Édition du 30 avril 2024

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Environnement

OGM : Pour le gouvernement canadien, le commerce passe avant tout

Les sondages se succèdent et le démontrent : si la population en général est très circonspecte en ce qui a trait aux organismes génétiquement modifiés (OGM), elle est quasi unanime à exiger que soit mis en place l’étiquetage obligatoire des produits qui en contiennent (1). Une mesure minimale afin que le citoyen lambda soit en mesure de choisir consciemment s’il désire ou non consommer des OGM.

Mais qu’à cela ne tienne, il semble que ce soit davantage les lobbys des biotechnologies qui aient l’écoute attentive des autorités canadiennes puisqu’avant les fêtes on apprenait que le gouvernement fédéral étudiait la possibilité de laisser entrer au pays des aliments et des semences qui contiennent de petites quantités d’OGM qui n’ont pas encore été autorisés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).

Dit autrement, le gouvernement canadien propose de permettre la contamination de notre chaîne alimentaire par des aliments génétiquement modifiés qui n’ont pas été approuvés comme aliments sécuritaires au Canada. De quoi inquiéter de nombreux agriculteurs issus de la filière biologique puisque la prolifération des OGM, par l’effet de la pollinisation croisée, met à mal ce type de culture. D’autant plus qu’à terme, c’est la possibilité même de faire du bio intégral qui est à craindre. Surtout qu’on sait que seulement 300 mètres de distance entre un champ de culture biologique et un champ OGM sont suffisants pour qu’il y ait contamination.

Pour l’heure, il faut savoir que les aliments ou semences qui contiennent des traces d’OGM qui n’ont pas encore été évalués au Canada sont automatiquement refusés à la frontière, puisque jugés non conformes. Le Ministère de l’Agriculture estime toutefois qu’étant donné que le nombre d’OGM risque forcément de s’accroître dans le monde au cours des prochaines années – du fait que les gouvernements eux-mêmes en sont parmi les principaux promoteurs -, il faut assouplir les règles pour permettre leur entrée au pays dans le cas de faibles concentrations jugées moins risquées par Ottawa, le tout afin de faciliter le commerce. Comme il faut généralement jusqu’à deux ans pour que le Canada approuve ou rejette une nouvelle culture OGM, cela a pour effet d’alourdir le processus et d’entraver le commerce aux dires des promoteurs de l’industrie des biotechnologies.

C’est d’ailleurs suivant cette logique qu’il faut prendre connaissance de cette nouvelle parue dans Le Devoir du 6 janvier dernier faisant état de la commercialisation future d’un saumon transgénique par une compagnie étasunienne. Si la Food and Drug Administration (FDA) lui donne son aval, AquaBounty Technologies pourra faire de son AquAdvantage Salmon le premier animal OGM destiné à l’alimentation humaine. Un communiqué émis par Agriculture Canada à l’attention du personnel de Santé Canada donne une idée des orientations que l’on entend suivre ici dans ce dossier. On peut y lire : « Nous voulons travailler en étroite collaboration avec les États-Unis afin que nos processus d’homologation sur les animaux OGM soient au diapason, et qu’ainsi nous évitions de possibles complications bilatérales. Les organismes de réglementation canadiens et américains collaborent déjà ensemble de façon continue, mais peut-être serait-il souhaitable de planifier des rencontres afin de discuter d’animaux OGM. »

Pour faciliter ce type de processus, le gouvernement canadien envisage donc diverses approches, notamment d’abaisser à 0,1 % le seuil d’intervention en deçà duquel aucune évaluation du risque ne serait réalisée et aucune mesure de mise en force ne serait prise. Autrement, suffit seulement que l’aliment en question ait été approuvé dans un autre pays et que l’on juge son processus d’homologation « conforme » pour qu’on l’accepte sans condition sur le marché canadien. Le gouvernement entend donc permettre qu’un pourcentage de 0.1 % ou plus de nos aliments soit contaminé par des aliments génétiquement modifiés. Le gouvernement fédéral nomme cela « Présence à faibles concentrations » et allègue que cette contamination à « faibles concentrations » d’aliments génétiquement modifiés non approuvés n’est pas dommageable pour l’environnement ou la santé publique.

De quoi soulever l’ire de plusieurs groupes de vigilance sur les biotechnologies, dont le Réseau canadien d’action sur les biotechnologies (rcab.ca) qui a lancé l’automne dernier une campagne pour faire reculer le gouvernement fédéral sur cette question. Mais s’ils sont plusieurs à demander à ce qu’ait lieu un véritable débat de société sur les OGM et l’abandon d’une approche au cas par cas, le gouvernement canadien a quant à lui déjà choisi son camp. Les déclarations ces derniers mois du ministre de l’Agriculture Gerry Ritz sont d’ailleurs sans équivoque : le commerce aura préséance sur tout aspect relatif aux questions de santé publique ou sur toute réflexion collective concernant le type d’agriculture que nous voulons voir se développer.


(1) Voir http://ogmdangers.org/enjeu/politique/sondage.htm.

David Murray

Journaliste citoyen et animateur radio à CISM

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