Édition du 30 avril 2024

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Arts culture et société

Notre Royaume n'est pas de ce monde

L’écrivaine, franco-américaine, Jennifer Richard , Prix Ivoire 2023 pour son roman" Notre Royaume n’est pas de ce monde" répond aux questions de Feguerson Thermidor, directeur harique littéraire.

Feguerson THERMIDOR : Vous avez remporté le prix Ivoire cette année pour votre roman : "Notre Royaume n’est pas de ce monde", quel sentiment ressentez-vous ? Et parlez-nous de ce roman ?

Jennifer RICHARD : Ce fut une grande surprise pour moi de voir mon livre récompensé par un prix en Côte d’Ivoire. Savoir que ce livre est lu loin de chez moi m’honore grandement. Et il me semble que cela fait sens, dans la mesure où je m’efforce, par mon travail, de participer à la décentralisation culturelle.

F.T : Vous êtes franco-américaine, d’origine guadeloupéenne par votre mère et normande par votre père, comment toutes ces origines ont-elles contribué à votre carrière d’écrivaine ?

J.R : Mes origines, ainsi que mes liens avec les territoires français d’outre-mer, ont contribué avant tout à faire de moi une citoyenne critique. Découvrir mon propre pays par les extrémités plutôt que par son centre politique m’a influencée sans que je m’en rende compte, pendant longtemps. Aujourd’hui, si je suis si attentive à la façon dont se déploie la démocratie à la française, je sais que c’est grâce à ces liens. Le regard que je porte sur l’histoire, et que je transcris dans mes livres, est la continuité de mon regard de citoyenne.

F.T : Votre roman se déroule sur plusieurs continents, Amérique, l’Afrique, l’Europe, etc., comment êtes-vous parvenue à camper ces personnages ayant des traits culturels différents pour enfin donner ce bel ouvrage littéraire ? Était-ce un travail aisé pour vous ? Peut- on parler d’un roman complexe ?

J.R : Le travail aurait été colossal si je ne l’avais pas dompté dès l’abord. Je travaille avec méthode, depuis toujours, quoi que je fasse. Mes études de droit ont sans doute figé la rigidité de ma discipline. Je rassemble les sources, lis les documents glanés, parcours livres, articles et photos, dresse un plan détaillé, chapitre par chapitre, élabore un arc de dramaturgie. Quand tout cela est effectué, je commence à rédiger. Il m’a fallu cinq ans pour les recherches et la rédaction de mes trois livres sur l’impérialisme (Il est à toi ce beau pays, Le diable parle toutes les langues, et Notre royaume n’est pas de ce monde).

F.T : Vous avez publié en 2018 aux éditions Albin Michel : "Il est à toi ce beau pays", par rapport à la multiplicité de vos origines, quelle place occupent la langue et la notion d’ethnie dans vos romans ?

J.R : "Il est à toi ce beau pays" est la première partie d’un long récit, qui se termine avec Notre royaume n’est pas de ce monde, bien que les deux parties puissent se lire indépendamment. Cette longue histoire, qui court de 1873 à 1916, est commentée par des chef d’Etat ou des intellectuels qui ont été assassinés pour leurs idées ou leurs actes entre 1830 et 2011. Le récit au premier niveau se déroule sur trois continents, les protagonistes sont originaires de nombreux pays. Sexe, religion, nationalité ne comptent pas. Race et ethnie, encore moins. Ce sont les idées qui sont mises en commun, échangées, discutées, contrées et appuyées par les uns et les autres. La Révolution, oui, mais laquelle ?

F.T : Pourrait-on dire que vous êtes dans un réalisme merveilleux ?

J.R : Je serais ravie qu’un lectorat haïtien décèle un réalisme merveilleux dans certains chapitres du livre. Oui, certains passages "décrochent" de la narration classique et mêlent rêve et réalité, sans que je détermine une frontière précise. J’invite parfois le lecteur à admettre une réalité parallèle, un glissement vers un autre monde, qui influerait sur le nôtre.

F.T : Comment vous voyez la littérature dans la vie des gens ??? Pensez-vous que cela sauve des vies ?

J.R : La littérature n’est pas assez présente. Elle ne l’a jamais été et ne le sera jamais. Mais il faut peut-être accepter qu’elle soit une porte difficile à ouvrir pour beaucoup de personnes, qu’elle soit même invisible. Sauver des vies... qui a ce pouvoir ?

Propos recueillis par Feguerson Thermidor
Écrivain-poète
Directeur Hafrikque littéraire

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