Édition du 23 avril 2024

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Environnement

100 ANS

Cent ans, c’est long et c’est court en même temps. Il s’en passe des choses durant 100 années, mais en même temps, c’est comme si c’était hier. Il y a 100 ans, c’était la guerre, la Première Guerre mondiale.

Mon père, en 1917, se débattait contre le gouvernement du Canada pour se faire exempter du service militaire obligatoire, ce que l’on appelait la conscription. Il avait 25 ans, il était dans la force de l’âge, selon une expression qui lui était chère. Ça fait longtemps de cela, semble-t-il, et pourtant j’en porte encore les conséquences aujourd’hui. S’il avait été obligé d’aller au front, serais-je là aujourd’hui ? Mon père est encore très présent dans mon esprit. Il m’inspire ; plusieurs de mes décisions présentes sont le fruit de ce qu’il m’a enseigné, des convictions qu’il m’a inculquées.

Les actes posés aujourd’hui ne seront pas sans laisser de traces dans 100 ans. Ainsi, si cet oléoduc de Transcanada devait traverser notre région, qu’en resterait-il dans 100 ans ? Il ne serait certes plus en opération car on nous dit que sa vie utile ne serait que d’environ 40 ans, peut-être un peu plus. Alors serait-il encore là, abandonné, oublié mais potentiellement source pernicieuse de pollution ? Des sols actuellement contaminés ne le sont-ils pas à cause d’activités industrielles qui aujourd’hui sont des souvenirs ?. Comme exemple, pensons à ces endroits où il y eut jadis des pompes à essence. Je connais quelques-uns de ces endroits, où les propriétaires le savent et nous disent : « On n’ose pas creuser, il se peut fort bien qu’en dessous le sol soit contaminé à cause des réservoirs d’essence qui sont demeurés là. » Je connais un endroit où à l’époque, le monsieur qui maintenait sa station-service à bout de bras nous vendait de l’essence contenant une certaine quantité d’eau car ses réservoirs n’étaient plus étanches. Il a dû prendre sa retraite, et les vieux réservoirs sont demeurés dans le sous-sol.

Alors qu’en serait-il de cet oléoduc dans 100 ans ? Cet oléoduc qui s’étendrait sur une distance de près de 700 kilomètres sur le territoire du Québec, traversant de nombreux cours d’eau tout au long de son parcours. Aurait-il été enlevé à grands frais ? Et si oui, par qui ? En l’extrayant du sous-sol et surtout des cours d’eau, quels dommages causerait-on ? Tout comme les vieilles autos que j’ai pu observer gisant dans le fond de l’eau, on aurait peut-être sagement jugé qu’il valait mieux ne pas y toucher, particulièrement dans les rivières où il se serait dégradé, à moitié rongé soit par la rouille ou encore par d’autres formes de l’usure du temps.

J’ai constaté dernièrement que lorsque l’on fait des analyses de l’eau d’un même cours d’eau à différents endroits , on constate de temps à autre une augmentation soudaine de la dégradation de la qualité de l’eau, ce qui est une indication indéniable d’une source de pollution ponctuelle dans les environs, sinon dans le cours d’eau lui-même. Alors, dans 100 ans, est-ce que nos arrière-petits-enfants constateront la présence dans le fond de leurs cours d’eau d’une source de pollution ponctuelle dont il serait bien difficile de se débarrasser ? Que penseront-ils alors de leurs ancêtres ? En auront-ils un souvenir inspirant comme j’en ai un de mon père ?

Louis Trudeau
9 mars 2016

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