Édition du 7 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Opinion

L’entrée en scène de Québec solidaire

Faire de la politique autrement

Le Québec tout comme le Canada sont actuellement en pleine effervescence politique à saveur électorale. Au niveau provincial, l’appel aux urnes est déjà lancé. Les choix classiques sont connus puisque certains joueurs occupent la presque totalité de l’espace politique. Quelle proportion de citoyens et de citoyennes adhèrent cependant aux orientations et aux programmes des grands partis ? Quels intérêts ceux-ci promeuvent-ils ? Y reconnaissons-nous les aspirations de toutes les couches de la population et une approche véritablement démocratique ?

L’expérience québécoise récente montre un exercice du pouvoir sourd aux appels de la population, voire même se félicitant d’aller à leur encontre. Le sort du mont Orford, une propriété qui était publique, est un exemple criant qui démontre l’hiatus existant entre l’opinion publique et l’instance décisionnelle, en l’occurrence un Exécutif gouvernemental agissant en maître absolu. L’habitude prise par les gouvernements, et particulièrement par celui de Jean Charest, d’imposer des législations par la pratique du bâillon en fin de session confirme l’accaparement du pouvoir par le conseil des ministres quand ce n’est pas par le premier Ministre. En saine démocratie, on pourrait s’attendre à ce que les élus assument au moins leur pouvoir de délégation sinon leur pouvoir de représentation.

Un tel état de fait questionne les dessous et les présupposés de la vie politique nationale. Qui tire les ficelles ? Quels intérêts arrivent à se frayer un chemin vers les officines du pouvoir ? Il est facile de reconnaître les grands lobbies et l’approche néolibérale du tout-au-marché qui se traduit par une tendance affirmée à réduire ou à transformer le rôle de l’État au risque de voir s’amenuiser les acquis sociaux auxquels tiennent aussi les jeunes générations québécoises. Un sondage CROP récent disait celles-ci plus « solidaires » que « lucides » parce que justement attachées au modèle québécois caractérisé par des programmes sociaux jadis plutôt généreux, rendus possibles, alors, par une fiscalité relativement progressive.

Des oppositions fort importantes

Comme le Québec reste encore une société foncièrement saine, tout projet gouvernemental branché sur des intérêts privés ou risquant de compromettre l’équilibre social ou environnemental ne passe heureusement pas comme une lettre à la poste. Les dernières années ont vu se lever des oppositions fort importantes qui ont permis de gagner des batailles populaires, par exemple celle de la centrale du Suroît. Une mobilisation étudiante massive a permis de sauvegarder en grande partie les montants attribués aux bourses. Un mouvement citoyen a bloqué le projet de déménagement du Casino de Montréal contrant ainsi des conséquences sociales sérieuses. Comme expérience exemplaire et unique en Occident du Nord, la loi sur l’élimination de la pauvreté résulte d’une mobilisation populaire menée par ce qui se nomme aujourd’hui le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Ces faits illustrent la montée de la société civile comme troisième acteur à côté du marché néolibéral et d’un État devenu trop complaisant à l’égard de celui-ci. Ce surgissement de la société civile est une réalité actuellement observable dans plusieurs coins de la planète comme en témoignent les forums sociaux mondiaux.

L’entrée en scène de Québec solidiare

Le pouvoir de la rue ne saurait cependant suffire à exprimer la volonté populaire, et y céder ne témoigne pas en soi d’une véritable orientation démocratique. Il importe que le mouvement citoyen porteur d’un projet de société axé sur les valeurs d’égalité, de justice, de liberté et de saine démocratie accède aux lieux de décision. De ce point de vue, nous saluons l’entrée en scène de Québec solidaire comme nouvel acteur aux racines plus sociales et portant plus clairement les aspirations d’une couche importante de la société civile. Comme parti de gauche à la fois écologiste, féministe, pluriel, altermondialiste et pacifiste, Québec solidaire propose une démocratie participative donnant aussi une voix aux personnes exclues ou marginalisées.

Le fondement politique de ce nouveau parti réside dans la proposition d’un projet de société axé sur la recherche du bien commun où l’intérêt de l’ensemble de la population primerait sur des intérêts particuliers, où les ressources fournies par la nature et par le travail humain serviraient toutes les personnes sans distinction de classe, où la richesse serait équitablement répartie de telle sorte que soit réalisé un vivre ensemble dans l’harmonie et la justice.

Un coup de barre s’impose

Québec solidaire entre en scène à un moment où un coup de barre s’impose pour que le Québec redevienne une société réellement démocratique. La présence significative à l’Assemblée nationale de représentantes et de représentants d’une approche participative devient essentielle à la santé de notre gouvernance publique où doivent être transformées les mœurs et les coutumes de gestion étatique. Est-il contraire à la « lucidité » d’aspirer à un État où les élus demeurent de façon permanente en lien organique avec la population et où l’exercice de la citoyenneté produise des effets déterminants dans les choix de société et les décisions collectives ?

Pour qu’un tel changement advienne, la conscience citoyenne a besoin d’être développée. Là-dessus, les partis politiques, Québec solidaire et les autres, ont une tâche à accomplir. D’autres instances s’en préoccupent aussi, notamment l’organisme D’abord solidaires d’où origine, pour une part, le parti Québec solidaire. Il en est de même d’un grand nombre de groupes communautaires et de certains syndicats. Cependant, chaque femme, chaque homme sont appelés à secouer leur sens de l’appartenance à une collectivité, à devenir conscients de leur responsabilité citoyenne et s’engager à participer à la construction d’un vivre ensemble sans exclusion.

Un moyen à privilégier consiste à joindre des groupes ou mouvements comme relais indispensables à l’édification de la société puisque c’est dans la dynamique des groupes que peut le mieux se développer la conscience citoyenne. Nous avons effectivement besoin de toutes nos forces sociales concertées, car, dans le contexte néolibéral actuel, aucun parti, politicien ou politicienne ne pourra arriver à faire de la politique autrement et à faire primer le bien commun sans une société civile alerte, politisée et participante.

Le Groupe de théologie contextuelle québécoise

par Michel Beaudin, Céline Beaulieu, Guy Côté, Roger Éthier, Lise Lebrun, Jean Ménard, Richard Renshaw, Eliana Sotomayor.

Mots-clés : Opinion Québec

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