Édition du 7 mai 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

La précaution a bien meilleur goût

J’ai lu le texte de M. Charles Côté, publié dans La Presse du 9 décembre dernier [1]. L’article fait état d’une étude hydrogéologique d’une centaine de pages et dont l’auteur principal est Daniele Pinti, professeur à l’UQAM. À partir de données provenant de 130 puits, une carte du méthane dans l’eau fut produite.

Est-ce une bonne chose de caractériser la « sorte » de méthane qui peut être dissout dans l’eau ? Comme dirait Yvon Deschamps, qu’ossé ça donne ? En fait, tout ce que ça permet : c’est de savoir si on s’est fait « fourré » d’aplomb après la contamination de notre eau par les gazières ou pétrolières !

Sauf une infime minorité, très peu de citoyens connaissent la distinction entre le méthane « biogénique » et le méthane « thermogénique ». Le méthane biogénique est le résultat d’une dégradation de la matière organique par des bactéries, c’est le cas du méthane dégagé dans les marais. Comme image, on peut dire que c’est du méthane « neuf ». Par opposition, le « thermogénique » est le résultat d’une dégradation de matière organique qui était vivante voilà des millions d’années et qui a été « cuite » pendant les ères géologiques par la chaleur et la pression au fur et à mesure que les sédiments s’enfonçaient. Pour demeurer dans la même métaphore, on pourrait l’étiqueter de « vieux » méthane. Et comme rien n’est simple, il y a des puits où l’on trouve du vieux et du neuf.

Dans les faits, ce genre d’étude pourrait vite devenir une sorte de piège à cons destiné à dorer la pilule de l’inacceptable. En effet, les gazières et les personnes qui font la promotion du « fracking » affirmeront, haut et fort, qu’il y a toujours eu au Québec du méthane dans l’eau. Soit par machiavélisme, soit par économie de salive, ils se garderont bien de faire la distinction entre le neuf et le vieux méthane qui vient des profondeurs ! C’est comme faire un cadeau en or aux communicateurs et lobbyistes des gazières, et à ceux qui veulent exploiter les énergies fossiles sales du vingtième siècle au détriment des énergies vertes du 21e : « Pas de risque de contamination au méthane, il y en a déjà ! ». En cas de contamination avérée, notre seule consolation serait de connaître les responsables. Encore faudra-t-il que ces derniers peuvent - et veulent ! - payer les dégâts. L’exemple de Lac Mégantic est intéressant à cet égard...

Cependant, nous, nous devrons vivre avec les conséquences ad vitam aeternam... comme dans le cas des lagunes de Mercier ou des puits de Shannon, près de de Valcartier. Sans oublier le cas bien connu de Dimock en Pennsylvanie.... Il est pratiquement impossible de décontaminer une nappe phréatique, c’est un peu comme tenter de retirer le sucre de notre café une fois qu’il est dissous. Sortir le pétrole lourd du lit de la rivière Chaudière ou de la rivière Kalamazoo dans le Michigan n’est pas de tout repos non plus. Dans ce dernier cas, la « job » n’est pas terminée après plus de trois années de travail et plus d’un milliard de dollars ! Quant aux lagunes de Mercier, ça fait plus de 20 ans que les ministères de l’environnement successifs tentent de pomper les hydrocarbures de la nappe phréatique et personne ne sait si on y arrivera un jour.

Selon moi, ce projet serait comme de subir un test médical pour vérifier que l’on n’a pas le SIDA. Puis, on accepte de succomber à la tentation d’avoir une « relation non-protégée » avec une vedette que l’on a des raisons de soupçonner d’être porteuse du VIH. En cas de désastre, on pourra toujours prendre le même médicament que la vedette !!! Mais pour le reste de sa vie, il faudra prendre des médicaments coûteux du genre trithérapie, vivre avec l’inquiétude d’avoir un système immunitaire hypothéqué et surtout renoncer pour toujours à avoir une relation normale avec l’âme sœur !

Dans un cas comme dans l’autre, permettez-moi de choisir le principe de précaution. C’est la sagesse que la proximité avec le puits de Canbriam qui fuit à La Présentation m’a enseigné...

Gérard Montpetit
La Présentation, Québec.
Le 19 décembre 2013

[1] Charles Côté, « La présence de gaz dans l’eau souterraine est cartographiée »
http://www.lapresse.ca/environnement/201312/09/01-4719089-la-presence-de-gaz-dans-leau-souterraine-est-cartographiee.php

Gérard Montpetit

Membre du comité Non au schiste La Présentation

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