Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Élections québécoises 2007

Québec solidaire et vert

La dualité des points de vue, toujours bénéfique, doit néanmoins être transcendée par une synthèse. Il n’y a pas de doute que le temps de l’action doit suivre celui de la réalisation, pour Québec solidaire, de l’importance que les Québécois accordent à l’environnement. Il est vrai que le parti se dit écologiste, mais il y a une différence entre le dire et le signifier, c’est ce que je tenterai d’argumenter ici : le parti doit marteler jusque dans son nom son adhésion aux idées écologistes.

Le parti qu’est Québec solidaire ne peut pas se dispenser de manifester par plus que la parole son adhésion aux idées vertes, car il est clair, si l’on se fie à l’instinct politique le plus élémentaire, que le symbole lui-même, du mot vert, pousse les gens à voter pour la formation du PVQ, sans peut-être même connaître la profondeur de son argumentaire et de sa plate-forme. Je le dis donc : le nom est un symbole puissant.

L’adhésion aux idées vertes, cependant, doit se faire tout en étant conscient que la dualité classique gauche-droite, sans être dépassée, est intrinsèquement liée aux idées écologistes. Il est en effet évident, que des changements économiques sont nécessaires pour mettre en place une politique verte, et que des changements sociaux seront aussi nécessaires, pour réaliser cet objectif qui est un défi de taille : faire du Québec un État écologiquement viable.

Si donc, les changements sociaux ont une valeur en soi, ici, avec la pression environnementale, ils ont aussi une valeur dérivée, qui vient de la nécessité de changements sociaux pour assurer une transition écologique des sociétés occidentales. Comment, en effet, transformer le système de production sans toucher à la redistribution de la richesse, par exemple ? C’est impossible. S’il y a moins de richesse pour tout le monde, car c’est ce qu’être écologique veut dire du point de vue économique, celle-ci, la richesse, doit être équitablement répartie, de manière à ce que les besoins de tous soient comblés à la mesure de ce qui est essentiel et équitable.

Je dirais même que si la cause écologiste a failli à la tâche, jusqu’à présent, c’est parce qu’elle n’adopte pas cette perspective sociétale globale, mais approche seulement la question de l’angle économique.

La solidarité est nécessaire à la transition écologique

La solidarité est nécessaire à la transition écologique. Après tout, l’écologie c’est la guerre, c’est la guerre pour la survie, et comme à la guerre, il faut se tenir ensemble. La crise écologique est d’une ampleur telle que l’on peut, raisonnablement, la comparer à la guerre. Je dirais même qu’elle est si grande, qu’il s’agit peut-être, Dieu merci, de la troisième guerre mondiale si attendue par les eschatologies de tout genre ! Trêve de plaisanteries, la mobilisation nécessaire pour affronter le défi écologique, est égale, et possiblement supérieure à celle nécessaire à la guerre. Il faut le dire : il n’y a pas de soldats étrangers à nos portes, mais sans contre-attaque efficace et rapide, le monde entrera dans une crise non seulement écologique, mais humanitaire sans précédent.

Déjà, je dirais même, il ne faut pas être sots, il ne faut pas seulement préparer la société écologiste de demain, mais aussi se préparer à affronter les effets écologiques déjà enclenchés. Je peux sembler comme Noé, que personne n’écoutait, soit dit en passant, mais je le dis tout de même avec sérieux, il sera nécessaire, à certaines endroits, peut-être pas trop au Québec, de quitter les lieux trop près des étendues d’eau océaniques, par exemple, et de préparer un déplacement, vers l’intérieur des terres. Bon, il ne faut pas non plus capoter, mais aux États-Unis, il serait peut-être plus intelligent et conséquent de reconstruire ailleurs qu’à la Nouvelle Orléans. On devrait peut-être, aux États-Unis, recommander aux gens, et y mettre des incitatifs, pour les encourager à s’établir ailleurs que sur les rives marines. On verra bien si on doit les déplacer, mais sachant que le niveau de la mer risque de monter, il serait idiot de continuer à construire à six pieds sous eau.

Bon, cet exemple, extérieur au Québec, n’est qu’illustratif, mais le Québec a aussi des responsabilités, en tant que nation polluante d’Occident, envers les nations qui elles, écopent des externalités écologiques occidentales. En plus d’augmenter la contribution de la nation québécoise au développement international viable, il conviendrait, de mettre en place des structures pour répondre aux crises humanitaires d’origine écologique.

