Édition du 7 mai 2024

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Québec solidaire

Pour la construction d'un projet politique de souveraineté nationale et de contenu social

Entrevue avec Amir KHADIR et Pierre MOUTERDE

Le 24 juillet 2008, Telesur, la TÉLÉVISION bolivarienne, a interviewé deux membres de Québec solidaire sur leur vision d’un Québec souverain, des questions autochtones, et plus brièvement sur les autres aspects de la plate-forme de Québec solidaire.

En tant que mouvement politique de gauche, écologiste et féministe, Québec solidaire propose entre autres choses, d’appeler des élections pour élire des membres d’une assemblée constituante avec pleins pouvoirs laquelle reflèterait la pluralité des tendances, serait un symbole de la parité des sexes, et représenterait le plus justement possible toutes les régions et cultures.
La situation des onze peuples autochtones au Québec, qui vivent dans des réserves et qui sont totalement séparées du reste de la société, est un autre des problèmes qui concernent Québec solidaire.

Afin d’être informés des expériences actuelles en Amérique du Sud en ce qui a trait aux Assemblées constituantes, Khadir et Mouterde ont voyagé en juin dernier en Équateur et au Venezuela. Les deux personnalités ont cherché à établir des liens avec les mouvements progressistes du Sud et à travailler pour l’intégration sociale et politique avec l’Amérique latine.

Q : Comment s’est faite la naissance de Québec solidaire et que propose-t-il ?

Amir Khadir : Depuis les années soixante, nous avons constitué un large mouvement social et culturel qui a cherché à définir une identité distincte au peuple du Québec, qui parle français et qui a cherché à atteindre la reconnaissance de sa langue et de sa culture comme partie de son héritage.
Québec avait et a encore aujourd’hui en mémoire l’histoire du processus de colonisation, l’intervention de l’armée britannique au 18e siècle, qui occupa le territoire que nous connaissons comme le Québec.

Les Britanniques ont imposé constamment leurs politiques au Québec, leurs institutions, et ont cherché à assimiler les Québécois, mais le peuple a résisté jusqu’à ce que, dans les années soixante, un changement social mit en relief l’influence de la droite dans la société. Ils devinrent plus conscients de l’influence de la droite dans la société. Ce fut alors que le peuple commença à réfléchir à une nation libre et indépendante.

De ce mouvement d’alors naquit un nouveau parti politique, le Parti Québécois : le produit d’une alliance des forces libérales (centre), quelques forces nationalistes de droite, et plusieurs forces nationales de gauche cherchant le progrès social, tous avec l’objectif de l’auto-détermination.

Bien que le PQ soit devenu le gouvernement durant les années 70, et travaille toujours pour l’indépendance, il a commencé à mettre en œuvre des politiques néolibérales. Voilà pourquoi certains d’entre nous ont commencé à penser au besoin de politiques alternatives, à peu près en même temps que les mouvements progressistes s’engagèrent en faveur de la défense de l’environnement, contre la globalisation, et réussirent d’importantes mobilisations contre la guerre en Irak en 2000 et 2003.

Quand ces forces progressistes virent qu’il n’y avait pas de projets d’indépendance précis et réalistes et que le PQ, qui les avait dans le passé encouragé électoralement, mais ne faisait plus ce qu’il y avait à faire, nous avons décidé de commencer un processus de construire une alternative politique, appelée maintenant Québec solidaire.

Quelle est l’essence de votre projet politique ?

Pierre Mouterde : Nous croyons que nous pouvons reconstruire la gauche dans notre parti, qui se définit comme écologiste, altermondialiste, féministe et que nous pourrons remplacer le vieux parti qu’est le PQ, et dès lors bâtir un projet d’indépendance, de souveraineté, basé sur une vision de gauche

Pourquoi le Québec devrait-il être indépendant ?

Pierre Mouterde : Les Québécois, comme les Porto-Ricains, sont les seuls peuples sur le continent américain qui n’ont pas obtenu leur indépendance au 19e siècle. Il y eut la révolte de 1837 qui fut écrasée par les Britanniques. Ce sentiment pour la libération nationale, pour l’émancipation, est ressenti fortement par le peuple du Québec, de plus en plus conscient de leur volonté d’autonomie, d’autodétermination, d’être maître de leur pays et de leur destinée.

Et dans le Canada d’aujourd’hui, n’êtes-vous pas suffisamment autonome ?

Amir Khadir : Nous avons un certain degré d’autonomie, mais qui ne rejoint pas le niveau d’attente des gens. Dans plusieurs domaines, le Québec n’a pas suffisamment de pouvoir, car pour faire ce qu’il veut en termes de culture, de politiques d’immigration, de lois environnementales, il doit toujours rentrer en conflit avec les lois et réformes du gouvernement fédéral.

Depuis 50 ans, la majeure partie des élites politiques québécoises ont dit que nous n’avons pas les pouvoirs suffisants. Nous voulons un niveau d’autonomie, d’autodétermination plus grand. Dans notre province, il y a des gouvernements indépendants et des gouvernements fédéralistes qui veulent rompre avec le modèle canadien actuel, mais nous n’avons pas le pouvoir nécessaire, et ce n’est pas possible sous la Constitution actuelle du Canada, laquelle favorise le contrôle du Canada anglais.

Le Canada est une fédération de provinces. La province de Québec n’a aucun pouvoir militaire, aucun pouvoir de représentation au niveau international, ni beaucoup de pouvoir économique. Ce que veut le Québec c’est accroître ses pouvoirs politiques et donc, de se déclarer un pays avec le pouvoir de prendre ses propres décisions et voter ses propres lois.

Le Canada fut fondé en 1867 sur la base de deux nations : une parlant français et l’autre parlant anglais. C’est le fondement. Ce fut une confédération à l’origine sur le principe de l’égalité, mais en pratique l’économie et les forces armées furent contrôlées par les anglophones. Ce déséquilibre dans la pratique petit à petit devint un déséquilibre institutionnel.

Que pense votre parti en ce qui regarde les peuples autochtones ?

Amir Khadir : Que la Confédération canadienne est la prison des peuples, des peuples d’origine française, mais aussi des peuples autochtones. Au Québec, il y a 11 nationalités autochtones et aussi plusieurs descendants des Inuits, lesquels parlent encore leur langue, mais constituent un petit groupe : seulement 1% d’une population de 7,6 millions de personnes.

Tout le monde a oublié les peuples autochtones. Ils ont des droits qui ont été reconnus par écrit par le pouvoir colonial, mais en fait, ils doivent toujours réclamer ces droits pour une plus grande autonomie, pour contrôler les ressources naturelles de leurs territoires. Il y a un tout un combat au Québec concernant les peuples autochtones, et nous supportons leurs demandes.

Nos peuples autochtones vivent dans des réserves enclavées et isolées ce qui donne comme résultats de sérieux problèmes d’alcoolisme, de drogues, de prostitution et de violence conjugale. Ce sont les conséquences de ces politiques qui furent appliquées aussi par les gouvernements d’origine britannique dans des contrées comme l’Australie et les États-Unis.

Nous, de Québec solidaire pensons que les peuples autochtones ont un rôle politique majeur et nous maintenons contact avec leurs leaders, lesquels ne veulent pas présentement faire partie d’un gouvernement dominé par les blancs.


Traduction : Françoise Breault

Mots-clés : Québec Québec solidaire

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