Édition du 7 mai 2024

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Éducation

Une fédération gangrénée

La nouvelle n’étonne pas. Des associations étudiantes membres de la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec) veulent se désaffilier de l’organisation proche du PQ. Une lettre issue d’un collectif de militantEs pointe l’absence de démocratie et le louvoiement de la direction durant la lutte étudiante du printemps dernier comme principaux motifs de leur volonté de rompre avec la FECQ. Voici copie de cette lettre.

La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) a été fondée, il y a maintenant 22 ans, en 1990. À travers les années, la fédération a vu son nombre de membres fluctuer à la hausse et à la baisse à de nombreuses reprises. Depuis janvier dernier, trois associations1 étudiantes se sont ajoutées au Cégep André-Laurendeau, au rang des désaffiliés non reconnus par la FECQ. De plus, quatre autres associations2, ont également le mandat de tenir une consultation sur leur avenir comme membres de la fédération. Il s’agit de la plus grande vague de consultation de désaffiliation dans un si court laps de temps de toute l’histoire de la fédération. Bien des critiques sont à la base de cette volonté de se désaffilier. Elles sont souvent similaires et partagées entre plusieurs associations. La crise qui frappe actuellement la FECQ est le fruit d’une dynamique interne malsaine résultant d’un profond manque de transparence, d’une valorisation très déficiente de la démocratie et d’un manque flagrant de respect pour les décisions prises démocratiquement par le congrès ou une association étudiante membre.

La transparence fait l’objet de débats récurrents depuis plusieurs années parmi les membres de la fédération. Les documents financiers sont confidentiels et nébuleux. Les délégués des associations membres doivent approuver des budgets auxquels ils ne comprennent souvent rien. Il est difficile pour les étudiant-es de juger si leur argent est correctement utilisé puisque les documents ne sont pas publics. Les procès-verbaux des instances relatant les décisions prises par la fédération ne sont pas publiés depuis novembre 2011, malgré le fait qu’une résolution ait été adoptée pour qu’ils soient publiés. Une partie des instances de la fédération se déroule à huis clos. En janvier dernier, les représentants du journal étudiant d’une association membre ont été expulsés par le congrès en complète violation des règlements. Lorsque les documents sont en grande partie confidentiels et que les médias étudiants sont expulsés, comment voulez-vous que les étudiant-es aient de l’information sur le fonctionnement de la fédération afin de juger de son travail ?

La culture démocratique de la fédération est déficiente. Prenons par exemple les plans d’action annuels. Les délégués débattent des orientations au début de l’été pour les adopter à la mi-août. D’abord, on n’incite aucunement les associations membres à consulter les assemblées générales à la fin du trimestre d’hiver pour déterminer les orientations et c’est la même chose à la mi-août puisque le trimestre d’automne n’a pas encore débuté. De plus, concernant les orientations et les plans d’action, les propositions de base soumises aux associations étudiantes sont rédigées par l’exécutif national. Les assemblées générales ne sont consultées à aucun moment et de toute manière, même s’il y avait volonté de valoriser la consultation des étudiant-es en assemblée, le moment n’est absolument pas opportun. La même dynamique s’est présentée avec la démarche menant vers la grève à l’hiver 2012. Nous le savions depuis des mois que la grève était inévitable.

Jamais, la fédération n’a incité les associations membres à consulter les assemblées à savoir si celles-ci étaient prêtes à envisager le principe d’une grève générale. Certaines ont quand même consulté leurs assemblées en se faisant reprocher par l’exécutif national qu’il était beaucoup trop tôt pour parler de grève. Pourtant, un plan d’action confidentiel a été adopté en janvier prévoyant le recours au débrayage à la mi-mars. Léo Bureau-Blouin a passé le mois de février à claironner que la FECQ n’envisageait pas encore la grève lorsqu’il savait qu’elle était au coeur du plan d’action. De plus, il est même allé affirmer3 le 1er mars que la grève était désormais inévitable et qu’il s’agissait d’une solution de dernier recours pour une fédération « responsable » et « patiente » comme la sienne. Toute la démarche de la FECQ vers la grève est teintée d’un profond manque de culture démocratique, de transparence et de respect envers les étudiant-es.

Le non-respect des décisions prises démocratiquement par les membres s’articule autour de deux axes : les décisions prises par une association locale et les décisions des congrès de la FECQ. Le meilleur exemple que nous avons à exposer est celui des quatre associations qui ont quitté la FECQ. Cette dernière considère que la décision est invalide parce que la démarche suivie ne respecte pas celle imposée par la fédération, au mépris de la volonté des assemblées locales. Pourtant, les associations des cégeps de Saint-Félicien, Alma, Shawinigan et André-Laurendeau ont voté pour la désaffiliation en respect de leurs règlements et ne se considèrent plus membres. La FECQ continue d’affirmer qu’il y a toujours 23 associations membres et 80 000 membres alors qu’en réalité, il n’y a plus que 19 associations membres et 73 000 membres. Il faut rappeler le cas de Cégep@distance, qui fut intégré, sans consultation, par un simple changement de règlements à l’association du cégep de Rosemont l’hiver dernier. Tout d’un coup, les rangs de la FECQ gonflent de 20 000 membres ! Ces étudiants n’ont jamais été consultés ni sur leur intégration, ni sur aucune des positions politiques de la FECQ. Elle ne peut pas légitimement prétendre parler en leur nom. Selon nous, le nombre de membres auxquels la FECQ peut réellement prétendre, c’est environ 54 000, en s’appuyant sur les données de la fédération des cégeps.

