Édition du 30 avril 2024

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Québec solidaire

Il est loin le bateau pour Gaza

L’offensive du Hamas du 7 octobre dernier contre l’État Israélien a du même coup attaqué et tué des civils. Cela doit être condamné. Cependant on ne peut placer dos à dos le peuple palestinien et l’État d’Israël comme des entités qui ont les mêmes responsabilités.

La position de la direction parlementaire de Québec Solidaire, qui au début plaçait dos à dos l’attaque du Hamas et les attaques et assassinats d’Israël contre le peuple palestinien depuis des décennies, s’est modifiée en quelque-chose de plus nuancé mais toujours sans réelle perspective d’appui à la lutte du peuple palestinien.

GND affirme maintenant que les attaques du Hamas sont un crime de guerre et non du terrorisme, ce qui qualifie mieux ce conflit. Par ailleurs, il met encore dos à dos le peuple palestinien et Israël en affirmant « Il faut reconnaître le droit du peuple palestinien de vivre en paix à l’intérieur d’un État indépendant, avec des frontières reconnues par l’ONU. Il faut reconnaître le droit du peuple israélien de vivre en paix et en sécurité… plusieurs artisans de la paix en Palestine et en Israël, juifs comme musulmans, ont été assassinés par les franges extrémistes qui s’entretuent aujourd’hui en se moquant des victimes collatérales. »

Historiquement Québec Solidaire a toujours appuyé cette lutte.

Si l’attaque du Hamas contre des civils a modifié la perception du combat palestinien pour sa libération, elle n’a par contre rien changé fondamentalement aux visées d’Israël, qui au contraire a saisi cette occasion pour lancer une offensive qui pourrait devenir un génocide. Le gouvernement canadien n’avait pas non plus besoin de cette occasion pour soutenir Israël.

En juin 2011 lors du voyage de Manon Massé avec la flottille vers Gaza, le ministre des Affaires étrangères, John Baird avait fermement condamné l’idée d’essayer de briser l’embargo israélien pour livrer quoi que ce soit directement à la population de Gaza. « Israël a le droit de se protéger contre le terrorisme et d’empêcher le trafic d’armes », avait-il affirmé, en précisant que le Canada « reconnaît les préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité ».

La position du gouvernement canadien n’est donc pas basée sur l’offensive du Hamas. C’est un appui unilatéral qu’il a toujours manifesté au gouvernement Israélien contre le peuple palestinien.
Manon Massé participait avec d’autres militants et militantes à une expédition vers Gaza pour briser le blocus imposé par Israël à bord de la flottille Liberté II de 11 navires, dont le bateau canadien Tahrir.
« Il était temps », avait-elle affirmé « La population de Gaza vit « dans une prison à ciel ouvert et il est inconcevable qu’elle ne puisse faire du commerce maritime comme tout le monde. [1]

L’année précédente, en mai 2010, une flottille de six navires du mouvement Free Gaza, destinée à percer le blocus israélien avec de l’aide humanitaire, s’était butée à l’armée israélienne. L’affrontement s’était soldé par neuf morts parmi les militants d’un bateau battant pavillon turc et une condamnation rapide de la part de 27 pays européens.

Plus récemment Gabriel Nadeau-Dubois avait tenu un discours beaucoup plus cohérent. En 2021 il s’exprimait ainsi : « Posons-les franchement : Est-ce que les Palestiniens ont, eux aussi, droit à la paix et à la sécurité ? Pourquoi attendons-nous que des roquettes touchent Israël pour parler de la violence permanente qui sévit là-bas ? Cette violence, c’est l’expulsion de familles palestiniennes de maisons qu’ils habitaient depuis 70 ans à Jérusalem-Est. Ce sont les colonies illégales qui poussent comme des champignons en Cisjordanie. C’est le blocus de la bande de Gaza, les pénuries d’eau et d’électricité, les déplacements contrôlés et les arrestations arbitraires. C’est le silence assourdissant de la communauté internationale face à une oppression qui perdure depuis tellement longtemps que Human Rights Watch parle maintenant de « crime d’apartheid » dans les territoires occupés. »

Qu’est-ce qui a changé ?

