Édition du 7 mai 2024

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Environnement

Entente Hydro-Québec - Énergir, une solution insuffisante

et un édito de Martine Ouellet contre cette entente

Montréal, 28 mars 2022 - Les soussignés considèrent important de rectifier certaines affirmations véhiculées par les tenants de la biénergie électricité-gaz et de souligner certaines omissions relativement à l’entente intervenue entre les deux monopoles que sont Hydro-Québec et Énergir pour la décarbonation des bâtiments.

Par Jean-Pierre Finet, analyste en régulation économique de l’énergie, Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ)*

tiré du site du Regroupement des organismes gouvernementaux en énergie (ROEÉ)
https://mailchi.mp/4fae57e2de81/entente-hq-energir-bienergie-5135809?e=1a4186317e

En soi, la proposition d’Hydro-Québec et d’Énergir peut, en effet, amener une réduction du volume de gaz. Toutefois, d’autres solutions, dont les technologies sont disponibles et qui sont économiquement rentables, peuvent nous permettre de mettre fin plus rapidement à notre dépendance au gaz fossile dans le bâtiment à coût moindre.

En mai dernier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE), a fait un exercice extrêmement sérieux d’identification de la trajectoire menant vers la carboneutralité et le maintien du réchauffement sous la barre du 1,5 degré (évitant ainsi l’emballement climatique). Elle recommande l’interdiction d’installer de nouvelles chaudières à combustibles fossiles dès 2025. Ceci est d’autant plus important alors que plus de 80% du gaz consommé au Québec est produit par fracturation hydraulique. Cette transition rapide est en train de se faire un peu partout sur la planète, incluant les pays nordiques.

L’offre biénergie présentée par Énergir et Hydro-Québec ne va pas dans le sens de l’élimination rapide des hydrocarbures. On parle d’une conversion partielle d’environ 70 % de la consommation de gaz fossile de certains bâtiments. Les distributeurs prétendent que l’électrification complète de ces bâtiments ajouterait près de 2000 mégawatts (MW) à la demande en période de pointe. Or, il s’agit d’un scénario fataliste sans aucune mesure de gestion de la pointe et sans augmentation des efforts - nettement insuffisants - d’Hydro-Québec en réduction de la consommation d’électricité et en efficacité énergétique, ce qui est invraisemblable et inacceptable.

Une des solutions de rechange à la biénergie proposée est d’investir l’énorme potentiel de gestion de la pointe chez les clients d’Hydro-Québec et d’Énergir : ceci permettrait de minimiser l’impact en puissance d’une décarbonation complète des bâtiments à un coût substantiellement moindre pour Hydro-Québec que le scénario évoqué par les deux sociétés. Parmi ces mesures, il y a le crédit hivernal, les tarifs Flex et GDP Affaires, Hilo et les accumulateurs thermiques.

Ces derniers, par exemple, permettent d’emmagasiner la chaleur et ne requièrent aucun combustible. Le bâtiment (résidentiel ou commercial) peut ainsi être complètement indépendant du réseau, pour son chauffage, durant les heures de pointe. Une multitude de bâtiments au Québec et dans les provinces et États limitrophes sont ainsi déjà munis d’accumulateurs thermiques, avec des résultats probants.

Enfin, il nous apparaît important d’attirer l’attention sur certaines failles du projet de biénergie d’Énergir et d’Hydro-Québec qui risquent de pérenniser au-delà de 2030 la présence de gaz dans les bâtiments. Tout d’abord, le remplacement des appareils au gaz désuets par des appareils neufs au gaz est prévu, ainsi que le branchement au gaz des nouvelles constructions. Ceci compromet nos objectifs de décarbonation. Par ailleurs, une compensation financière, indépendante des coûts associés au projet, est prévue entre Hydro-Québec et Énergir. Ce sont près de 400 millions de dollars d’ici 2030 qu’Hydro-Québec versera à Énergir, afin de compenser ses pertes de revenus. Ce montant revient à faire payer des sommes faramineuses aux clients d’Hydro-Québec (consommant déjà une électricité renouvelable faible en carbone) pour subventionner une partie de la consommation de gaz naturel d’origine fossile : un non-sens.

En favorisant seulement une décarbonation partielle des bâtiments en recourant à la biénergie électricité-gaz en tant que solution permanente, Hydro-Québec et Énergir proposent une mesure qui ouvre la porte à la pérennisation et l’extension de la distribution par Énergir de l’hydrocarbure qu’est le gaz fossile produit par fracturation.
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Le ROEÉ, fondé en 1997, participe activement aux consultations et audiences de la Régie de l’énergie, ou auprès d’autres forums pertinents, afin de défendre de manière efficace le point de vue des groupes et organismes à vocation environnementale dans le domaine énergétique. Les membres du ROEÉ font connaître au grand public les enjeux soulevés à la Régie en les commentant et en sensibilisant sur la question environnementale dans le domaine énergétique. Le ROEÉ est composé de huit groupes environnementaux, soit l’Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale (AMSÉE), Canot Kayak Québec, Écohabitation, la Fondation Coule pas chez nous, la Fondation Rivières, Nature Québec, le Regroupement pour la surveillance du nucléaire et le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ). Ces groupes représentent des milliers de membres individuels et de multiples organisations au Québec.
Signataires

Les personnes et organismes suivants cosignent la lettre ouverte :

