Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Élections québécoises 2007

La déconfiture du PQ peut-elle aider Québec solidaire ?

Pour une deuxième fois consécutive, le PQ perd non seulement des sièges à l’Assemblée nationale mais aussi des voix au décompte général à l’échelle de la province. Le bipartisme étant la règle dans un mode de scrutin uninominal à un tour, il est à prévoir que la lutte à trois ne durera pas et qu’un des partis sera sacrifié à plus ou moins long terme. Sera-ce le PQ ?

Ça y est, c’est parti, le PQ est sur une pente descendante… Qu’adviendra-t-il de cette ancienne coalition entre forces souverainistes et progressistes des années 1960-70 qui a passé par bien des péripéties : deux Référendum perdus, un (trop) long mandat dans les années 1990-2000 qui a abouti au déficit zéro, avec les retombées que l’on subit aujourd’hui, la gestion désastreuse des forêts, son entêtement à défendre une agriculture industrielle (qui lui a mis à dos les écologistes), finalement, les fusions forcées qui ont terminé le travail de sape entamé depuis le « beau risque » de René Lévesque…

Assistons-nous à la mort lente mais sûre du PQ comme on a assisté à celle de l’Union Nationale ? Qui aurait prédit, dans les années 1950, que le parti de « feu » Maurice Duplessis aurait eu cette destinée ? Trop sûr de lui le PQ ? Probablement… Il a cru à tort pouvoir se « tasser » à droite sans conséquences importantes sur le plan politique et électoral. Les plus clairvoyants de ses membres (SPQ-Libre) ne cessent de le répéter : la souveraineté du Québec sera à gauche ou ne sera pas ! La souveraineté doit être assortie d’un projet social-démocrate, sans quoi elle demeure une coquille vide. La population suivra dans la mesure où ce bouleversement (car c’en est un) équivaudra à un surplus de justice sociale, à une meilleure répartition des richesses, à une plus grande qualité de vie démocratique (réforme du mode de scrutin), etc. Sinon, à quoi bon ?

Le PQ a fait le pari de pouvoir séparer la souveraineté du progrès social ; on connaît la rengaine : indépendance d’abord, socialisme ensuite. Et même plus : souveraineté d’abord, démocratie ensuite (concernant la proportionnelle…). Quelle erreur ! Comment peut-on séparer l’inséparable ? C’est comme dire : économie d’abord, environnement ensuite. On voit les résultats aujourd’hui…

Quel avenir pour le PQ ?

Le projet d’affirmation autonomiste de Mario Dumont, qui nous ramène cinquante ans en arrière, occupera dorénavant la place que revendiquait le PQ depuis déjà plusieurs années : un parti nationaliste situé au centre-droite (même si l’ADQ est encore, pour l’instant, loin du centre, il devra éventuellement s’en rapprocher s’il veut accéder au pouvoir et le garder …). Que reste-t-il ? Une coalition PQ-Solidaire-Vert aurait donné, pour cette élection, une adhésion de 38 % de l’électorat, de quoi dépasser, sinon en députation, du moins en suffrage universel, les deux autres « vieux » partis. Est-ce envisageable ? Le PQ est-il capable d’autocritique, peut-il admettre sa dérive de telle sorte qu’il puisse se ramener plus près de sa base traditionnelle, à savoir, les quartiers populaires, les groupes communautaires, les intellectuel-le-s engagé-e-s dans leur milieu (professeur de Cégeps et d’universités, écrivains, artistes, etc.) ? Rien n’est moins sûr…

De deux choses l’une : ou bien le PQ persiste à vouloir séduire un électorat facilement impressionnable par les apparences de changement, ou bien il renonce à cet illusionnisme et redevient le parti qu’il a été. Dans le premier cas, il risque de disparaître car le populisme sied mal au PQ. Les Landry, Boisclair, Harel n’ont rien du style « campagnard » de Mario Dumont (fort heureusement). Non pas que le PQ soit le parti de l’élite, il a déjà été le parti du peuple québécois mais il le fut de façon « éclairée », en assumant un leadership progressiste, social-démocrate, humaniste, avec d’authentiques préoccupations pour la justice ; son projet consistait dans l’avènement d’un Québec souverain à l’intérieur duquel pouvait régner une certaine détente des relations de travail dans un monde en proie aux tiraillements extrêmes. Ce qui est tout à l’opposé de l’ADQ, amalgame d’opportunistes en mal de tribune pour faire valoir leurs intérêts mercantiles…

Reste la seconde possibilité, la seule viable à notre sens même si amère pour ceux qui croyaient pouvoir jouer dans la cour des grands sans ménager leurs arrières. Cette alternative consiste à retourner à la case départ en tentant d’établir un consensus avec la gauche, les verts, le monde communautaire, le mouvement étudiant, les syndicats, etc. Bref, à renouer avec ce qui le caractérisait en propre, c’est-à-dire, une association de militants et de militantes orienté-e-s vers le changement politique, social, économique qui passe, évidemment, par la souveraineté et/ou l’indépendance...

Passer le flambeau

Pour l’instant, seul Québec Solidaire est porteur de cette alliance possible entre progressistes et souverainistes ; il tente, autant que faire se peut, de reprendre là où le PQ avait laissé, c’est-à-dire de mener à terme ce projet entrepris à la fin des années 1960 d’un pays indépendant qui ne concède en rien sur l’essentiel des valeurs historiques du peuple québécois : solidarité, justice sociale, éducation et santé pour tous et toutes, promotion de sa culture unique en Amérique du Nord (langue, coopératisme, code civil, etc.).

Ses moyens sont, par contre, plus que limités, la classe médiatique le tourne plus souvent qu’autrement au ridicule, la bourgeoisie d’affaires la regarde de façon condescendante, n’y voyant pas de réelle menace pour l’instant, l’intelligentsia, pour sa part, « prédit » (si ce n’est qu’elle « désire ») sa dissolution à plus ou moins brève échéance.
Sans appui substantiel et sans reconnaissance venue d’institutions ou d’individus influents à quelque niveau (ne serait-ce qu’au niveau « idéologique »), la route risque d’être longue et tortueuse pour Québec Solidaire. Il semble que l’histoire et les derniers événements appellent pour l’instant à un rapprochement entre la gauche et le mouvement souverainiste, du moins, à une tentative de dialogue faite dans la bonne foi réciproque. Québec Solidaire a besoin du PQ à cause de son expérience du pouvoir, le Parti Québécois a besoin de QS à cause de sa vitalité, son idéalisme, voire sa « naïveté » porteuse de changement. Il en va à la fois de l’avenir de la souveraineté et de la démocratie fondée sur la Justice sociale…

MARIO CHARLAND
Chargé de cours en philosophie
Trois-Rivières

Mario Charland

De Trois-Rivières.

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