchie avec sa capacité de réorienter le contenu même des politiques publiques en leur faveur.

Quant à l’effet supposé " de distorsion " des politiques redistributives, elles n’affectent pas le développement économique. Ce serait même plutôt le contraire. Dans une étude publiée par le FMI, Ostry, Berg y Tsangarides (2014) mettent en évidence le lien existant entre la redistribution et les cycles de croissance les plus intenses, stables et durables dans le temps. Les auteurs signalent dans quelle mesure ça a pu être le cas de par le passé. Cela invalide en tout les arguments qui disqualifient les politiques redistributives comme "facteur de distorsion" prétendument contraires à l’innovation ainsi que la limitation de ce qui est qualifié comme "esprit d’entreprise".

Crise, austérité et inégalités de genre

Ce tour d’horizon des inégalités serait incomplet sans y inclure les inégalités de genre. Le bref exposé des faits suivants a été rendu possible grâce au travail de Christine Vanden Daelen du CADTM.

Pour différentes raisons dont aucune n’est inévitable ni inhérente à la nature humaine, l’accès aux ressources et revenus n’est pas égal entre les hommes et les femmes. Ces différences, au détriment des femmes, varient selon les endroits mais existent partout. Les pays du Nord ont tendance à se considérer comme les plus avancés en la matière et il est clair que des avancées notables ont eu lieu en ce sens. Néanmoins, la crise a mis en évidence que les inégalités persistent. En général, ce sont les femmes qui ont été les plus affectées par les effets de la crise et des mesures d’austérité qui ont été imposées dont pour une bonne part elles ont subi de plein fouet les effets.

Le marché du travail en est une bonne illustration. Même en temps de prospérité économique, les femmes se voient discriminées dans l’accès à un emploi rémunéré par une participation plus faible au marché de l’emploi, un taux de chômage plus élevé, des niveaux plus élevés de contrats temporaires et précaires et une rémunération moindre. La différence salariale peut même avoir lieu dans le cadre d’un même travail par rapport à un collègue masculin. De plus, les coupes budgétaires tendent à réduire les ressources destinées à réduire ces asymétries perverses sur le marché de l’emploi. L’emploi public où les femmes sont généralement plus fortement représentées que dans le secteur privé est également affecté. Les coupes dans les dépenses sociales entraînent une plus grande pression sur les femmes sur qui repose le travail domestique qui tend à renforcer cette division sexuelle injuste qui passe facilement inaperçue des hommes. ?

Le graphique 12 montre la différence de genre en matière salariale ainsi que son évolution en prenant comme référence trois années entre 2000 et 2010. Il s’agit de la mesure en pourcentage de la différence entre le salaire le plus fréquent (divisant en deux l’échelle de tous les salaires avec 50% des salariés au dessus et 50% en dessous (appelé salaire médian) des hommes et des femmes par rapport au salaire médian des seuls hommes. La comparaison se base sur des emplois à temps plein.

Graphique 12. Différence de genre relative au salaire médian (en %) pour les emplois à temps plein.?2000 - 2010

Source : Statistiques de l’OCDE (Family Database) ?Note : Les données sont pour 2005 (au lieu de 2010) pour les Pays-Bas ; 2008 pour la Belgique et l’Islande ; et 2009 pour la Republique Tchèque et la France.

On peut voir que cette différence ou gap salarial s’est réduit dans la majorité des cas au cours de la période sélectionnée mais non pas tant par une amélioration de la situation relative des femmes sinon surtout en raison d’une contraction salariale globale qui a donné lieu à une réduction des écarts de salaire.

Une chose semblable a lieu en matière d’emploi. Comme signalé, le chômage féminin est plus élevé que le chômage masculin et cela en dépit du fait que le taux d’activité des femmes est inférieur à celui des hommes . |11| Avec la crise, cette distance s’est partiellement réduite entre le chômage masculin et féminin. Cependant, de nouveau la raison en a été l’intense destruction d’emplois qui a affecté des secteurs majoritairement masculins, comme l’industrie, la construction ou certains services.

Tableau 9. Taux de chômage pour les hommes et les femmes, 2008-2013

Source : Eurostat

Néanmoins, si on regarde les chiffres de l’emploi total pour les hommes et les femmes et celles des emplois à temps plein on voit que ces différences ne sont pas si petites qu’il pourrait paraître.En réalité, les chiffres du chômage cachent une réalité d’emplois à temps partiel majoritairement occupés par les femmes. Ce fait met en évidence une relation inégale dans le foyer par rapport au domaine de l’emploi. Etant donné que dans la grande majorité des ménages le travail domestique sont réalisé par les femmes, celles-ci optent souvent pour des emplois à temps partiel. Comme l’austérité réduit l’accès aux services sociaux la situation a tendance à empirer puisque la charge de travail supplémentaire repose fondamentalement sur les femmes.