Il convient de rappeler que les victimes de toutes les guerres sont avant tout les pauvres, et que ce sera la même chose dans la crise écologique qui se profile à l’horizon. Ce sera la même chose, tant entre les nations qu’à l’intérieur des nations. Ce sera la même chose, du moins, s’il n’y a pas de mesures en place pour remédier aux problèmes inévitables de ces crises. Je suggère donc de mener, quand même !, une guerre propre contre la crise écologique, en faisant politique et principe de la solidarité.

La crise écologique, crise qu’elle soit, n’est cependant pas une crise de choc, comme la guerre ; c’est une crise de civilisation, de longue haleine, de transformation. Il est important de réaliser que ce changement, la transition, tout d’abord, est une transition de société, de civilisation, et ensuite, qu’elle doit donc, en conséquence, se faire dans un esprit de conviction et avec une détermination particulière.

Comme à la guerre, il faut se méfier des ennemis internes, ceux qui, en l’occurrence, minent le développement des sociétés écologiquement viables. Il importe de contredire les discours aliénants, comme celui des États-Unis, notamment, mais aussi d’y opposer une résistance légitime et nécessaire. Les nations polluantes qui ne se reconvertissent pas ne peuvent pas bénéficier du même traitement que ceux qui s’évertuent à se reconvertir.

La solidarité, entre les nations vertes, devra se faire, entre autres, sur le fondement de cette volonté commune à défendre une économie écologiquement viable et durable. Il n’est donc pas question d’accorder le même statut à un pays qui va contre le développement viable et à un autre qui ne veut rien savoir. La guerre, il faut la mener aussi sur ce front, d’où l’importance de se doter de lieux communs, d’institutions mondiales aptes à faire face à la crise et à institutionnaliser une solidarité verte.

La guerre écologique : un guerre contre l’empire du malécologique

Je ne nommerai pas l’empire duquel nous faisons partie, mais disons tout de même, qu’en tant que voisin immédiat et à la frontière perméable, nous en faisons partie. C’est avec un poing féminin, et une verve persane, que nous devons nous attaquer à cette satanique maison qui n’a de blanche que sa peinture. Je le dis : l’évitement de la question n’est plus à l’ordre du jour, et la solution, c’est que l’abeille du Québec pique l’éléphant, ou l’âne (1), ou les deux, d’une piqûre des plus redoutables. Je ne nommerai pas non plus le nom de cette piqûre, mais disons que les abeilles, dans mon pays, sont des abeilles indépendantes. Et le miel de l’indépendance, c’est la révolution.

Je le dis donc, être vert ne veut pas dire être indépendantiste, mais être indépendantiste, veut ipso facto dire, dans mon livre à moi, être révolutionnaire. Je rejette donc la thèse implicite de la séparation culturelle, à fondement ethnique, pour y préférer la rupture sociétale sur le fondement révolutionnaire. L’indépendance-révolution, voilà l’étendard que le Québec solidaire et vert doit porter, et cette révolution, doit être multidimensionnelle. Elle ne comporte pas que des éléments de révolution économique verdissante, mais aussi des éléments de démocratisation radicale des structures politiques, et de solidarité sociétale obligée, mais aussi désirée et légitime, pour faire de nos sociétés des sociétés de survie et de développement intégral de l’humain.

Je dis « nos sociétés », car le projet ne doit pas être un projet nationaliste, mais plutôt un projet humaniste, et s’adresser, en tant que partenaire, aux autres sociétés qui désirent et ont la conviction qu’il faille aller dans le même sens. Ironiquement donc, l’indépendance sera un moyen de tisser des liens, officiels et politiques, avec d’autres nations, et de se réunir, d’égal à égal, pour décider des questions qui nous occupent et nous préoccupent.

Il n’y a pas de doute que ces liens se feront de diverses manières, et avec divers partenaires, ici comme ailleurs, mais j’aimerais que le Québec puisse offrir quelque chose d’original, comme un mouvement à la fois social, ce qu’exprime le terme « solidaire », et écologiste, ce qu’exprime le terme « vert ». Les petites nations ont toujours été le foyer de l’expérimentation et de l’innovation. Que le Québec devienne donc le foyer de cette expérimentation, c’est l’idée que je soumets. C’est l’idée qui me semble la plus importante, peut-être avec celle d’écocologie, mais il y a des termes, qui, semble-t-il, ne s’agencent pas sans faire rire…

L’idée d’intégrer les sciences économiques et écologiques en une seule n’est pas une idée sans précédent. Pensons à Hermann Dali, prof d’administration publique, qui affirme que l’ère de l’économie classique a été dépassée, et qui tente, avec succès je crois, de refondre les deux perspectives du savoir en une économie écologique. Pensons à la notion de biens et de services environnementaux, ces « ecological goods and services », et ces tentatives, dans le domaine écologique de faire sens des ruptures entre les domaines compartimentés du savoir humain.

