Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Une manifestation du peuple

Manifestation du 22 avril : et maintenant ?

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150 000 ? 200 000 ? 250 000 ? Peu importe, cette manifestation du 22 avril représente l’une des plus importantes de l’histoire du Québec et du Canada. La manifestation était organisée dans le cadre du Jour de la terre à l’appel de militantEs écologistes et s’inscrivait dans le plan d’action du mouvement opposé à l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste. D’abord une manifestation écologiste, l’événement est devenu dans le contexte des mobilisations étudiantes, des résistances ouvrières, des scandales de corruption, la manifestation d’un peuple en colère contre le gouvernement Charest.

Dominic Champagne, metteur en scène, a occupé un rôle exemplaire dans l’organisation de cet événement. Militant opposé aux gaz de schiste, il a su orienter le mouvement vers un rassemblement qui a rejoint les luttes étudiantes et ouvrières pour converger dans une démonstration d’opposition générale aux politiques des libéraux d’exploitation des ressources naturelles, de marchandisation de l’éducation et de développement des énergies fossiles et sales. Ses interventions publiques rejoignaient la thématique des discours de la CLASSE qui souligne que la lutte étudiante est une lutte populaire contre les politiques néolibérales de Jean Charest. La lutte pour la protection de l’environnement devient elle aussi une lutte de tous et toutes. Des intérêts convergents.

Plus généralement, les personnes présentes exprimaient le dégoût pour l’ensemble des politiques des gouvernements du Québec et du Canada. Le rejet de leur politique d’exploitation des ressources, de négation de la démocratie, de marchandisation de la société jusqu’à ses secteurs publics et culturels, de la corruption qui règne dans les officines gouvernementales, des budgets confectionnés sur mesure pour l’entreprise privée mais qui réduit ou ampute les programmes sociaux et accroît l’écart entre riches et pauvres. Plusieurs parlaient de la manifestation du raz-le-bol populaire.


22 Avril 2012 manifestation pour le Jour de la Terre


La lutte pour l’environnement est une lutte qui doit s’élargir pour gagner

Les mobilisation massives pour un moratoire de l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste se butent à l’entêtement du gouvernement Charest. Malgré une majorité de la population en faveur d’un moratoire sur le gaz de schiste, les libéraux tentent de noyer le poisson avec une Évaluation environnementale stratégique taillée sur mesure pour l’industrie. Malgré tout, les comité de vigilance locaux et régionaux amassent un nombre massif d’appui dans leur campagne “Vous n’entrerez pas chez nous” qui signifie un refus d’accès des compagnies pétrolières et gazières aux propriétés de citoyenNEs. Pourtant, Jean Charest ne modifie pas d’un iota son orientation d’exploiter les énergies fossiles coûte que coûte.

Le gouvernement Harper s’est retiré de l’Accord de Kyoto. Le gouvernement fédéral complètement inféodé à la filière des sables bitumineux fonce, tel un bulldozer dans l’exploitation de l’énergie la plus sale et la plus destructrice de l’environnement. Malgré la mobilisation massive du 22 avril, il est peu probable que le gouvernement Harper modifie son orientation. Il faudra davantage pour mettre à bas ce gouvernement qui n’hésite pas à bafouer la démocratie la plus élémentaire et d’user de la répression (Voir la Stratégie anti-terroriste du Canada qui vise à criminaliser les écologistes et les anticapitalistes canadiens : http://www.securitepublique.gc.ca/prg/ns/2012-cts-fra.aspx) pour imposer ses politiques.

Les entreprises qui veulent profiter du buffet du Plan Nord, des énergies fossiles qu’on retrouve dans le sous-sol québécois sont toutes mobilisées afin de faire avaler la couleuvre à la population. Elles n’hésitent pas à débaucher d’anciens ministres, libéraux et péquistes confondus, attachés politiques ou hauts fonctionnaires pour faire la promotion de leurs intérêts avec des moyens combien supérieurs aux comités de vigilance. Elles se cachent derrière la loi sur les mines qui leur fournit toutes les conditions légales pour entreprendre l’exploitation de la ressource. Les comités citoyens opposés aux énergies fossiles parviennent à interrompre leurs avancée mais le gouvernement demeure inflexible face à la demande de moratoire.


