Édition du 30 avril 2024

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Arts culture et société

Le bon, la brute et le truand

D’un point de vue cinématographique, on pourrait aborder ainsi la manière dont Hollywood traite du conflit israélo-palestinien. Le bon (les États-Unis), la brute (Israël) et le truand (La Palestine). Ce qu’il y a de particulier dans ce cas, c’est que le bon et la brute sont d’indéfectibles alliés, le bon (les États-Unis) s’avérant le continuel protecteur de la brute « au grand coeur » (Israël) contre les les scélérats (les Palestiniens et Palestiniennes).Ces derniers jouent malgré eux le rôle du méchant, que leur imposent le bon et la brute.

La classe politique américaine et la caste des producteurs hollywoodiens possèdent une chose en commun : une profonde hostilité envers la cause palestinienne. Les politiciens et politiciennes américains s’efforcent de la noyer dans un silence méprisant, alors que les seconds la dénigrent tout en portant Israël aux nues.

On ne trouve aucun exemple de film pro-palestinien « made in Hollywood ». Pendant longtemps, les films hollywoodiens réalisés au sujet du conflit israélo-palestinien ont toujours affiché (c’est le cas de le dire) un fort parti-pris en faveur d’Israël, « les Arabes » étant présentés comme d’impénitents terroristes,du moins leurs combattants. Dans aucun d’entre eux, la résistance palestinienne n’est présentée comme un mouvement de libération nationale, mais toujours comme une variante de cette catégorie fourre-tout appelée « terrorisme ».

Des exemples ? « Raid sur Entebbe » (1977, par Irwin Kershner), « Munich » (2005, par Steven Spielberg, sur l’exécution de 12 athlètes israéliens aux Jeux Olympiques de Munich par des combattants palestiniens en 1972)) entre autres, pour le dénigrement des Palestiniens. Par contre, les productions pro-israéliennes ne manquent pas : d’« Exodus », (1960, par Ottto Preminger) à « Munich », en passant par « Le choix de Sophie » (1982, par Alan J. Pakula). Cette dernière production traite d’un épisode de l’Holocauste il faut le reconnaître mais il vise aussi indirectement à légitimer l’État hébreu en présentant encore une fois juifs et juives comme d’éternelles victimes.

Mais on ne compte aucun équivalent pro-palestinien à Hollywood. Pourrions-nous parler de censure dans ce cas ? En est-il ainsi parce que des producteurs, réalisateurs, réalisatrices, acteurs et actrices américains sont d’origine juive ? Le parti-pris fanatique de la classe politique américaine en faveur d’Israël se répercute-t-il sur Hollywood qui lui servirait en quelque sorte de chambre d’écho sur ce point ?

Dans ce dossier épineux, on constate une triste ironie : on dénombre bien des films hollywoodiens dénonçant les abus du pouvoir américain en place, producteurs et surtout réalisateurs se targuant assez souvent d’humanisme, de défense des perdants et perdantes de « l’american dream » et même plus récemment des Indiens et Indiennes.

De nos jours, depuis les grandes contestations de la fin des années 1960 et depuis le film de Kevin Costner « Danse avec les loups » (1990), on remarque la montée d’un courant indianiste, après des décennies de mépris. Si les Indiens étaient auparavant présentés au grand comme au petit écran comme des hystériques emplumés, peinturlurés, attaquant en hurlant et en brandissant des tomahawks de pacifiques caravanes de pionniers,de pareilles productions seraient aujourd’hui impensables, Hollywood redoutant beaucoup trop les accusations de racisme anti-indien qui s’ensuivraient.

Peut-on espérer une évolution similaire en ce qui concerne les Palestiniens et Palestiniennes ? C’est plausible, mais cela ne semble pas imminent. Du moins, aucune protestation contre le racisme larvé dont les Palestiniens et Palestiniennes sont l’objet ne s’est encore faite entendre dans le milieu hollywoodien. Peut-être plusieurs réalisateurs, réalisatrices, acteurs et actrices craignent-ils pour leur carrière s’ils s’aventurent à élever le ton sur cette question. Pourrait-on alors qualifier leur attitude de lâche ?

En tout cas, aucun film américain n’a jamais dénoncé l’oppression du peuple palestinien de la part des gouvernements israéliens successifs ni les tueries de Palestiniens (y compris souvent des femmes et des enfants) par l’armée ou l’aviation israéliennes.

Il est possible qu’un jour, on assiste à un retournement de situation et que, ô miracle, un film à grand déploiement ose enfin clouer au pilori l’inacceptable traitement dont les Palestiniens font l’objet. Mais il risque alors d’être trop tard. Il est facile de nos jours d’appuyer les Indiens et Indiennes, maintenant que tout est terminé depuis longtemps, que les Premières Nations ont perdu presque toute souveraineté et sont confinées dans des réserves.

Attend-on une capitulation formelle de la Palestine pour réaliser enfin des films en sa faveur ? Les Américains sont très capables d’avouer leurs torts... quand il est trop tard pour les perdants et perdantes. Mais c’est maintenant qu’il faut agir, et la culture cinématographique est une façon d’agir.

Jean-François Delisle

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