Édition du 7 mai 2024

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Suspension de deux employés par la SAQ

Obligation de loyauté ou liberté d'expression ?

Votre courrier : Lawrence Griffin

La semaine dernière, on apprenait que deux employés de la Société des alcools du Québec, MM. Pierre Roy et John Brewster, étaient suspendus respectivement 6 mois et 3 mois sans solde, pour avoir parlé contre l’employeur, le premier dans une lettre ouverte dans le journal "Le Devoir" et le second dans un forum de discussion du site "Cyberpresse".

À l’annonce de la décision de la SA, plusieurs se sont indignés de cette décision et l’ont dénoncée comme atteinte à la liberté d’expression. La SA s’en est défendue prétextant que la question de loyauté envers l’entreprise était plus importante que le droit à la liberté d’expression.

Mais d’où vient cette fameuse notion de loyauté révendiquée par l’employeur ? Il n’en est fait aucunement mention dans le Code du travail du Québec. En fait, la notion de loyauté est prévue par le Code civil du Québec à l’article 2088 qui stipule que :

"Le salarié, outre qu’il est tenu d’exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail.

"Ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent en tout temps lorsque l’information réfère à la réputation et à la vie privée d’autrui."

Si l’on prend l’article et qu’on l’applique à la lettre, oui, on peut considérer que les employés sont fautifs, et ils méritent peut-être des mesures disciplinaires, mais l’employeur est-il allé trop loin dans l’imposition de ces mesures disciplinaires ? Ne doivent-elles pas être données de façon équitable et progressive ?

De l’aveu même de la direction de la SA, elle aurait pu congédier M. Roy au lieu de lui donner une suspension de 6 mois sans solde, et la seule raison pour laquelle elle ne l’a pas fait, c’est que M. Roy a plus de 30 ans de service.

Toujours selon la SA, il n’existe qu’une seule exception au devoir de loyauté, c’est lorsqu’un employé "est témoin de situations frauduleuses ou illégales et qu’elles sont d’intérêt public ( contrevenir à la loi par exemple )". Dans de tels cas, l’employé doit tout de même dénoncer toute situation qui pourrait être jugée "illégale" à l’interne, avant d’y aller d’une dénonciation publique.

Des griefs ont sûrement déjà été déposés par le syndicat pour contester les suspensions, on peut douter que la Société maintiendra sa décision, considérant toute la mauvaise publicité qu’elle a eu au cours des derniers mois, et qu’elle se servira de ces cas comme exemples. Il sera alors intéressant de voir ce qu’un arbitre de griefs rendra comme décision dans ce dossier.

Mots-clés : Québec

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