Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique québécoise

Des alliances, pour se battre et pour vaincre dans notre combat indépendantiste

Le président du Parti Québecois, monsieur Raymond Archambault, a rejeté à la veille du Conseil national du Parti québécois toute perspective d’alliance avec les autres partis souverainistes. Au Conseil national, il a répété que le PQ demeurerait la seule coalition souverainiste. Pourquoi ? La direction péquiste développe une orientation claire : se maintenir au pouvoir, se préparer aux prochaines élections, chercher à marginaliser tous les partis politiques qui peuvent constituer des obstacles au maintien de son hégémonie sur le mouvement souverainiste.

Aujourd’hui, comme hier, la direction péquiste est prête à utiliser la phrase souverainiste pour consolider sa base militante et sa base électorale. Le Parti québécois est fermé et il promet qu’il restera fermé à toutes tactiques politiques audacieuses. Il ne s’agit pas pour lui de créer les rapports de force avec l’État fédéral qui lui permettraient de s’attaquer à l’oppression nationale du Québec. Il ne s’agit pas pour ce parti de préparer la confrontation avec les politiques conservatrices et anti-québécoises de l’État fédéral. Il ne s’agit pas de mobiliser et d’organiser la population québécoise pour rejeter la domination canadienne sur le Québec. Il ne s’agit pas de construire un parti indépendantiste prêt à provoquer la rupture radicale de l’État canadien.

C’est pourquoi le renforcement de l’enracinement des perspectives indépendantistes ne passe pas pour le Parti québécois par des luttes sociales et politiques pour les droits du Québec. Elle passe par la perspective de la conviction par la phrase souverainiste pour souligner les attaques du fédéral. Il s’agirait de sortir, discuter et convaincre de l’importance de la souveraineté pour faire avancer le combat. La pédagogie pense pouvoir se substituer aux combats politiques. C’est une approche qui n’agit que sur les convaincus.

Mais pour le Parti québécois et le gouvernement péquiste, il ne s’agit pas de favoriser l’unité de la majorité de la nation autour de la défense active de ses intérêts économiques, sociaux, politiques et culturels contre les offensives fédéralistes. Le Parti québécois ne vise pas à favoriser le renforcement et l’auto-organisation des mouvements sociaux : syndicaux, écologistes, féministes, jeunes issus du peuple. Il ne vise pas à favoriser leur convergence pour faire face aux attaques que l’oligarchie régnante mène contre le peuple québécois.

À l’époque du PQ-Marois, cette contradiction entre la discussion souverainiste « orbi et orbit » et de l’inaction dans la lutte pour l’indépendance du Québec est plus criante que jamais. Le référendum est remis aux calendes grecques. La mise de l’avant, de façon timide et contradictoire de postures autonomistes, la dite gouvernance souverainiste, est le seul vestige de la prétention souverainiste de ce parti. Ce n’est pas en ajoutant un plan de marketing politique à un autre qu’on fait avancer la lutte pour la libération nationale d’un peuple.

Quand le gouvernement Harper veut échanger avec les gouvernements européens son pétrole et qu’il leur offre, en contrepartie. l’ouverture des marchés publics du Québec et de ses municipalités, que fait le gouvernement péquiste ? Il se montre ouvert. Il tente de faire preuve de sa bonne foi. Il est prêt à contribuer à l’assujettissement du Québec, au renforcement de sa dépendance vis-à-vis les multinationales. Il se fait complice de l’attaque directe à notre souveraineté populaire. Il renforce notre dépendance nationale par rapport aux ambitions du grand capital dans le contrôle de nos richesses et de notre organisation sociale.

Quand il prétend, dans le premier budget Marceau, que le développement du Québec passe par les entreprises privées et que ce gouvernement se fait le promoteur d’une politique extractiviste, à l’image du gouvernement libéral de Jean Charest, à New York et ailleurs dans le monde, il organise le bradage de nos richesses naturelles au nom du libre-échange et du culte de l’entreprise privée.

Quand il se contente de postures écologistes, mais qu’il est prêt à développer l’exploitation du pétrole dans le St-Laurent en lieu et place d’un véritable programme de travaux publics pour assurer une conversion écologique majeure et la sortie du pétrole dans les plus brefs délais, il se rend aux demandes des grandes pétrolières qui ont convaincu les gouvernements de mettre la pédale douce sur la lutte contre le réchauffement climatique et qui multiplient les explorations pétrolières pour maintenir ces filières basées sur les énergies fossiles.

