Édition du 30 avril 2024

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Arts culture et société

Portrait. MC Millaray, rappeuse chilienne engagée pour les droits des Mapuche

À 17 ans, la rappeuse mapuche chilienne MC Millaray propage dans ses textes la lutte centenaire de son peuple pour le droit à la terre. Ses concerts ont accompagné la campagne du président de gauche Gabriel Boric. Et elle enregistre actuellement son premier disque professionnel, entre New York et Santiago.

Tiré de Courrier international.

Elle porte de longues tresses, son nom tatoué sur sa main droite et de la furie dans la voix.

À 17 ans, Millaray Jara Collío, alias MC Millaray, est la rappeuse qui monte au Chili. Elle chante dans un mélange d’espagnol et de mapudungun, la langue des Mapuche – peuple autochtone réparti entre l’Argentine et le Chili. “Avec ses mots composés, ses diérèses [prononciation en deux syllabes d’une séquence de voyelles], ses accents et ses ‘w’, le mapuche ancestral paraissait pourtant spécialement compliqué pour les rimes”, s’étonne le quotidien argentin La Nación.

Fleur d’or

Ce n’est pas un problème pour Millaray, dont le prénom signifie “Fleur d’or”. “Aux quatre vents je veux le crier : le peuple mapuche je vais représenter, mes terres ancestrales doivent se réveiller.

Ce peuple préhispanique représente, du côté chilien des Andes, 9 % des presque 20 millions d’habitants. Vivant dans le sud du pays – principalement dans les régions pauvres de Patagonie comme l’Araucanie et le Biobío –, les Mapuche réclament la restitution de leurs terres ancestrales, appelées “Wallmapu”, qui s’étendent de la côte pacifique chilienne et des Andes jusqu’aux côtes atlantiques argentines. Si la contestation est assourdie du côté argentin, elle est de grande intensité au Chili, où le Wallmapu est aujourd’hui aux mains d’entreprises forestières et agricoles. À la fin de 2021, l’armée a été envoyée sur la zone après que des groupes radicaux ont bloqué des routes, et incendié des habitations, des récoltes et des machines agricoles. Sept personnes sont mortes. The New York Times énonce : “Pour certains, c’est la plus grande dette du Chili. Pour d’autres, une impasse qui dure depuis des siècles sans solution claire.”

Millaray n’a pas grandi sur les terres de ses ancêtres mais dans une banlieue pauvre de la capitale, Santiago, où les graffs couvraient les murs, et où le hip-hop et le reggaeton étaient partout. Enfant, elle n’aimait rien de plus que les vacances d’été en Patagonie chez son arrière-grand-mère, qui lui a appris le mapudungun. “Quand j’arrivais au Wallmapu, je me remplissais de liberté et de paix, déclare-t-elle au quotidien new-yorkais, dans son édition en espagnol. J’y apprenais qui je suis et ce que je représente, ce qui coule dans mes veines. […] Je me rendais compte du peu que je connaissais sur cette lutte qui est la mienne.”

Conjuguer de nombreuses sonorités

Millaray a commencé à chanter à 5 ans, et à 7 ans elle avait déjà écrit et enregistré son premier album artisanal, Pequeña Femenina (“Petite femme”), dont elle vendait les copies dans les bus de la capitale avec son père. Elle n’a plus jamais arrêté de chanter, avec force et rage. “Parfois je me sens comme une petite fille, je joue, je m’amuse, je ris”, confie-t-elle au New York Times.

  • “Mais sur scène, tout ce que je dis, je le dis en rappant. Ça me libère. Quand j’ai un micro en main, je suis une autre personne.”

Et lorsque l’estallido, cette grande vague de manifestations contre l’injustice sociale, a déferlé sur le Chili en 2019, Millaray était de toutes les mobilisations. La Nación analyse : “Elle résume l’esprit de l’époque en conjuguant des trompettes aux résonances apocalyptiques et l’afafan, le cri de guerre mapuche.”

“Que chaque rime ait un message”

Après la victoire de la gauche et du jeune président Gabriel Boric, elle devient célèbre en clôturant les meetings de campagne pour la nouvelle Constitution populaire. Celle-ci aurait notamment pu accorder aux Mapuche l’autorité pour gouverner leurs propres territoires, ainsi que plus d’autonomie judiciaire, et elle les aurait reconnus comme nation autonome au sein du Chili. Le projet a largement été rejeté en septembre dernier, mais pour Millaray la lutte continue.

Après un concert à Times Square durant la dernière Semaine pour le climat, elle est actuellement en train d’enregistrer son premier album en studio professionnel, entre Santiago et New York. “Je veux toucher un public plus large, dit-elle au journal américain, mais je veux que chaque rime ait un message. Je ne veux pas faire de la musique juste pour faire de la musique.”

Courrier international

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