Édition du 30 avril 2024

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Économie

ONU : Contribution du CADTM sur l’endettement privé et les droits humains

Le micro-crédit

Le microcrédit consiste en l’attribution de prêts de faibles montants à des entrepreneurs ou à des artisans qui ne peuvent pas accéder aux prêts bancaires « classiques ». Le microcrédit s’est développé surtout dans les pays du Sud et s’adresse aux personnes les plus pauvres et exclu.e.s du système bancaire.

photo et article tirés de NPA 29

Rien qu’en 2014, les institutions de microfinance (IMF) ont accordé 87 milliards de dollars de microcrédits à environ 111,7 millions de personnes dans le monde pour un montant moyen de 718 dollars. 81 % des bénéficiaires de ces microcrédits étaient des femmes [11].

81 % des bénéficiaires de ces microcrédits étaient des femmes

Or, force est de constater que les microcrédits sont loin de booster l’entrepreneuriat local, mais permettent dans la plupart des cas de résoudre des problèmes de la survie quotidienne : loyers ou garantie locative à payer, frais liés à la scolarité des enfants, frais liés à des soins de santé, etc. Ce qui accentue en réalité la vulnérabilité et la pauvreté des personnes qui les contractent.

C’est le cas du Maroc, où le modèle de microcrédit a été encouragé par l’État, via des finance-ments publics, depuis le milieu des années 1990. Ce type de crédits vont de 500 dirhams à 50 000 dirhams (entre 52 et 5 200 dollars environ) à un taux d’intérêt moyen de 35 % mais qui peut aller largement au delà en fonction du montant emprunté [12].

Les IMF envoient leurs rabatteurs dans les villes, les villages, les souks pour faire du porte à porte dans les quartiers les plus pauvres où la majorité des personnes n’a pas de revenu régu-lier, est souvent analphabète et pas du tout familiarisée avec le monde de la finance.

Ils proposent des contrats particulièrement difficiles à comprendre pour de non-spécialistes, rédigés en petit caractère, sans explication pour les différentes rubriques. De plus, les taux d’intérêt effectif annuels – s’élevant entre 30 et 35 % – sont souvent occultés (au profit du taux mensuel entre 1,5 et 3,5 %). Or, les taux annuels sont particulièrement élevés surtout pour des personnes démunies n’ayant pas accès à des prêts bancaires courants (qui au Maroc fluctuent entre 6 et 7 %) [13].

En Colombie, les taux d’intérêt des microcrédits oscillent entre 30 et 50 %

En Colombie, les taux d’intérêt des microcrédits oscillent entre 30 et 50 % et des taux variables avec indexation tous les 3 mois sont également admis par le gouvernement [14]. Dans le pays latino-américain, le volume total des microcrédits est passé de 136 millions de dollars en 2002 à 3 800 millions en 2016, soit une croissance annuelle de 28,1 %.

En 2015, le rendement sur fonds propres (ROE) était phénoménal : Bancamia atteignait 11,7 %, la Banque mondiale des Femmes (WWB) 9,1 % et la banque Monde féminin (Mundo Mujer) 21 % (ce qui largement supérieur aux résultats de grands banques comme Goldman Sachs) [15].

A ces profits croissants s’oppose une paupérisation des populations : en Colombie 32 % des clients sont surendettés et ont dû demander une restructuration de leurs micro-dettes. En Afrique du Sud, les clients de microcrédit consacrent jusqu’à 40 % de leur revenu à rembourser des emprunts.

Le Bangladesh est un autre pays où le microcrédit est très développé

Sur une population de 160 millions d’habitants, en 2015, des microcrédits étaient octroyés à 29 millions de personnes pour un montant moyen de 200 euros. Le taux d’intérêt réel varie entre 35 % et 50 % (si on prend en compte les commissions officielles prélevées) [16].

Tous ces exemples nous démontrent que si les sommes prêtées sont dans la plus part des cas modestes, il y a une logique spéculative derrière ces prêts (illustrée par les taux d’intérêt usu-raires qui les accompagnent) qui devrait être interdite si on veut assurer l’accès au crédit pour les personnes à faibles revenus.

Cette négation du droit à l’accès au crédit s’accompagne d’une culpabilisation des personnes surendettées. L’enquête menée par CADTM ATTAC Maroc dévoile un taux d’échec de remboursement des micro-crédits de plus de 75% dans le pays [17].

Comme en témoigne l’association : « C’est alors que commence la spirale du non-paiement des échéances, et les pratiques de harcèlement de la part des agents des IMF qui peuvent aller jusqu’à la violence physique ou morale, la saisie des biens, la mise en œuvre de procédures judiciaires expéditives ». Les pratiques de harcèlement de la part des agents des IMF qui peuvent aller jusqu’à la violence physique ou morale, la saisie des biens, la mise en œuvre de procédures judiciaires expéditives

Au Bangladesh, comme une grande partie des débiteurs n’a pas de propriété immobilière, la dépossession ne porte pas sur la terre ou le domicile, mais sur la garantie de 30 % que la débitrice a dû déposer auprès de l’agence de microcrédit.

A cela se rajoute la problématique de genre. Via les microcrédits, les IMF ont poussé les femmes à s’insérer dans le marché de l’emploi, notamment dans les secteurs tournés vers l’exportation (zones franches, textile, agriculture sous serre) et peu rémunérés, profitant de leur inexpérience du marché et du monde du travail, du manque d’acquis concernant leurs droits, de leur analphabétisme.

Tout cela se traduit alors par un allongement de leur journée de travail, une surcharge de stress, de fatigue, une exacerbation de la violence conjugale, et dans bien des cas la déscolarisation des enfants, la prostitution et des suicides ou tentatives de suicide [18].

La logique de Banque mondiale et de son Groupe Consultatif pour l’Assistance au Plus Pauvres (CGAP), à l’origine des projets de micro finance, était celle d’inclure les couches le plus pauvres dans le marché. Des études nous démontrent que ces projets au lieu de combattre la pauvreté et le surendettement des ménages du Sud ne font que l’augmenter.

15 novembre par Chiara Filoni , Eva Betavatzi , Mats Lucia Bayer

http://cadtm.org/

Chiara Filoni

Permanente au CADTM Belgique.

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