Graphique 13. Différence dans l’emploi à temps partiel entre femmes et hommes, 2011

Source : OCDE (Family Database)

La crise a généralement donné lieu à une augmentation du travail féminin à temps partiel comme le montre le tableau 10.

Tableau 10. Evolution de l’emploi à temps partiel pour les femmes et les hommes ?(% de l’emploi total) ?2007 – 2012

Source : OCDE (Employement and Labour Market Statistics)

Cette situation se perpétue également du point de vue de l’offre de travail. Le graphique 14 illustre la probabilité moindre de trouver un emploi pour les femmes que pour les hommes. Si on compare les secteurs avec une répartition égalitaire de l’emploi entre hommes et femmes on voit comment l’emploi salarié des femmes est concentré dans un nombre limité d’activités, ce qui réduit leurs possibilités de trouver du travail. La probabilité de trouver un emploi à temps partiel ou de rester sans emploi sera plus grande pour les femmes dans la mesure où l’emploi disponible pour elles - en fonction des secteurs - est plus réduit que pour les hommes.

Graphique 14. Nombre de postes qui rendent compte du partage équitable de l’emploi, 2007

Source : OCDE (Family Database)

Très probablement, les différences montrées par ce graphique sont renforcées par la crise. De plus, si on tient compte que les politiques d’austérité destinées à donner la priorité au paiement de la dette intègrent une réduction de l’emploi public, cela affecte davantage les femmes dans ce secteur où elles sont beaucoup plus nombreuses (69,2% de l’emploi total et où l’on note les moindres différences salariales |12|).?Dans tous les cas, face à un accès réduit au marché de l’emploi, beaucoup de femmes arrêtent de chercher du travail. De fait, il ne faut pas s’étonner que si au lieu de regarder les différences dans les taux de chômage, on regarde les différences entre les taux d’emploi, la marge entre les deux sexes est bien plus évidente comme le montre le graphique.

Graphique 15. Différences de genre en matière d’emplois à temps plein
Différence de genre en taux d’emploi - Différence de genre en taux d’emploi à temps plein (ETP)

Source : OCDE (Family Database)

D’autre part, la priorité donnée au paiement de la dette au détriment des dépenses sociales se traduit également par des coupes dans les pensions. Bien que celles-ci présentent déjà une inégalité notable en termes de genre, le pire est encore à venir pour les femmes : elles souffrent davantage des effets de la crise sur l’emploi ; elles réduisent ou abandonnent leur vie professionnelle pour se consacrer au travail domestique dans le cadre familial. |13| les réformes dans les pensions publiques comprennent une réduction dans leur accès. Cela entraîne une discrimination pour les femmes qui comptent moins d’années de cotisation ainsi qu’une base moindre quant à celle-ci. Le tableau 11 résume certaines des réformes mises en place dans différents pays d’Europe.

Tableau 11. Impact de la réforme des retraites sur les femmes

Source : Commission Européenne, “The Gender gap in pensions in the EU”, 2013, p. 34 Note : Les réformes mentionnées sont celles qui ont eu lieu jusqu’en décembre 2013.

Notes

|9| Les données concernent les périodes mentionnées et les années varient en fonction des pays. Les données se référent à une des années de la période. Pour la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, le Mexique et la Turquie il n’y a pas de données disponibles par rapport aux données de marché.

|10| Les groupes des 30% les plus riches et des 30% les plus pauvres selon les différents niveaux de revenus disponibles des ménages. Toutes les catégories sont liées à la taille des ménages. Pour la Hongrie, le Japon, la Nouvelle Zélande, la Suisse et la Turquie l’année de référence est 2009

|11| Le taux d’activité mesure le rapport entre la population active, c’est à dire celle qui travaille ou recherche un emploi) sur le total de la population en âge de travailler. C’est ainsi que le taux d’emploi des femmes qui travaillent ou recherchent un emploi est en général inférieur à celui des hommes. La plus grande difficulté dans l’accès à l’emploi et de pires conditions de travail fait que davantage de femmes que d’hommes renoncent à chercher du travail. Les préjugés machistes font également que la femme est plus souvent cantonnée aux soins de la famille.

|12| Source : European’s women Lobby, « The price of the austerity – The impact on women’s rights and gender equality in Europe », octobre 2012, p. 4.

|13| D’une part, on assiste à une reproduction des stéréotypes machistes dans lesquels la femme est chargée du travail domestique et soin de la famille. Ainsi, lorsqu’elle accède au marché du travail, c’est généralement en tant que revenu d’appoint. D’autre part, comme le montre le graphique 4, l’accès à un poste de travail est généralement plus limité que pour les hommes.

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Mots-clés : Économie
Antonio Sanabria

Collaborateur au CADTM.

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