Édition du 23 avril 2024

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Tous fous ? L’influence de l’industrie pharmaceutique sur la psychiatrie

Une personne en deuil souffrirait de « dépression majeure » si elle n’arrive pas à surmonter son chagrin après deux semaines. Une personne très timide serait atteinte de « phobie sociale » et un enfant qui conteste les adultes et les règles serait taxé de « trouble oppositionnel avec provocation ». Sommes-nous tous devenu fous ?

En 60 ans, le nombre de troubles mentaux répertoriés dans le DSM, la « bible » des psychiatres, est passé de 60 à plus de 400 alors que la consommation de psychotropes a augmenté de 4 800 % aux États-Unis au cours des 26 dernières années. Or, cette épidémie de « maladies mentales » est très largement fabriquée, nous explique J.-Claude St-Onge dans cet essai sur l’influence démesurée de l’industrie pharmaceutique sur la psychiatrie.

La biopsychiatrie prétend que la détresse psychologique résulterait d’un déséquilibre chimique dans le cerveau. Mais on ne connaît pas les causes exactes de la « maladie mentale » et le DSM reste muet sur les causes des troubles mentaux. Il se concentre exclusivement sur les symptômes, ce qui offre un potentiel immense de traitements inappropriés. Car l’exploitation du mal-être est extrêmement lucratif et les compagnies pharmaceutiques sont prêtes à tout pour satisfaire l’appétit insatiable de leurs actionnaires au détriment de la santé publique : médicalisation des événements courants de la vie, essais cliniques biaisés, corruption des médecins, intimidation des chercheurs, infiltration des ordres professionnels… Même les amendes salées contre ces agissements ne les font pas reculer.

Ceci n’empêche pas les fabricants de proposer des traitements qui ont le potentiel de transformer votre vie en cauchemar, quand ils ne vous expédient pas dans l’au-delà avant terme. Car la liste des effets toxiques des neuroleptiques et des antidépresseurs fait frémir : diabète, AVC, maladie de Parkinson, pensées suicidaires, atrophie du cerveau… S’ils peuvent être utiles pour résoudre une crise, ces médicaments ont des effets destructeurs sur le long terme.

Il est temps de remettre en question cette cure chimique tous azimuts. Elle sort l’individu de son contexte social et personnel, stigmatise et déshumanise la détresse psychologique et coûte des fortunes au système de soins de santé. En traitant le problème dans une très large perspective, J.-Claude St-Onge livre ici un plaidoyer rigoureux et nécessaire sur une folie qui, comme le disait Foucault, n’existe que dans une société.

La détresse et la misère psychologique ne sont pas les problèmes des autres et ne doivent pas être laissés aux experts. […] Ce sujet touche directement les gens de notre entourage qui se trouvent dans un moment de grande vulnérabilité au cours de leur vie. Les « usagers » des services en santé mentale ne sont pas des bénéficiaires, des clients ou des fous, mais des humains.

J.-Claude St-Onge est professeur de philosophie à la retraite et détient un doctorat en socio-économie. Il est l’auteur de Dieu est mon copilote, L’imposture néolibérale, L’envers de la pilule et Les dérives de l’industrie de la santé, chez Écosociété.

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