Édition du 23 avril 2024

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Environnement

Le mouvement social pour la justice climatique : les prochaines années sont cruciales pour l’humanité

Le seul espoir pour limiter le changement climatique est de créer un mouvement social mondial pour la justice climatique et contre le système actuel. Dans ce cadre, il est important de s’intéresser à la 20e Conférence sur le changement climatique (COP20), au sein de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui s’est achevée le 14 décembre 2014 à Lima (Pérou).

Malheureusement, le mouvement social pour la justice climatique a eu raison d’être pessimiste : cette conférence ne constituait qu’une réunion de plus pour ne rien décider. En effet, contrairement aux recommandations du GIEC et aux attentes légitimes des mouvements sociaux, les Etats ne se sont pas engagés à améliorer leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. Comme le dit Maxime Combes d’ATTAC France : « alors qu’il faudrait se répartir des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre globaux fixés au regard des enjeux scientifiques, des exigences des populations, et de la justice climatique, et les répartir entre les pays en fonction de leurs responsabilités différenciées et de leurs capacités à agir différenciées, aujourd’hui on est sur un format de contributions nationales et domestiques qui sont unilatérales, portées par les pays en fonction de ce qu’ils veulent faire ». Les engagements de réduction d’émissions pour l’avant 2020 sont trop faibles et conduiraient à dépasser les 2° C de réchauffement climatique d’ici le milieu du siècle.

Pousser vers des objectifs ambitieux

A Lima, les États-Unis, l’Union européenne et leurs alliés ont agi dans l’intérêt des grandes entreprises polluantes, déterminées à déréglementer davantage le régime de gouvernance international du changement climatique. Ainsi l’expansion de l’utilisation des marchés carbone a été largement encouragée. Y compris à travers l’utilisation de crédits carbone issus des forêts et des sols, source de dévastations supplémentaires pour les populations paysannes et forestières à travers le monde.

Lima nous prépare à un accord à Paris (où aura lieu, fin novembre/début décembre 2015, la prochaine réunion de la COP21) qui ignorera les besoins et les droits des populations impactées dans le monde, excluant tout engagement contraignant en matière de contribution financière, d’adaptation, de pertes et dommages et de transfert de technologie.

Ainsi, le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) publiait début décembre depuis Lima un nouveau rapport. Selon ce dernier, les dépenses nécessaires pour protéger les populations des pays en développement face aux risques liés aux changements climatiques pourraient atteindre 250 à 500 milliards de dollars par an en 2050. L’ONU a quasiment doublé ses prévisions de coûts liés à l’adaptation aux dérèglements climatiques, estimés à 70 milliards de dollars en 2010. On estime qu’il y aura en 2050 entre 150 et 300 millions de mi­grant·e·s environnementaux.

D’ici fin mars, tous les pays doivent indiquer dans quelle mesure ils réduiront leurs émissions de gaz à effet de serre à moyen terme. Chaque pays devra s’y atteler dès la conférence finie. La Suisse devrait réduire ses émissions nationales de 60 % d’ici 2030 (par rapport à 1990), afin d’apporter une contribution significative au maintien d’un réchauffement maximal de deux degrés. Or sa proposition actuelle est de 20 %. Il est donc urgent d’exiger des autorités politiques qu’elles adoptent des objectifs ambitieux en matière de protection du climat.

La fin de la fragmentation des luttes ?

Comme le dit à nouveau Maxime Combes « les mobilisations et initiatives pour la justice climatique qui se sont tenues à Lima (plus de 20 000 personnes ont manifesté dans les rues de cette ville) semblent confirmer que la déprime et la fragmentation des mouvements sociaux pour la justice climatique qui ont suivi la conférence de Copenhague (2009) semblent bel et bien dépassées ». Les mobilisations de septembre aux Etats-Unis et dans le monde (à Genève plus de 2000 personnes se sont mobilisées) confirment ce point de vue. Pour préparer les mobilisations locales et internationales pour la COP21 de Paris, une Coordination internationale a été créée. Nous n’allons pas nous focaliser sur la COP21 et l’agenda de l’ONU, mais nous allons nous servir de cette réunion à Paris comme d’un moment d’agrégation et d’accumulation des forces en nous appuyant sur d’autres mobilisations et luttes en cours (résistances anti-­extractivistes, contre les aéroports inutiles, contre le nucléaire, pour la défense du territoire, etc.).

En Suisse, la Coordination Climat et Justice Sociale prépare une série d’actions pour toute l’année et plus particulièrement pour le mois de février. Du 8 au 11 février à Genève, se tiendra une réunion de travail de l’ONU sur le climat, avec la présence de milliers de dé­lé­gué·e·s du Sud. Nous allons organiser une manifestation de rue, une conférence publique et une réunion des mouvements sociaux de la région. Il est probable que nous soyons en train d’assister à la (re)naissance d’un vaste mouvement international pour la justice climatique. Les mois prochains s’avéreront décisifs pour vérifier ce pronostic.

Juan Tortosa
Membre du Groupe écosocialiste de solidaritéS, de la Coordination Climat et Justice Sociale de Genève et de la Coalition internationale Climat21

* Paru en Suisse dans « solidaritéS » n° 261 (08/01/2015) p. 11. http://www.solidarites.ch/journal/

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