Discours AQLPA (3 min) André Belisle


Discours de Greenpeace Nicolas Mainville


Discours gaz de schiste - Serge Fortier


La participation du mouvement étudiant

La lutte des étudiantEs contre la hausse des frais de scolarité à l’université ne désarme pas et malgré les tentatives gouvernementales pour dévier le débat vers les épisodes violents des mobilisations étudiantes.Elle demeure toujours bien vivante. Mieux, elle s’élargit avec un soutien de plus en plus actif des enseignantEs et de la population. Le mouvement étudiant est confronté à une recrudescence de la répression policière, de nombreuses arrestations ayant ponctué des manifestations pacifiques à Limoilou (49 arrestations le 19 avril), à Sherbrooke (3 arrestations le 4 avril, 19 le 18 avril), à Gatineau (161 arrestations le 18 avril), à Montréal (une soixantaine d’arrestations le 4 avril, 90 le 21 et plusieurs autres en d’autres lieux et dates). On procède à la judiciarisation du conflit en multipliant les recours aux tribunaux grâce à quelques mercenaires à la solde des libéraux. Un juge, Jean Lemelin a même été jusqu’à remettre en question la légalité de la grève étudiante (décision du 30 mars). Dans ce contexte, le mouvement étudiant s’est présenté à la manifestation du 22 avril comme la frange la plus militante du mouvement,

La participation du mouvement syndical

Le mouvement syndical était présent à la manifestation du 22 avril et lui a apporté son soutien logistique et financier. Toutefois, les luttes ouvrières étaient peu présentes dans l’imagerie de la manifestation, sauf en ce qui concerne les Métallos en lockout à Tio Tinto Alcan d’Alma. Mobilisés, les victimes de la multinationale ont fait sentir leur présence avec de nombreux slogans qui rappelaient que la lutte contre le gouvernement Charest, c’est aussi la lutte contre les fermetures d’entreprises (IQT centre d’appels, Mabe, Avéos, entrepôt de Provigo, Electrolux, etc.) et pour l’emploi. Les syndicats d’enseignantes étaient aussi largement présents.


Discours CSN-CSQ-FTQ - Michel Arsenault, Louis Roy, Réjean Parent


Des familles, des enfants, des personnes âgées…

La participation à la manifestation dépassait largement le caractère écologiste, étudiant ou syndical des composantes habituelles de ce genre d’événement. Des familles entières, des enfants, des personnes âgées de tous horizons ont participé à la marche du 22 avril lui procurant une image encore plus bigarrée, populaire. Les personnes avaient pris le temps de confectionner leur pancartes avec des slogans tous plus originaux les uns que les autres. Un bel exemple d’appropriation citoyenne d’une mobilisation large.

Et maintenant, que faire ?

Sur tous les fronts de lutte, les mobilisation citoyennes se butent à l’arrogance et le mépris des gouvernement pour le bien commun. Une mobilisation de plus grande envergure doit être envisagée. Elle doit dépasser sans s’y substituer les mobilisation sectorielles et converger dans une dynamique unitaire avec comme dénominateur commun la démission du gouvernement libéral, un large débat citoyen sur l’exploitation des ressources, le développement et le financement des services publics tels l’éducation et la santé et la démocratie citoyenne et la tenue d’élections générales. Pour parvenir à infléchir ce gouvernement sourd aux appels de la rue, les pressions doivent monter d’un cran.

La Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics avait lancé l’idée d’une grève sociale (http://www.nonauxhausses.org/affiches/wp-content/uploads/Greve-sociale-Guide-de-discussion.pdf). Des appels commencent à circuler incitant à réfléchir sur les formes de luttes permettant une convergence des mobilisations écologistes, étudiantes et ouvrières, y compris la grève sociale. Ce qu’est une grève sociale ? Une grève sociale, c’est un arrêt de travail et d’activités le plus large possible des travailleurs et des travailleuses des secteurs publics et privés, ainsi que d’autres mouvements sociaux, des étudiantes et des étudiants, des femmes bénévoles, etc. Elle ne s’inscrit pas dans le cadre légal de la négociation d’une convention collective et a des objectifs à portée sociale et/ou politique larges (extrait du Guide de discussion sur la grève sociale de la Coalition).

Le 1er mai, fête internationale des travailleuses et des travailleurs approche à grands pas. Il peut être l’occasion de mettre sur pied des comités d’organisation d’une telle mobilisation. Les manifestations atteignent des proportions impressionnantes mais il en fut de même pour plusieurs mobilisations à travers le monde (les retraites en France, les mobilisations en Espagne, en Grèce, etc.) et pourtant les gouvernements refusent de plier et de remettre en question l’orientation de leurs politiques. À nous d’être à la hauteur du défi qu’ils nous lancent. Et tout le temps, portons haut et fort le message de la déclaration du 22 avril et confrontons les politiciens à la solde de l’oligarchie.


Les percussions du jour de la terre


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