Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

8e feu : un point de vue peu nuancé sur le Plan Nord

Radio-Canada décrit la série 8e feu comme étant « une série provocatrice et dynamique au cœur du monde autochtone. Elle veut montrer pourquoi il est urgent de rétablir la relation que le Canada entretient depuis 500 ans avec les peuples autochtones, enlisés dans le colonialisme, les conflits et le déni. » Nous aimerions commencer par féliciter les réalisateurs d’avoir pris l’initiative de dresser un portrait de la situation des Autochtones, à l’heure où le gouvernement du Québec nous oblige à tourner les yeux vers le Nord. Trop peu de non-Autochtones connaissent l’histoire des Premières nations et des Inuits. Leur connaissance du monde parallèle dans lequel ces derniers ont été forcés de vivre se limite trop souvent à des préjugés.

Nous avons toutefois été étonnés du point de vue peu nuancé sur le Plan Nord présenté dans le deuxième épisode. « Mesdames et Messieurs, voici l’avenir du Québec : le Plan Nord », nous dit le narrateur avec un enthousiasme qui nous a laissés perplexe. Suivent ensuite les promesses d’emplois, d’écoles, de logements, de services santé , avec comme trame de fond la publicité du gouvernement. Si, effectivement, le Plan Nord est l’avenir du Québec, nous avons de sérieuses raisons de nous inquiéter.

D’abord, ce ne sont pas toutes les nations autochtones du Québec qui seront touchées par le Plan Nord. Comme il est mentionné dans la série, seules quatre d’entre elles le seront, soit les Cris, les Innus, les Naskapis et les Inuits. À notre connaissance, aucune des sept autres nations ne bénéficiera d’un plan de développement. En outre, cinq communautés innues s’opposent à ce Plan, et un groupe de plusieurs centaines d’Inuits a lancé une pétition sur Internet pour manifester son désaccord. Le Plan Nord est loin de faire l’unanimité.

Plusieurs intervenants des milieux économique et environnemental se sont déjà penchés sur les lacunes de ce « chantier d’une génération ». Aussi, nous n’aurons pas la prétention de présenter notre propre analyse. Nous nous contenterons de souligner que, d’après le peu d’informations dont nous disposons, le Plan Nord consiste principalement à construire des infrastructures, aux frais des contribuables, dans le but de faciliter l’exploitation minière. Ce n’est pas la première fois, au Canada, qu’un gouvernement promet mers et mondes à des communautés autochtones pour éviter qu’elles s’opposent à la mise en œuvre de ce genre de projet. Le cas d’Attawapiskat, communauté qui a fait les manchettes en décembre dernier, en est un triste exemple.

En 2006, le premier ministre de l’Ontario, Dalton McGuinty disait du projet de mine de diamants Victor Diamond qu’il était une bonne nouvelle pour la population d’Attawapiskat, pas seulement pour l’obtention de simples emplois, mais aussi pour ses possibilités d’éducation, de formation et d’affaires. Les images d’Attawapiskat qui nous ont été présentées dans 8e feu étaient troublantes. Non seulement une telle précarité est inadmissible au Canada, mais le fait que des enfants doivent s’y battre pour avoir une école, alors qu’une mine de diamants se trouve à quelques dizaines de kilomètres de leur communauté, est complètement surréaliste.

Plus près de chez nous, il est difficile de passer sous silence le boom minier qu’a vécu la Côte-Nord au cours de la deuxième moitié du siècle dernier. Même si, à l’époque, on ne se fatiguait pas à faire des promesses aux Autochtones, des Innus et des Naskapis sont venus s’installer à Schefferville pour y travailler. Lorsque le prix du fer a chuté, non seulement ont-ils perdu leur emploi, mais, en plus, en 1982, la compagnie minière Iron Ore du Canada (IOC), alors sous la présidence de Brian Mulroney (qui deviendra plus tard premier ministre du Canada) a fait raser les installations de la ville et incendier des maisons. À peu près tout ce que les Innus qui y vivaient ont pu conserver, ce sont des trous de mines. À notre connaissance, aucune disposition législative n’a été adoptée dans le cadre du Plan Nord pour garantir que les communautés touchées ne seront pas laissées à elles-mêmes après la fermeture des mines, une fois les ressources épuisées.

Qu’arrivera-t-il aux Autochtones touchés par le Plan Nord lorsque le prix des métaux chutera de nouveau ? Qu’arrivera-t-il aux autres habitants du Nord ? N’a-t-on rien de plus durable à leur offrir que l’exploitation de ressources non renouvelables ? N’a-t-on rien de plus à conserver pour leurs enfants que quelques épinettes perdues dans une toundra ravagée et des résidus de minerais d’uranium ?

Avec son Plan Nord, le gouvernement oblige les habitants du Nord à choisir entre leur survie et la survie de l’environnement. Si, effectivement, le Plan Nord est l’avenir du Québec, cet avenir n’est que la perpétuation d’une vision restreinte et à court terme de l’enrichissement, vision colonialiste qui a fait ses preuves de destruction et dont les conséquences appauvrissent les communautés autochtones, le Québec et le Canada.

Groupe citoyen « Ne perdons pas le Nord », mieux connu sous le nom de sa page « Ton Plan Nord, Charest, on n’en veut pas »
http://www.facebook.com/neperdonspaslenord

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