Oui, il faut chercher à gagner la majorité du peuple québécois à la perspective indépendantiste. Oui, il faut investir nos énergies pour rassembler les forces qui souhaitent lutter concrètement pour cette indépendance, qui refusent notre soumission nationale, qui refusent que le capital étranger ait la main haute sur nos richesses. Et, encore une fois, le gouvernement péquiste n’est pas dans le camp de ce front de la libération nationale. Le supposé navire amiral du mouvement souverainiste a perdu le Nord. Il pense qu’il serait plus profitable pour lui, de viser la base électorale de la CAQ pour développer sa base dans la population.

Les alliances doivent se construire autour de combats communs

Que ce soit des alliances pour la lutte pour le pouvoir gouvernemental pour une majorité populaire (alliances stratégiques) que ce soit une alliance pour arracher des victoires dans des combats partiels (alliances tactiques), ces alliances doivent toujours se construire autour de combats communs. Il est donc important d’identifier la réalité et la pratique des parties à telles ou telles alliances pour connaître les alliéEs potentiels. Les alliances stratégiques impliquent un large accord sur le projet de société que nous voulons construire. Des alliances tactiques impliquent que nous partageons un but plus immédiat et ces alliances peuvent être plus larges et sont souvent plus transitoires.

Ceux et celles qui soutiennent notre indépendance économique et politique. Ceux et celles qui refusent la domination du capital financier sur notre économie ? Ceux et celles qui refusent que l’État canadien définisse notre politique monétaire. Ceux et celles qui refusent des accords de libre-échange soumettant nos richesses et nos politiques au contrôle des multinationales. Voilà nos alliéEs ! Que ce soient des organisations sociales ou politiques. C’est à partir d’enjeux essentiels qu’on doit identifier des forces qui peuvent se coaliser autour de ces combats qu’on doit déterminer quelles sont nos alliances stratégiques et tactiques. Ces alliances stratégiques ne peuvent se fonder que sur une vision commune des événements et des tâches dans la période actuelle. L’unité, pour optique de transformation réelle de la société, vise à accumuler les forces capables de s’opposer à la domination de l’oligarchie régnante. L’objectif c’est de construire un parti ou une coalition de partis qui se posent cet objectif essentiel.

Parfois, on nous ressert le vieux mot d’ordre de Deng Xiaoping : qu’importe qu’un chat soit noir ou gris pourvu qu’il attrape une souris. On veut nous faire croire, qu’il y aurait des ententes à faire qui constitueraient des échanges de bons procédés entre partis qui pourraient faire abstraction des politiques concrètes qu’ills mettent de l’avant, de leur caractérisation, de la logique de leur politique en faveur ou non du statu quo.

Ces perspectives sont des miroirs aux alouettes et reposent sur une recherche désespérée de raccourcis qui conduisent à des impasses, car un parti politique (ou une coalition) doit rallier sur des bases claires, des combats précis, des implications soutenues dans les combats menés par tels ou tels secteurs de la population qui luttent pour plus de justice sociale, pour plus d’égalité, pour en finir avec les différentes formes d’oppression. Les échanges de bons procédés pour le développement d’appareils partidaires ne seront jamais déterminants pour l’avancement des combats sociaux.

Quand des partis et des forces sociales se situent sur le terrain de la transformation sociale, les tactiques les plus souples pour réaliser des coalitions, des fronts, des actions communes, des pactes électoraux doivent être envisagées avec cette seule préoccupation de renforcer le camp de la lutte, le renforcement du camp de la résistance sociale et nationale à l’exploitation et à l’oppression.

L’émancipation sociale et nationale du Québec sera l’oeuvre de la majorité populaire qui constitue le coeur de la nation, car le combat forgera sa volonté de vaincre... Les élites péquistes nous ont entraînés trop souvent sur de fausses pistes et dans des stratégies préparant les défaites. Il est plus urgent que jamais, de proposer une autre stratégie d’unité des forces politiques et sociales prêtes à mener les combats économiques, écologistes féministes et égalitaristes contre l’oligarchie régnante pour réaliser une indépendance véritable. C’est cette unité qu’il faut maintenant construire...

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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