Édition du 23 avril 2024

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Politique québécoise

Opération « Vous n’entrerez pas chez nous » du Regroupement régional de la Montérégie

Gaz de schiste - Une mobilisation citoyenne impressionnante

Plus de 25 800 personnes résidantEs de la Montérégie ont signé jusqu’à tout récemment un formulaire exprimant leur refus de permettre l’accès à leurs terrains aux compagnies qui veulent explorer et exploiter les gaz de schiste, faisant la démonstration qu’il n’existe pas d’acceptibilité sociale de la filière des énergies fossiles parmi la population. L’opération se poursuit et le mouvement invite la population à la grande manifestation prévue le 22 avril prochain, Jour de la Terre.

Danielle Lavoie, coordonnatrice du Regroupement citoyen d’Otterburn Park et adjointe du Regroupement régional de la Montégrégie sur le gaz de schiste a fait l’annonce devant une assemblée où l’on retrouvait des militantEs et des éluEs motivée de poursuivre le combat. Loin d’être définitifs, les résultats dévoilés mardi représentent une source de motivation pour poursuivre la lutte.

Une quinzaine de comités locaux sont à la tâche de frapper à chaque porte afin d’informer la population des zones urbaines et rurales de la Montérégie sur les conséquences de la présence de l’industrie des gaz de schiste et les inviter à signer le formulaire. De nombreux témoignages ont été présentés lors de cette conférence de presse, témoignages qui en disent long sur l’arrogance de l’industrie qui s’installe où bon lui semble sans prévenir qui que ce soit et la complicité du gouvernement Charest dans cette entreprise. Les formulaires recueillis seront déposés à l’Assemblé nationale prochainement.

Les résultats : d’importantes majorités de refus

Ces résultats impressionnants découlent selon Albert Geuzaine, coordonnateur du regroupement régional, des efforts déployés par les 15 comités locaux présents dans la région mascoutaine. Les membres de ces comités, grâce à leur bonne volonté et à l’expertise qui s’est développée depuis les débuts du mouvement d’opposition, mobilisent les citoyenNEs et les éluEs de la région à combattre le développement très risqué de cette industrie. La demande pour un moratoire générique demeure la revendication centrale du mouvement. Les porte-paroles insistent cependant pour affirmer qu’un moratoire n’est pas suffisant et qu’un débat public sur les besoins énergétiques du Québec et le développement des énergies renouvelables et vertes est urgent.

Parmi les résultats dévoilés, mentionnons St-Hyacinthe avec plus de 3 000 signatures, dont 239 propriétés rurales sur 446 formulaires envoyés, soit une proportion de 53,6% de la population rurale et 60% du territoire à vocation agricole ; La Présentation, 1 092 signatures dont 246 de propriétaires fonciers de plus d’un hectare, soit 65% du territoire et 70% de la population ; St-Denis, 785 lettres de refus au gazières qui représente 70% du territoire agricole ; St-Mars-sur-Richelieu, 900 signatures, dont 53 propriétaires terriens ; Ste-Christine sur 345 propriétaires terriens 290 ont signé, une proportion de 84% ; St-Jean-Baptiste 76 signatures ; St-Hugues, 92 % des producteurs agricoles ont signé et 95% des citoyenNEs ont posé le même geste ; St-Judes 90% des citoyenNEs ont signé ; St-Antoine-sur-Richelieu, 40% de citoyenNEs ont signé après seulement 3 mois de campagne ; St-Ourse, 643 signataires représentant 67% du territoire agricole ; Verchère, les signataires représentent 50% du territoire agricole et 1 420 signataires en milieu urbain ; Calixa-Lavallée, 60% des 369 propriétaires ont signé ; Ste-Julie, 9 539 signatures sans compter les propriétés rurales ; St-Mathias, 999 signatures dont 86 signatures de propriétés agricoles ; Beloeil, 450 signatures dont 48 entreprises agricoles sans avoir mené de campagne ciblée ; Mont St-Hilaire, 53 propriétaires terriens sur 60 ; Otterburn Park, 2 210 signatures sur 3 000 résidences ; St-Barnabé-Sud 85% de signataires. Des résultats impressionnants et ça continue.

L’arrogance de l’industrie

Au cours de la conférence, plusieurs citoyenNEs de la région sont venus témoigner de la situation dans leurs coins de pays respectifs. Madame Line Fredette de La Présentation a livré un témoignage très émouvant à propos de l’arrogance des compagnies qui, sous la protection de la loi sur les mines, peuvent se permettre de « claimer » tout terrain jugé intéressant quant à son potentiel d’extraction. Ainsi, lors de la vente de la terre familiale à son fils, quelle ne fut pas sa surprise d’apprendre de la bouche du notaire que son terrain était convoité par une entreprise d’exploration et qu’elle ne disposait d’aucun recours pour s’y opposer.

Malgré son inquiétude, la fracturation a débuté à 1,5 km de son domicile et depuis, c’est littéralement l’enfer : éclairage 24 heures sur 24, circulation interminable de camions, les vibrations qui font trembler sa maison, les risques de contamination des puits de surface. De plus, plusieurs inconnues sont soulignées : sous prétexte de secret industriel, il est impossible de connaître la localisation de la nappe phréatique, l’orientation de la fracturation et la distance parcourue, etc. L’émission Découverte diffusée à Radio-Canada a révélé que des émanations de gaz sont détectées autour des puits de forage, que des émanations de méthane sont présentes à la tête du puit dans des concentration allant jusqu’à 16%. Il s’agit là de source de stress mais aussi de révolte contre l’attitude complice du gouvernement Charest qui fait tout sauf répondre aux questions posées pas la famille Fredette. Il y a bien eu avis d’infraction dans ce dossier. Cependant, des questions importantes demeurent : sur l’orientation et l’étendue de la zone fracturée horizontalement, les profondeurs de ces fracturations, les débits des fuites pendant et après les travaux, quelles mesures le ministère de l’environnement applique t-il pour suivre le cheminement du méthane, les risques de contamination de la nappe phréatique, si les travaux allaient empêcher les produits dangereux de migrer vers la nappe phréatique et si oui, pendant combien de temps. Toutes ces questions sont demeurées sans réponse satisfaisante. Elle considère que le gouvernement Charest lui a volé sa terre.