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada
Bruno Detuncq, membre du comité de coordination du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec
Anne-Céline Guyon, chargée de projet climat chez Nature Québec
Jacques Tétreault, Comité Citoyens et Citoyennes pour la Protection de l’Environnement Maskoutain
Pascal Bergeron, Environnement Vert Plus
Geneviève Malenfant-Robichaud, Fondation Coule pas chez nous
Réal Lalande, président, Action Climat Outaouais
Normand Beaudet, Équipe GMob, Action Environnement Basses-Laurentides.
Lucie Massé, porte-parole d’Action Environnement Basses-Laurentides
Jean Paradis, Président-Fondateur de Négawatts production
Jacques Boucher, Regroupement pour la surveillance du nucléaire
Danielle Demers, Les Amis de la Chicot de Saint-Cuthbert
Yvonne Dolbec
Guy Boudreau CVH Lavaltrie
Claude Vallières, comité Environnement Les Amis de la Chicot de Saint-Cuthbert
Christiane Bernier,
Patrick Provost, Regroupement Des Universitaires
Louise Morand, CVH de la MRC de L’Assomption
Eric Pineault, professeur, Institut des sciences de l’environnement, UQAM
Paul Casavant, TerraVie - fonds foncier communautaire
Laure Waridel, écosociologue PhD et mère au front
Sébastien Collard, Sortons la Caisse du carbone
André Bélanger, Fondation Rivières
Marielle Boisjoly, CVH Lanoraie
Patricia Posadas, Prospérité sans pétrole


Edito de Martine Ouellet contre cette entente Entente entre Hydro-Québec et Énergir : la Régie de l’énergie doit absolument refuser cette entente de dupes

https://climat.quebec/2022/04/05/entente-entre-hydro-quebec-et-energir-la-regie-de-lenergie-doit-absolument-refuser-cette-entente-de-dupes/

La Régie de l’énergie tient actuellement des audiences portant sur la dernière entente entre Hydro-Québec et Énergir qui prévoit un versement de 400 millions $ à la gazière pour le maintien de ses infrastructures qui serait utilisées seulement lors des pointes de températures hivernales. Selon l’IRIS, cette compensation pourrait s’élever à 2,4 milliards d’ici 2050.

C’est le monde complètement à l’envers. Il faudrait payer la gazière pour moins consommer son gaz ? Et tout ça, aux frais des consommateurs d’Hydro-Québec par des hausses de tarifs d’électricité, les dindons de la farce… Faut-il rappeler que le gaz d’Énergir est composé à environ 80 % de gaz de fracturation, l’énergie fossile la plus polluante de la planète, plus encore que le charbon ? Je ne pensais pas que la créativité tordue pouvait aller aussi loin.

On nous présente cette entente comme une police d’assurance pour les périodes de grand froid. Un autre beau tour de passe-passe de la gazière avec la complicité d’anciens gaziers à la tête d’Hydro-Québec. Il y a plusieurs alternatives pour gérer les pointes hivernales comme la gestion de la consommation des grandes industries, l’efficacité énergétique, l’isolation des bâtiments ou l’installation d’accumulateurs thermiques pour les clients institutionnels d’Hydro-Québec. À mon avis, tout ça ressemble plutôt à un beau prétexte pour justifier le maintien d’une énergie sale et de ses infrastructures payées par les consommateurs d’énergie propre.

Ce n’est pas la première fois que des anciens de Gaz Métro/Énergir, devenus PDG d’Hydro-Québec, utilisent la société d’État pour des projets très bénéfiques à la gazière, mais nocifs pour l’environnement et pour les consommateurs d’électricité. Il y a eu la centrale au gaz du Suroit avec André Caillé, un projet qui a heureusement été bloqué par les environnementalistes et la mobilisation citoyenne. Ensuite, il y a eu la centrale au gaz de Bécancour, celle-là privée, mais avec un contrat d’achat en béton avec Hydro-Québec, négocié sous André Caillé et Thierry Vandal, deux anciens de Gaz Métro. Faute de besoins, cette centrale est fermée depuis longtemps. Hydro-Québec a dû payer la pétrolière TCE et la gazière Énergir plus d’un milliard de dollars, soit plus de 100 millions de dollars par année, pour ne pas produire d’électricité et donc, pour rien du tout. Encore ici, on a essayé de nous endormir sur ce scandale en prétextant une espèce de police d’assurance en cas de pointe hivernale. L’histoire bégaye. D’ailleurs, comme ministre des Ressources naturelles et patronne d’Hydro-Québec, j’avais demandé une copie du contrat à Thierry Vandal, alors PDG, afin d’analyser les possibilités légales d’y mettre fin. Je ne l’ai jamais reçu, car la première ministre s’est ingérée dans le dossier à la demande du PDG pour couper court à mon initiative. Mon intuition était probablement bonne, car pourquoi me refuser la lecture du contrat sinon ? Imaginez les centaines de millions de dollars que nous aurions pu sauver collectivement depuis 2013.

Le gaz naturel, tout comme le pétrole, doit sortir de notre équation énergétique un point c’est tout. Il n’est pas question d’enrichir la gazière par de supposées compensations, peu importe le prétexte inventé. Nous devons apprendre des problèmes du passé et comprendre que la proximité entre la gazière et Hydro-Québec est extrêmement inquiétante et malsaine. De constater que le ministre Julien donne son appui à cette entente de dupes est indécent.

Pour toutes ces raisons, la Régie de l’énergie, qui se doit d’être la gardienne des impacts tarifaires sur les consommateurs d’électricité, doit ramener à l’ordre tant Hydro-Québec que la gazière Énergir et refuser d’autoriser cette entente.

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