Édition du 30 avril 2024

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Élections québécoises 2022

L’ombre de la privatisation plane sur tout notre système de santé et surgit pendant les élections au Québec

La Coalition Avenir Québec (CAQ) mise sur la construction de « mini hôpitaux » ou de gros « Groupes de médecine familiale » (GMF) privés pour accroître l’accès aux soins de santé.

Tiré du site de la Coalition canadienne de la santé.
Anne Lagacé Dowson est la directrice des médias de la Coalition canadienne de la santé

Selon Le Devoir, François Legault, le chef caquiste, promet de lancer un appel de propositions en vue de la construction de deux « centres médicaux privés » : un premier dans l’est de Montréal, où l’hôpital Maisonneuve-Rosemont est surchargé, ainsi qu’un à Québec, où l’Hôpital Saint-François-d’Assise et l’Hôpital de l’Enfant-Jésus sont débordés.

Legault et le ministre de la Santé sortant Christian Dubé ont parlé de construire une dizaine de ces centres médicaux, qui sont, selon eux, inspirés du modèle danois.

La Coalition canadienne de la santé s’oppose à cette façon d’éviter de faire face aux problèmes du système. La Coalition a demandé au leadership fédéral de perturber les plans de privatisation des provinces lors d’une réunion de haut niveau avec les responsables du ministère de la Santé à la fin du mois d’août.

« Je ne suis pas surpris qu’à chaque fois que nous avons des questions d’accès aux soins de santé… de la part du public, la discussion autour de l’évolution vers plus de soins privés revient. C’est comme un manège. Cela revient toujours comme une solution possible, et cela ne fonctionne jamais », a déclaré le porte-parole de la Coalition au Hill Times, qui est largement lu dans les milieux politiques d’Ottawa.

La Coalition a rappelé aux décideurs le désastre qui s’est produit dans les établissements de soins de longue durée du Canada pendant la pandémie – une situation si grave qu’il a fallu faire appel à l’armée lorsque les systèmes de soins de longue durée se sont effondrés, notamment dans les établissements à but lucratif, laissant les résident.e.s âgé.e.s et handicapé.e.s livré.e.s à eux(elles)-mêmes.

  • « C’est comme un manège. Cela revient toujours comme une solution possible, et cela ne fonctionne jamais. »
  • - Steven Staples, Coalition canadienne de la santé

Selon le Dr Bruno Bernardin, médecin spécialiste en médecine d’urgence au Québec, les patient.e.ss attendent longtemps dans son urgence parce que « ..Je n’ai pas de personnel pour m’aider à assurer le processus et le flot des patient.e.s qui entrent ou qui sortent des salles… etc., ça ralentit drôlement le débit tout ça quand on a seulement une demi-infirmière présente qui se partage entre deux fonctions pendant six heures sur un quart de travail ! »

Le Dr Bernardin signale que depuis le début de l’été, les soins intensifs de son hôpital ont dû fermer 50 % de leurs lits, faute de personnel. Selon lui, une bonne partie des patient.e.s qui se présentent à l’urgence le font pour renouveler leurs ordonnances ou parce qu’ils ou elles souffrent de rhumes, et c’est parce qu’environ 2 millions de Québécois.e.s n’ont pas de médecin de famille. Le Québec présente le pourcentage le plus élevé de citoyen.ne.s sans médecin de famille, soit 19 %. Pourtant, les choses se sont nettement améliorées depuis 2015, où 27,8 % des Québécois.e.s n’avaient pas de médecin de famille.

Selon le Dr Bernardin, il est facile de s’occuper de ces patient.e.s qui ont des besoins simples et cela ne prend que peu de temps. Envoyer ces patient.e.s dans un hôpital privé ne changera rien au temps d’attente des patient.e.s qui sont réellement malades et qui ont besoin de soins, de dire le Dr Bernardin.

Ces patient.e.s qui ne sont pas gravement malades attendront peut-être moins longtemps dans un hôpital privé, mais le personnel qui s’occupera d’eux proviendra des hôpitaux où les employé.e.s en ont marre des mauvaises conditions de travail. Donc, ouvrir de tels centres ne fera qu’empirer la pénurie de personnel.

« Trop de personnel, pourtant si nécessaire au fonctionnement de notre système public, ira sans doute travailler au sein du nouveau réseau privé, propre et efficace. Mais, ce faisant, ce personnel ne traitera pas les patient.e.s qui ont besoin d’une hospitalisation, d’une opération ou d’examens 24 heures sur 24, 7 jours sur 7… On le répète : tout se perd, rien ne se crée. » (Dr Bruno Bernardin, Le Devoir, 14 septembre 2022)

De l’autre côté de la frontière provinciale, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, affirme qu’il croit fermement aux soins de santé publics, mais que son gouvernement va « faire preuve de créativité », lorsqu’il examinera la façon dont ces soins peuvent être fournis, alors que la province fait face à une crise de personnel dans les hôpitaux.

Le 12 août, M. Ford a déclaré que « tout est sur la table », lorsqu’on lui a demandé si l’Ontario envisageait de privatiser davantage le système de soins de santé.

La ministre de la Santé, Sylvia Jones, a déclaré que le gouvernement étudiait toutes les options pour améliorer le système de santé, ce qui a suscité des craintes quant à une nouvelle privatisation. Elle a ensuite précisé que ce qui n’est pas envisagé, c’est de demander aux gens de payer de leur poche les services actuellement couverts par le régime d’assurance-maladie de l’Ontario.

La porte-parole du NPD de l’Ontario en matière de santé, France Gelinas, a critiqué l’idée d’une privatisation accrue.

« Ils vont saigner le personnel de nos hôpitaux publics et de nos centres de soins urgents, ce qui aggravera considérablement la crise des soins de santé », a-t-elle mentionné dans une déclaration écrite.

« Si les cliniques privées de chirurgie acceptent votre carte du Régime d’assurance-maladie de l’Ontario pour votre intervention, elles vous facturent votre chambre, les analgésiques que vous prenez, vos repas, la physiothérapie dont vous avez besoin et plus encore. »

Au Nouveau-Brunswick, le premier ministre Blaine Higgs brandit le drapeau de la privatisation également.

Se joignant à la Coalition canadienne de la santé, les Friends of Medicare ont remarqué suite à une rencontre des premiers ministres à Regina, « qu’au cours des deux dernières années, bon nombre de ces premiers ministres ont utilisé la pandémie en cours comme justification pour demander une augmentation inconditionnelle du financement de la santé, tout en poursuivant un programme agressif de privatisation », a déclaré Chris Gallaway, directeur général de Friends of Medicare. La Coalition et les Friends of Medicare croient que la solution serait d’exiger que des conditions soient attachées à tout financement fédéral des soins de santé fourni aux provinces, afin d’assurer la responsabilité et la transparence des dépenses des gouvernements provinciaux.

Anne Lagacé Dowson

Anne Lagacé Dowson est la directrice des médias de la Coalition canadienne de la santé.

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