Édition du 23 avril 2024

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Retour à la normale ?

C’est le mot d’ordre des dominants dans le monde entier, qu’ils soient autoritaires (États-Unis, Brésil, Inde, Hongrie, etc.), ou seulement néolibéraux « ordinaires », comme au Canada, en France, en Suède, en Espagne, etc.). Le poids décisif dans cette volonté d’un « retour à la normalité » vient des capitalistes petits, moyens et grands, qui pensent évidemment que leur business est plus important que la santé. Les gouvernements, « démocratiquement » élus ou non, suivent la « ligne ».

La démocratie avec un petit « D »

Depuis le début de la pandémie, les dispositifs politiques habituels ont été minimisés, dont les assemblées élues et d’autres mécanismes permettant aux sociétés de participer, si ce n’est que d’une manière limitée, au débat public. Se profilait alors la tendance systémique, dans le capitalisme néolibéral globalisé, d’atrophier la démocratie représentative, de confier les « vraies » décisions à des pouvoirs exécutifs très restreints, secondés par les think-tanks de droite opaques. Cette droite n’est pas contre la démocratie, à condition que le peuple accepte ses règles du jeu. S’il le faut, il y a un Plan B qui est celui de foncer dans l’aventure autoritaire, quitte à ce que cela soit un peu périlleux. En France avant l’invasion nazie, la bourgeoisie française criait « Mieux vaut Hitler que le Front populaire »… Il n’y a pas si longtemps, les admirateurs québécois et canadiens de Mussolini et de Franco se comptaient par milliers au sein des élites politiques et économiques. Des « libéraux » qui se disent défenseurs de la démocratie n’ont pas peur de déployer les forces du (dé)ordre) quand la résistance est trop forte, comme par exemple avec les peuples autochtones.

Une « tendance » autoritaire est bien en vie

Si la loi 61 avait été adoptée, le gouvernement aurait énormément réduit l’espace politique institutionnel. Les médiocres ministres « économiques » de la CAQ y tenaient beaucoup, habitués comme ils le sont à gérer leurs entreprises comme s’ils en étaient maîtres et rois. L’idée de consulter la population, dans leur esprit réactionnaire, est saugrenue. Mais comme on le sait, il y a une levée des boucliers d’à peu près tout ce qui existe au niveau syndical et associatif. Québec Solidaire est monté au front, avec l’hypocrite appui du Parti Libéral qui ne se gênait jamais, pendant les longues années qu’il était au pouvoir, de bâillonner, de censurer et de réprimer, comme on l’a vu pendant le printemps érable de 2012. La petite victoire d’avoir refusé la loi 61 ne doit pas nous faire oublier l’essentiel cependant. L’Assemblée nationale, n’est pas vraiment un espace démocratique où s’exprime la société. C’est un lieu élitiste, conçu, dans le sillon de ses géniteurs colonialistes britanniques, pour une sorte de grande mise en scène. Dans la grande majorité des cas, les décisions sont déjà prises par les élites politiques et économiques pour institutionnaliser, légaliser si on peut dire, leur domination de classe. La « normalité », c’est le droit de propriété qui permet de traiter les humains comme des marchandises, de piller la Pachamama comme si elle était une vulgaire « petite chose », de participer à l’échelle mondiale à imposer, à coups de fusils s’il le faut, la « loi et l’ordre » contre des peuples qui disent non.

Les « anomalies »

De temps en temps dans ces instances, il y a des « anomalies », qui viennent la plupart du temps de partis ou de personnalités politiques qui sont à l’extérieur du système et qui ont été élus grâce à la mobilisation citoyenne. Les vrais décideurs sont prêts, mais pas toujours, à laisser ces empêcheurs de tourner en rond d’avoir une petite voix, tout en les empêchant d’atteindre une masse critique. Quand ces dissidents deviennent puissants et même hégémoniques, alors on les tape, comme on l’a vu 1000 fois dans l’histoire contemporaine. Ce n’est pas du fatalisme de reconnaître le caractère factice de cette démocratie, une démocratie avec un petit « D », mais il faut être réaliste. Les luttes politiques et sociales, contrairement à Hollywood, ne se concluent pas par des « happy ending ». Ce n’est pas une histoire de « bons » et de « méchants ». Changer la société, c’est changer de système, y compris et surtout, la manière de gouverner. Il n’y aura jamais, dans le système politique canadien et québécois, de changement sans que ce système même soit éradiqué et réinventé.

Quand on reprendra notre élan

Quand l’assemblée nationale va reprendre ses travaux à l’automne, on nous dira que c’est le « retour à la normale ». Mais nous oserons dire, ce n’est pas cela qu’on veut. Nos 10 Solidaires pourront confronter le programme austéritaire qui va rebondir. Cependant, il faudra bien plus que cela. L’opposition des Solidaires dans cette instance démocratique (avec un petit « D ») ne pourra pas se substituer aux mouvements qui doivent prendre l’initiative, sachant qu’on aura dans les prochains mois à mener une bataille opiniâtre, de durée, partout, dans les entreprises, dans nos milieux de vie. Il faudra imaginer des stratégies, d’autres sortes de blocages qui surgiront par les mouvements et aussi, par l’auto-organisation citoyenne. Sans cela, sans cette pression par en bas, les débats, qu’ils soient factices ou prolongés à l’Assemblée nationale, vont aboutir, à coup sûr, à ce que veut cette oligarchie qui, en passant, domine outrageusement les instances parlementaires avec moins de 30 % du vote populaire. Il est alors risible d’entendre les médias et leurs mercenaires parler du règne de la « majorité ». On va s’assurer que cette tromperie ne dure pas éternellement.

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