L’anglais me semble être un prétexte, justifié, pour mentionner que beaucoup des productions intellectuelles dans ces milieux sont tirées des Américains, et que, bien franchement, les anglophones me semblent avoir une fibre écologiste plus développée que les francophones. Ceci, au Québec, pose un léger problème, tout politique.

En effet, l’on peut voir au Parti Vert du Québec un parti avec une philosophie politique moins définie qu’ailleurs, mais tout de même avec une intention et une volonté de porter au niveau politique les préoccupations vertes. En revanche, Québec solidaire ne se fera pas un parti de droite ou de centre-droit pour intégrer un autre parti en son sein, s’il y a fusion.

Aussi, le leadership de Québec solidaire, disons-le, je ne suis pas membre du parti, mais c’est évident, est beaucoup plus solide et crédible. Je ne crois donc pas qu’il soit possible, avec le leadership actuel de l’autre parti vert du Québec, de procéder à une fusion. Je ne dis pas que les transfuges, qui veulent défendre à la fois des idées vertes et les idées solidaires, ne sont pas les bienvenus, mais je dis que la fusion, à moins d’un changement d’attitude, n’est pas envisageable (2).

Ceci dit, il faut aussi mentionner que défendre des idées vertes, avec une perspective plus économiste, pragmatiste, et possiblement opportuniste, politiquement, c’est aussi faisable, mais QS ne s’abaissera pas à ce niveau, car c’est un parti qui a quand même des idées claires de la société qu’il envisage, bien que la dimension écologique, je l’avoue, est présentement plus développée, je crois, au PVQ. Il faut donc un effort pour « regaillardir » QS, mais sans pour autant faire de la fusion une pré-condition. Je ne dis pas non plus qu’une fusion ne serait pas la bienvenue, mais je dis que QS doit, fusion ou non, changer son nom.

Il est aussi possible que QSV doive accepter, plus ouvertement, que des tendances écologistes, sans être indépendantistes, puissent intégrer ses rangs, que des tendances progressistes, même si elles ne sont pas indépendantistes, puissent aussi intégrer ses rangs, et finalement, que des tendances indépendantistes, même si elles ne sont pas progressistes, puissent former alliance avec QSV pour former un gouvernement, ou mener une campagne référendaire. Il me semble évident, quoique l’on puisse critiquer vertement et solidairement cette formation, que, pour l’instant, le PQ est l’allié naturel de QSV dans un gouvernement de coalition en régime proportionnel.

Le Parti Vert aussi, ce qu’il en restera s’il n’y a pas de fusion, doit aussi être vu comme un allié naturel, en cas de gouvernement de coalition. Je ne crois pas qu’une formation comme le PVQ doive disparaître, mais s’ils veulent prendre le parti plus clairement des fédéralistes, ou rester « pragmatiques » – je ne dis pas opportunistes, pour ce qu’il en est de la direction, bien que ma langue se délie ici un peu – reste néanmoins qu’il est légitime que QSV lui fasse la compétition sur un terrain qui l’intéresse tout autant, avec un projet de société plus défini.

Ceci dit, je l’admettrai, l’idéal resterait, pour QSV, de pouvoir en intégrer une frange substantielle, en allant chercher surtout les jeunes, qui ont souvent plus d’idées, et de conviction, que les directions, bien qu’il ne faille pas généraliser. Je rappellerai au PVQ que mon jugement peut sembler sévère, mais je ne suis membre d’aucun parti politique, et ai réfléchi, à l’idée de joindre le Parti Vert du Québec, j’y réfléchi encore, mais ce sera, si ce doit être fait, pour défendre le camp de la fusion.

Noé Laberge

(1) L’éléphant et l’âne sont les animaux fétiches des républicains et des démocrates.
(2) J’aimerais mentionner que je n’ai rien contre les militants du PVQ, qui me semblent, pour ceux que je connais, bien sympathiques et bien intentionnés. Cependant, il me semble que la direction de ce parti, en particulier M. Mckay, ont manqué de réserve ou de civilité lorsqu’il a comparé QS à une mouche qui lui tourne autour de la tête, par exemple : Ce type d’attitude, à vrai dire, manque tout simplement de respect. C’est ce qui me fait dire que la réplique d’Amîr Khadîr, qui dénonçait l’opportunisme des verts, ou de son leader, était justifiée. Il faut cependant bien distinguer entre les militants, sincères, et ce qui me semble, personnellement, relever de la politicaillerie hautaine et inacceptable.

Référence sur le propos de M. McKay : http://www.ledevoir.com/politique/blogues/elections2007/2007/02/23/Le-chef-du-Parti-vert-du-Quebec-entend-une-mouche-voler.html

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