Édition du 16 avril 2024

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Élections 2018

Le moment de QS

À quelques jours du Jour J, il semble que QS fera un bond important sur la scène électorale. D’emblée, il faut dire que ce n’est pas rien, dans le système politique pourri et l’univers médiatique toxique qui est le nôtre. Depuis longtemps pour ne pas dire depuis toujours, ce dispositif du pouvoir est très hostile aux propositions qui visent à transformer la société. L’idée est de les diaboliser, de les dénigrer et au mieux, d’en faire des personnages folkloriques, des pelleteux de nuages.

Ce cynisme a été intégré depuis quelques années par des secteurs politiques qui au départ se disaient en faveur du changement. Pas seulement au Québec, mais dans divers pays, plusieurs se sont installés dans le confort relatif de l’individualisme possessif. On se dit, « on ne peut rien faire ». Et de toutes façons, « le peuple est trop endormi pour vouloir le changement ». Surtout, il ne faut pas secouer la cage. Cette idéologie de perdants a été et reste reprise par l’intellectualité réactionnaire qui domine l’éducation et les médias, à part quelques exceptions. On enseigne aux gens, particulièrement aux jeunes, à cœur de journée, que l’histoire est terminée et que le monde est divisé entre des entrepreneurs agressifs et des incompétents génétiquement programmés. Devant ce barrage intense, plusieurs parties de la société ont intégré cette résignation. Cela passe par « on-ne-peut-rien-faire », en bifurquant par une fausse neutralité pour en fin de compte se confiner à une posture peureuse, pour ne pas dire cynique.

Oui, le dispositif du pouvoir est fort. Mais attention, regardez le monde où l’on vit. Ne pas percevoir que dans l’océan des dominants s’esquisse une grande vague de changement est pour dire les choses poliment une grave erreur. Une « crise des crises » frappe de tous bords tous côtés le système politique, l’économie, la société, sans compter la pachamama, qui pourrait basculer dans quelques années. Alors comment ne pas voir, y compris ici, le processus lent de maturation et de contestation qui s’amorce, et qui a été annoncé par la Marche des femmes (1995), le Sommet des peuples des Amériques (2001), les grèves anti-Charest (2003), l’essor d’un environnementalisme militant (2010). Quand les étudiants ont sonné le réveil en 2012, plusieurs étaient désemparés, et en même temps, réjouis.

Allo le monde ! On a raison de se révolter !

Le signal continue de s’infiltrer, mais d’une manière subtile que nos amis zapatistes ont mieux compris que bien des « experts et compétents » : « la lutte est un marathon, pas un sprint ». L’histoire du changement ne se réalise pas par quelques évènements spectaculaires, ni par quelques sauveurs. Une fois cela dit , cela prend beaucoup d’intelligence, de patience, de détermination.

Que Québec Solidaire ait pu créer des fissures dans le mur de l’anti-démocratie qui nous gouverne est en soi tout un accomplissement. Énormément de monde se sont investis dans ce processus amorcé il y a à peine 10 ans par une poignée de visionnaires, dont Françoise David, François Cyr, Alexa Conradi, François Saillant et plusieurs autres. À cela s’est ajouté ces derniers temps le talent de Manon Massé et de Gabriel Nadeau-Dubois, sans compter le travail acharné de 125 candidat-es et d’une petite armée de travailleurs de l’ombre, animée entre autres par Simon Tremblay-Pepin.

Si tout cela se confirme le 1er octobre, il sera désormais possible de penser à un début de rupture qui devra, c’est certain, affronter 1000 défis. Parmi ceux-ci, il y en a quelques-uns qu’il faut commencer à discuter. La nécessaire transition qu’esquisse QS sera non seulement difficile, mais elle ne pourra pas se faire sans une formidable mobilisation par en bas. Avoir 6 ou 8 ou 15 Solidaires à l’Assemblée nationale sera une bonne chose, mais le rapport de forces ne changea pas sans cette mobilisation. Dans ce sens, l’initiative doit passer aux mains des mouvements populaires qui ne doivent surtout pas se contenter d’attendre des miracles sur la scène parlementaire. Les « vrais » dominants, eux, le savent très bien, protégés qu’ils sont dans les officines de l’État et des grandes corporations, et pas seulement sur le plan local. Ils vont continuer dans une impitoyable « guerre de position » à organiser et à imposer leurs politiques réactionnaires.

D’autre part, ces dominants sont internationalisés, pour ne pas dire « internationalistes », à leur manière. C’est bien trop évident ici, à quelques kilomètres d’un empire certes dominant, mais qui garde beaucoup de puissances pour empêcher les peuples de s’émanciper. Ce fut une des erreurs les plus dramatiques du PQ, pour ne pas le nommer, de penser une seconde qu’on pouvait « amadouer » les États-Unis. Pour éviter cette illusion, il faudra travailler avec le reste du monde, y compris, d’ailleurs, avec les États-uniens eux-mêmes, qui résistent contre les délires de Trump. Également, il se passe des choses intéressantes dans le reste du Canada, du côté des luttes écologistes notamment. Ce sont nos frères et nos sœurs, il faut travailler avec eux.

Cet internationalisme dans nos mouvements et nos luttes n’est pas un luxe, ni un discours pour terminer un congrès. Le monde est réellement globalisé, ce qui ne nie pas l’importance des dynamiques locales, en autant qu’on puisse établir les passerelles, comprendre et agir. On le fait déjà, il faut en faire plus et mieux.

Autre défi, il faudra continuer à sortir du périmètre. L’avancée de QS démontre que c’est possible d’aller vers le « monde ordinaire », notamment de démontréaliser la contestation. Une fois dit cela, une petite partie du chemin a été parcourue. Un des plus grands défis est d’inclure la diversité québécoise dans le processus. C’est malsain que nos mouvements, y compris QS d’ailleurs, restent surtout très « blancs », et pas seulement au niveau de la couleur de la peau. La percée qu’on constate avec de sympathiques personnalités comme Andrés Fontecilla et Alejandra Zaga Mendez et quelques autres braves devra être multipliée par 1000. Et pour cela, il faudra élargir la distance, et de beaucoup, qui nous sépare déjà de la pathétique idéologie de l’identitarisme et dont les aboutissements sont le racisme et l’exclusion. Il n’y aura tout simplement pas de projet de construction d’un nouveau Québec sans inclure la diversité qui dans 5 ou 10 ou 15 ans sera une très grande partie de la population (allez dans les écoles pour voir ce qui se passe !).

La même posture reste prioritaire avec les Premiers Peuples. Ils nous le disent souvent, ils ne sont pas, ils ne veulent pas être des Québécois-es. Ils sont eux-mêmes, et ils ont des droits sur leurs territoires, leurs sociétés, leurs économies. Il n’y a pas d’autre chemin que de vivre la cohabitation sur un pays potentiel qui sera plurinational ou qui ne sera pas.

Enfin pour ne pas s’éterniser, il faut reconstruire notre rapport avec la totalité du monde où les sapiens-sapiens que nous sommes constituent une toute petite partie de ce qu’il est. La pachamama, comme nous l’ont d’ailleurs enseigné les Premiers peuples, constitue un tout organique. Elle est fatiguée, peut-être même fâchée des terribles dommages qui lui ont été infligés par le capitalisme prédateur. C’est pourquoi on se dit qu’il faut changer non seulement l’économie et tout ce qui va avec, mais le paradigme, la vision du monde, en fin de compte, nos vies !

Le 2 octobre, on recommence !

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