Édition du 7 mai 2024

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Cinéma

Je « perchiste » et signe

La semaine dernière, des reportages ont révélé que de nombreux artisans du cinéma en avaient soupé des conditions et de la cadence de travail sur les productions d’Aetios. Les accusations, par le truchement d’une page Facebook, ciblaient particulièrement la productrice et auteure Fabienne Larouche. Cette dernière répliqua qu’elle n’avait pas à commenter des critiques anonymes. Je la comprends tout à fait et je respecte cette façon de faire.

Je m’appelle Alexis Duceppe, je suis perchiste à la pige en télévision et en cinéma depuis treize ans. J’ai environ deux mille journées de tournage dans le corps sur cinq continents. Plus récemment, j’ai travaillé sur 30 vies et Unité 9, toutes deux produites par Aetios.

Jamais je n’ai vu pareille ambiance pourrie ni pareil rythme de travail insensé sur un plateau de tournage. Si vous demandez à quelqu’un qui a 25 ans d’expérience et qui a vu ces mêmes plateaux, il vous dira la même chose. Ce qui est le plus dommage, c’est que ceux qui commencent dans le milieu et qui tombent sur une de ces productions voudront laisser tomber dès le début en se disant que c’est un métier de fou !

Je n’entrerai pas dans les détails, puisque ce n’est pas le but de cette lettre, mais la surcharge de travail afin de ne pas défoncer les budgets dépasse l’entendement. Ceci dit, je crois que c’est une erreur de tout mettre sur le dos de Fabienne Larouche.

La plupart des acteurs et des artisans qui travaillent sur ces productions ragent et pestent après chaque fin de journée, qui finit en pagaille générale afin de ne pas dépasser d’une seconde l’heure de bris de plateau, tout ça pour qu’Aetios ne nous paie pas d’heures supplémentaires.

Tout le monde peste, mais personne ne bouge de peur d’indisposer « Fabienne ». Je crois qu’en restant ainsi silencieux ou anonymes, nous sommes aussi coupables de ce fiasco professionnel. Je ne sais pas si cette réputation qu’elle a de « barrer » les gens qui l’ont contrariée est vraie, mais si oui, alors qu’elle nous « barre » tous ! Arrêtons d’avoir peur… c’est ridicule ! Fabienne Larouche n’est pas Vladimir Poutine, et nous ne sommes pas les Pussy Riot !

Je suis convaincu que, de toute façon, elle ne sait pas exactement ce qui se passe sur ses plateaux, simplement parce que les gens qui travaillent pour elle n’ont jamais eu le courage de le lui dire sincèrement et honnêtement. Eh bien, moi, je te le dis, Fabienne, tes plateaux n’ont aucun sens ! Je suis certain que Radio-Canada et Aetios, en dialoguant avec l’Union des artistes et l’AQTIS, peuvent trouver des solutions qui apporteront un minimum de lucidité à certains et qui feront retrouver l’amour du métier à d’autres.

Mais s’il vous plaît, chers collègues, arrêtons d’avoir peur. On est au Québec, pas au Turkménistan ! Pour changer les choses, il faut parler à visage découvert, et plus nous serons nombreux à le faire, plus nous aurons de chances que cela se produise.

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Alexis Duceppe - Technicien en cinéma

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