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Introduction du livre d’Aude Vidal : La conjuration des ego. Féminismes et individualisme

#MeToo, le mouvement qui dévoile l’ampleur des violences sexuelles contre les femmes et se déploie depuis l’automne 2017 d’Hollywood aux pays non-occidentaux, ne vient pas de nulle part. Il est l’héritier d’autres mouvements féministes dont ceux auxquels il m’a été donné de participer pendant presque deux décennies, depuis la France et l’Europe : en vrac, surgissement de l’acronyme LGBT et de ses extensions, de mots comme grossophobie, mecsplication ou manspreading, visibilité croissante des féminismes non-occidentaux ou décoloniaux et des cultures queer, des revendications trans et non-binaires, politisation du harcèlement de rue ou de l’écriture inclusive, vagues de dénonciations (plus ou moins bien reçues) des violences sexuelles jusqu’au sein des milieux militants, prestige croissant du féminisme chez les mecs « déconstruits »…

Publié le 7 octobre 2019 | Avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse

Des bonnes nouvelles, plus de variété dans nos rangs, des impasses, des concepts qui nous font nous demander comment on a pu vivre et penser sans, des sujets qui s’imposent enfin, des dérives aussi. Au milieu de ce foisonnement, il m’est arrivé, au point d’être en porte-à-faux avec mes camarades, de m’inquiéter de la destruction de certains acquis du féminisme. Car ceux-ci ne me semblent avoir perdu ni de leur pertinence, ni de leur urgence, et cet ouvrage est consacré à leur défense.

L’individualisme, qui nous fait perdre de vue interdépendances et solidarités, et le libéralisme, qui suppose des libertés qui ne sont pas toujours partagées, infusent partout. Nous les avons bien intégrés, jusque dans les milieux les plus attachés à la justice sociale et à l’émancipation. Aussi séduisantes soient-elles, des notions comme l’autodéfinition du genre ou le féminisme du choix, qui sont ici abordées, relèvent à mes yeux de cette vision délétère du monde social. Leur succès, et une convergence fortuite entre politiques libérales et milieux radicaux sur ce sujet, constitue une « conjuration des ego », soit un dévoiement des idéaux d’égalité et de justice (comme ceux portés par la Conjuration des égaux de l’époque révolutionnaire) sous les coups d’un égoïsme ayant accédé à la dignité d’idéologie politique. Comme beaucoup de jeunes et moins jeunes féministes, je suis souvent sommée de prendre parti entre les « féministes radicales » (rad fem en anglais), héritières de la deuxième vague, et celles des milieux radicaux, queer et d’inspiration libertaire, que j’appelle ici faute de mieux les « nouvelles féministes radicales ». Je refuse le clivage et cherche d’autres voies pour « prendre le mâle à la racine ».

Aude Vidal : La conjuration des ego. Féminismes et individualisme

Editions Syllepse, Paris 2019, 96 pages, 7 euros

https://www.syllepse.net/la-conjuration-des-ego-_r_25_i_779.html

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