Les comités de citoyens : une mobilisation en forte croissance

Albert Geuzaine, coordonnateur du Regroupement régional de la Montérégie sur le gaz de schiste et citoyen de Verchère, a dressé un portrait de la mobilisation dans la région de St-Hyacinthe. « Ce sont des centaines de personnes qui font du porte-à-porte pour obtenir la signature de milliers de citoyenNEs pour refuser l’accès des gazières à leur territoire ». De plus, il a tenu à souligner l’apport des scientifiques, des artistes, des groupes écologistes dans cette vaste coalition. Des activités d’information sont organisées afin de faire contrepoids au discours des compagnies et fournir aux citoyenNEs l’argumentaire nécessaire. Il a rejeté la désinformation des alliés de l’industrie. Il a rappelé à la déclaration de Nathalie Normandeau alors ministre du gouvernement Charest, selon laquelle une vache émettait davantage de méthane qu’un puit de gaz de schiste alors que des experts agronomes démontraient plus tard qu’un puit émettait l’équivalent de 107 vaches. Que le méthane n’est pas une alternative au charbon si on prend en compte les émissions fugitives et des pertes qui surviennent lors du traitement avant la combustion. Qu’une étude publiée dans la revue Nature a révélé que le méthane est tout aussi dangereux pour le réchauffement du climat.

Quant au cas de l’utilisation de l’eau liée aux opérations de fracturation, il a souligné que l’albertaine Questerre prétendait que le forage de 400 puits avec 8 fracturations ne devrait pas consommer plus de 6 millions de mètres cube d’eau. Or, selon un rapport du BAPE, il faut de 9 à 29 millions de mètres cubes d’eau pour une telle opération. Si on tient compte les intentions annoncées de l’industrie, la Montérégie verrait s’installer sur son territoire 1 000 plate-formes de forage qui pourraient accueillir chacune 6 puits. Ce sont donc 6 000 puits prévus en Montérégie et un total de 20 000 dans la Vallée du St-Laurent, de la frontière américaine jusqu’à la hauteur de Montmagny. Ça signifie qu’un total de 114 millions de mètres cubes (M3) d’eau seront nécessaires seulement pour la Montérégie. De plus, il est établi que la moitié des puits aura à subir une deuxième fracturation, ce qui signifie 57 millions de mètres cubes d’eau supplémentaires.

Au total, 171 millions de mètres cubes (M3) d’eau seraient utilisés. De ces 171 millions M3 d’eau, 90 millions demeureront dans le sous-sol et 80 millions reviendront en surface et devront être traités. Enfin, les combinaisons de produits chimiques utilisés dans la fracturation qui varient de 0,5% à 2% du volume d’eau utilisé. Ce seront ainsi 2 millions de tonnes de produits chimiques qui seront ajoutés à l’eau de fracturation, des produits toxiques, mutagènes ou cancérigènes. De ce total, 1 million de tonnes de ces produits demeureront dans le sous-sol et un autre million de tonnes reviendront à la surface et devront être traité dans la région. Enfin, il a tenu à souligner que le reflux de l’eau vers la surface amène du même coup des métaux lourds et des substances radioactives qui rendront ces matières encore plus dommageables pour les personnes et l’environnement.

Pierre Brazeau, coordonnateur interrégional sur le gaz de schiste de la Vallée du St-Laurent, a fait le rappel des différentes étapes du développement du mouvement s’opposant au gaz de schiste en Montérégie, faisant la chronologie des événements qui ont mené aux manifestations régionales à St-Marc, au parc du Mont St-Bruno, à St-Denis et à La Présentation. Il a rappelé comment l’industrie utilisent d’ex-politiciens, péquistes ou libéraux, pour faire avaler la couleuvre à la population. Il a situé l’enjeu d’un tel mouvement : se réapproprier la propriété des ressources naturelles et du territoire du Québec et en assurer le contrôle et la qualité. Que le comité menant l’Évaluation Environnementale Stratégique n’est qu’un comité consultatif et ne représente en rien un moratoire.

Le mouvement réclame un véritable moratoire, générique, impliquant un arrêt complet des forages et des signatures d’ententes de location de terrains entre les compagnies et les propriétaires, une évaluation de la pertinence de développer cette énergie que sont les gaz de schiste, tant au niveau sanitaire que socio-économique et une étude environnementales indépendante qui devra étudier les enjeux pour ensuite tenir un débat public sur le développement énergétique du Québec. Monsieur Brazeau a tenu à rappeler aux compagnies gazières qu’il n’existe pas d’acceptabilité sociale pour cette filière et leur demande de quitter le territoire de la Vallée du St-Laurent.

Rendez-vous le 22 avrill

Les comités de citoyenNEs opposés au gaz de schiste poursuivent leur démarche de signatures pour ajouter au rapport de force les opposant au gouvernement Charest. Toutefois, personne ne veut rater le rendez-vous du 22 avril prochain à Montréal lors de la grande manifestation soulignant le Jour de la Terre (www.22avril.org). Tous souhaitent une mobilisation massive afin de démontrer, encore une fois, l’opposition grandissante des Québécoises et des Québécois à l’exploration et l’exploitation des énergies fossiles, quoi qu’en pense Jean Charest.

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