L’auto solo à essence a marginalisé le transport en commun électrique au début du XXiè siècle
Cette histoire se compare au pseudo libre choix du véhicule solo routier comme moyen central de locomotion tant des personnes que des marchandises du capitalisme mature puis décadent. L’automobile privée, ce gadget sportif des jeunes aristocrates du début du XXiè siècle, loin d’être un libre choix des consommateurs, a été imposé par le complexe auto-pétrole dans la première moitié du siècle passé quitte parfois à s’emparer de systèmes de transport collectif électrifiés (tramways) mais privés pour les démanteler (et mal les remplacer par des autobus à essence compatibles avec la circulation automobile). C’est la généralisation de l’automobile privée qui a permis la généralisation du bungalow, de la ville-tentaculaire et du système autoroutier financé par l’État en lieu et place d’un système de transport collectif public, intra-urbain et inter-urbain, tant pour les marchandises que pour les navetteurs et voyageurs. L’électrification de l’automobile privée n’a pas d’autre but que de perpétuer le statu-quo sous une apparence de changement technologique relevant du « tout changer pour que rien ne change ».
La motoneige Bombardier pour rentabiliser une industrie de guerre en peine de recyclage
L’histoire mondiale de la motoneige s’est développée au Québec. Dans les années 1930 où les chemins de campagne pré réchauffement climatique étaient mal ou pas déblayés, une myriade de petites entreprises mirent au point chacun de leur côté des motoneiges utilitaires pour les médecins des corps et des âmes dont elles se disputaient la mince clientèle un à la fois. Bombardier sortait à peine du lot de ces entreprises de fond de garage. Puis vint la guerre. Il fallait d’urgence à l’armée canadienne une motoneige à toute épreuve pour sa mission assignée de construire une tête de pont au nord de la Norvège... dont elle déguerpit devant l’avancée des troupes nazies. Bombardier fut l’heureux élu, ce qui lui permit de passer du stade artisanal à celui industriel... et de semer tous ses concurrents.
Après la guerre, elle eut beau approvisionner les compagnies forestières d’une poignée de « bombardiers » pour faciliter la circulation hivernale en forêt, au détriment des droits de chasse des nations autochtones, il lui fallait inventer un produit à vendre en série pour rentabiliser son capital fixe hérité de la production de guerre. Et Bombardier créa la motoneige individuelle, sous le nom de la marque Ski-doo, à portée de la bourse des nouvelles classes moyennes issues de la prospérité keynésienne d’après-guerre. Puis ce fut la conquête du marché mondial non sans susciter une nouvelle concurrence internationale... ce qui lui valut un nouveau coup de main d’Ottawa, soutenu par Québec, pour s’installer dans l’avionnerie et les trains rapides... d’où Bombardier est en train de se faire évincer par Airbus, et bientôt Alstom ou Hitachi.
Le talon de fer des lois capitalistes nécessite la production-consommation de masse
On reconnaît à l’oeuvre le talon de fer des lois capitalistes. La concurrence entre « sympathiques » petits capitaux remet la palme de la victoire au champion de l’« antipathique » centralisation-concentration laquelle contraint à la consumériste production-consommation de masse de façon à abaisser le coût unitaire. Chemin faisant, tôt ou tard s’en mêle l’État, structurellement capitaliste il va de soi n’en déplaise aux sociaux-démocrates, afin de tordre le bâton de la prétendue libre concurrence, les grandes puissances damant le pion aux petites puissances et aux rien-du-tout du bas de l’échelle. Ce qui signifiait hier bye-bye Massey-Fergusson et Nortel, et bientôt peut-être bye-bye SNC-Lavallin et Bombardier... à moins que l’État se ruine, aux dépens du peuple-travailleur, pour les sauver comme il serait prêt à le faire pour le faîte financier du capitalisme, ce qui est fort peu probable. Déjà que le bon peuple s’endette par dessus la tête pour faire rouler leur système, obligé qu’il est de fuir la rente foncière astronomique des villes-centres pour les bungalows des banlieues mal desservies par le transport en commun. Après l’achat de la maison unifamiliale, le voilà rendu à devoir se procurer un véhicule pour se coincer dans le trafic.
Rendre confortable et rapide sa bruyante prison ambulante ou se rencontrer dans un cadre naturel
Tant qu’à passer des heures quotidiennes dans son « char », autant l’acheter de luxe et pourquoi pas un VUS ce qui permet en sus de s’épivarder à la campagne, au moins en rêve publicitaire, avec sa petite famille en traînant équipement, motoneige, hors-bord. Au bout du compte, le loisir motorisé avec son culte de la vitesse, y compris le ski de descente avec ses monte-pentes, devient une industrie cherchant à s’auto-reproduire et à s’élargir en composante de l’industrie touristique génératrice de devises fortes.
Il ne s’agit pas de vanter ou maudire le ski-doo bien de chez nous, mais de l’expliquer pour mieux le remplacer. Et vivent marche, bicyclette, camping, ski de fond, raquette et exploration en forêt dans le cadre d’une société du « buen vivir » au rythme lent des rencontres et du slow food.
Marc Bonhomme, 1er février 2020
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.com
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