L’attaque du Hamas a changé la perception qu’on peut avoir de la lutte palestinienne. Elle devient soudainement moins attrayante, moins facile à défendre. Mais c’est justement là où on doit jouer notre rôle comme parti politique de gauche, et démontrer notre détermination politique en appuyant le peuple qui est opprimé depuis des dizaines d’années et qui est maintenant menacé de génocide.

Amir sonne la charge

Amir Kadhir a pris position et indiqué qu’il s’agissait d’un crime de guerre et non de terrorisme.

Voici ce qu’il a écrit dans un courriel diffusé largement accompagné de deux vidéos :

« De surcroît, Israël a une double responsabilité dans la genèse du terrorisme en Palestine :
1- ses propres actions de terreur systématique contre les populations civiles palestiniennes dont les punitions collectives et raids aériens indiscriminés. Aux dires d’un journaliste américain, Hamas a appris d’Israël l’utilité et la portée maléfiques du terrorisme.

2- son rôle dans la prise de pouvoir et le renforcement du Hamas. Avi Primor , ex-ambassadeur d’Israel en Allemagne et pp des Aff étrangères d’Israel en fait foi ainsi :

Avi Primor, ex-ambassadeur israélien : « C’est nous qui avons créé le Hamas »

Guerre Israël-Hamas : « La question palestinienne revient au centre, dans les pires conditions »

J’ajouterai qu’avec la question palestinienne, depuis les premières actions de résistance palestinienne en 1967, revient à chaque fois la question du terrorisme avec une insistance inouïe par le pouvoir colonial qui en fait la trame centrale de son récit.

Le Hamas a commis des crimes de guerre. Israël aussi. Reconnaître les massacres et les condamner je suis d’accord. Mais seulement si on le fait de manière juste et complète, ce qui comprend Israël. L’insistance sur le qualificatif du « terrorisme » sert à déshumaniser et justifier les politiques d’agression permanente.

Or, ces politiques belliqueuses et destructrices menées par Israël et ses alliés n’ont rien réglé dans le passé. Les répéter c’est la garantie de souffrances supplémentaires pour les palestiniens et les israéliens. Le monde doit trouver le moyen de forcer un changement de politique ce qui revient à libérer Israël de cet échec sécuritaire depuis 70 ans et de la faillite morale de ses dirigeants.
Je le répète : les politiques belliqueuses et destructrices menées par Israël sont la garantie de souffrances supplémentaires pour les palestiniens et les israéliens. Un changement de paradigme dans ses politiques s’impose pour libérer Israël de l’échec sécuritaire de ses élites dirigeantes et de la faillite morale vers laquelle elles ont entraîné leur pays. »

Solidarité avec le peuple palestinien !

Plusieurs associations de Québec solidaire ont repris l’appel de l’association de Jean-Lesage pour une position d’appui au peuple palestinien. Cet appel affirme entre autres que « Québec solidaire doit être capable de condamner la partialité de la majorité des gouvernements occidentaux en faveur de l’État israélien. Cette partialité ne peut être interprétée que comme un feu vert pour la poursuite des crimes contre la population de Gaza. » Le texte propose ainsi « d’inviter les gouvernements du Québec et du Canada à mettre en place un boycott et un pression politique et économique suffisante pour aider à mettre fin l’apartheid. »

Vendredi dernier le 13 octobre plus de 10 000 personnes se sont rendues devant le consulat Israélien pour manifester leur appui au peuple palestinien et exiger la fin de l’offensive contre Gaza et la libération de la Palestine. Une sinon la plus importante manifestation en faveur du peuple palestinien tenue à Montréal, d’autres suivront.

La lutte continue !

André Frappier


[1Embarquement pour Gaza, Le Devoir François Desjardins,20 juin 2011

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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