Nous reprochons également à la FECQ de ne pas respecter plusieurs décisions qui ont été prises par le congrès. Au courant du printemps dernier, la fédération a énoncé le fait qu’elle accepterait d’aller négocier avec le gouvernement sans la présence de toutes les associations nationales4. Or, le congrès de la fédération avait adopté, le 2 octobre 2011, une résolution de solidarité prohibant toute action en ce sens. Lors du congrès d’août 2012, l’exécutif fut mandaté d’empêcher l’implantation totale de la hausse des frais « et d’exiger une baisse de ces frais lors des prochaines années afin d’obtenir la gratuité scolaire ». Aucune intervention publique de l’exécutif national n’a reflété ce mandat. Ces critiques sont récurrentes depuis plusieurs années comme le démontre la longue liste de signataires de la présente lettre ouverte.

Notes

1 Associations étudiantes des cégeps André-Laurendeau, Shawinigan, Saint-Félicien et Alma

2 Associations étudiantes des cégeps Granby-Haute-Yamaska, l’école nationale d’Aérotechnique, Chicoutimi et Rimouski

3 La FECQ appelle ses membres à débrayer, La Presse, 2 mars 2012

4 La FEUQ refuse de rencontrer Beauchamp sans la CLASSE, La Presse, 19 avril 2012

Signataires

Christopher Bacon Délégué aux relations internes – AGECRLi (Rivière-du-Loup) 2012

Émile Duchesne Président – AECA (Alma) 2012

Roxanne C. Doucet Vice-présidente aux affaires externes – AGEECS (Shawinigan) 2012

Michel D. Rouleau Délégué aux communications – AGECRLi (Rivière-du-Loup) 2012

Étienne Luce Président – AGEECC (Chicoutimi) 2012-2013

Raphael Lapierre Secrétaire général – AGEECJ (Jonquière) 2012

Roxann Savoie Présidente – AEECGH-Y (Granby Haute-Yamaska) 2012

Audréane Arsenault Directrice des affaires externes – REECSH (Saint-Hyacinthe) 2012

Sean-Olivier Parent Vice-président aux affaires externes – AGECR (Rimouski) 2011-2012

Audrey Jeanson Coordonnatrice aux affaires externes – AGECA (Ahuntsic) 2012-2012

Marc-Édouard Larose Vice-président aux affaires externes - AEECGH-Y (Granby Haute-Yamaska) 2011-2012

Frédérik Ste-Croix Lévesque Coordonnateur aux affaires sociopolitiques – AGECA (Ahuntsic) 2011-2012

Marc-André Morency Représentant – secteur préuniversitaire – AEECGH-Y (Granby Haute-Yamaska) 2011-2012

Guillaume Néron Coordonnateur général – AECSF (Saint-Félicien) 2011-2013

Iris Bourgault Bouthillier Présidente – AGEECS (Shawinigan) 2011

Frédéric Faucher Secrétaire externe – CVE-ENA (École nationale d’Aérotechnique ) 2011-2012

Jérémy Martel-Moreau Responsable des affaires étudiantes – AGEECS (Shawinigan) 2011-2012

Marc-Olivier Deschênes Vice-président aux affaires externes – AGEECJ (Jonquière) 2011

Antoine Bouchard Président – AGECR (Rimouski) 2010-2011

Sophie Messier Présidente – AGEECST (Sorel-Tracy) 2010-2011

Élie Lemieux-Huard Vice-président aux affaires externes – AGECR (Rimouski) 2010

Yann Roshydy Vice-président – REECSH (Saint-Hyacinthe) 2008-2009

Jean-Sébastien Ménard Secrétaire général – AGECTR (Trois-Rivières) 2006-2009

Myriam Leblanc Présidente – AGECRLi (Rivière-du-Loup) 2005-2006

Vincent Gagné Président – REECSH (Saint-Hyacinthe) 2005-2006

Jean-Daniel Picard Vice-président aux affaires internes – AGECR (Rimouski) 2005-2006

François Cyr Délégué aux communications – AGECR (Rimouski) 2004-2005

Mélissa Simard Vice-présidente aux affaires externes – AGECR (Rimouski) 2005

David Saint-Amant Vice-président et externe – REECSH (Saint-Hyacinthe) 2004-2006

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