Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Congrès du CTC, des gains mais beaucoup de défis

L’élection aux quatre postes de l’exécutif a permis au CTC de connaître la plus grande participation de son histoire à un congrès. Pour la première fois les déléguéEs avaient à faire un choix pour tous les postes de l’exécutif. Plus de 4600 déléguéEs ont donc participé au vote qui a fait élire un nouveau président, Hassan Yussuff.

Yussuff a gagné par une mince majorité. Il a obtenu 2318 votes contre 2278 pour Ken Georgetti et 29 bulletins annulés. Trois autres postes étaient aussi soumis au vote, celui de secrétaire-trésorière et deux postes de vice-présidentEs. Comme cela est souvent le cas, les deux autres candidates de l’équipe Georgetti ont aussi été défaites, mais le nombre de votantEs a sensiblement diminué après le premier vote. Barb Byers a été élue avec 1781 votes au poste de secrétaire-trésorière contre 1036 pour son opposante Nathalie Stringer. Quatre candidats et candidates se présentaient pour les deux postes de Vice-présidents. Le bulletin de vote devait contenir le nom de deux personnes. Donald Lafleur du STTP et Marie Clarke Walker du SCFP l’ont emporté avec respectivement 1265 et 1158 votes contre Laurie Antonin et Kelly Murphy avec 920 et 803 votes.

Une nouvelle équipe a donc été élue à la direction du CTC mais dans les faits seul Donald Lafleur est un nouveau membre. Toute cette histoire a débuté au début avril lorsque Hassan Hussuini, un permanent syndical à l’AFPC et membre de UNIFOR a décidé de se présenter à la présidence contre Ken Georgetti. Il a lancé le débat sur la nécessité d’un mouvement de riposte au sein du CTC. Peu après, Hassan Yussuff membre d’UNIFOR qui occupait le poste de secrétaire trésorier depuis 2002 a décidé également de se présenter à la présidence. Barb Byers élue vice-présidente également en même temps que Marie Clarke Walker en 2002, a décidé de se présenter au poste de secrétaire-trésorière et Marie Clarke Walker s’est représentée au même poste. Donald Lafleur s’est donc présenté au poste laissé vacant par Barb Byers. De son côté Ken Georgetti, originalement membre du syndicat des métallos à Vancouver et président depuis 1999 a décidé de se présenter avec une nouvelle équipe.

La mobilisation pour le jour du vote pose cependant certaines questions de démocratie. Le nombre de déléguéEs inscrits le mardi soit 2200, qui représente la moyenne normale pour ce congrès, est passé à 4600 le jeudi, journée du vote. Des gens qui sont venus uniquement pour voter, sans prendre connaissance des débats du congrès.

Le lundi, une résolution a été présentée et adoptée à majorité à l’effet d’organiser une présentation et un débat des différents candidats et candidates. Cette présentation a eu lieu le mercredi matin avant l’ouverture des débats du congrès. Hassan Husseini a véritablement créé un moment fort lorsqu’il a annoncé qu’il se désistait en faveur de Hassan Yussuff.

Cela a mis de la pression sur Ken Georgetti qui selon les dires d’une déléguée s’en est pris verbalement à Hassan Husseini durant la pause du dîner. Cette victoire à l’arraché a aussi été favorisée par une modification du mode de scrutin adoptée par le Conseil exécutif. Auparavant les déléguéEs effectuaient leur vote à leur siège et leur bulletin était ramassé par les scrutateurs. Cette situation devenait inconfortable dans les cas où le choix du ou de la déléguéE était différent de celui recommandé dans sa délégation. Leur choix étant souvent visible par les autres. Cette fois-ci chaque délégué devait voter dans un isoloir.

Il s’agissait du premier congrès où le président sortant était défait. Yussuff est également la première personne de couleur à diriger le CTC. Les commentaires exprimés sur le site rankandfile.ca expriment bien la réalité :

"Le premier discours de Yussuff a ciblé Harper ainsi que le Parti conservateur, indiquant que le CTC devait organiser la riposte. Dans ses dernières remarques adressées au congrès, il s’est exprimé encore plus fortement en indiquant « vous nous verrez sur les lignes de piquetage, dans les occupations et possiblement dans une grève générale. »

Ce changement de ton est certainement le bienvenu. Cependant il est incorrect de penser que ce nouveau discours va à lui seul créer un grand changement dans le mouvement ouvrier. C’était une grande victoire de se débarrasser de Georgetti, dont les tendances conservatrices ont renforcé le courant droitier dans le mouvement ouvrier. Mais décrire l’élection des officiers du CTC, qui n’ont en fait que changé de position au sein de l’exécutif, comme un changement ne reflète pas les faits. L’exception étant l’élection de Donald Lafleur (STTP) qui représente une victoire importante pour ceux et celles qui espèrent voir arriver une stratégie nationale de combat contre les coupures à Postes Canada. "

En effet la campagne du STTP contre les coupures de service a été omniprésente durant ce congrès, une résolution d’appui a été adoptée après plusieurs interventions importantes dont celle de Syd Ryan, président de la Fédération de Travail de l’Ontario qui appelait à des journées de mobilisations nationales. De nombreux déléguésEs portaient la casquette à l’emblème Sauvons Postes Canada, sans compter le maire de Montréal Denis Coderre lors de son allocution d’ouverture.

Pourtant tout cela n’a pas été suffisant pour attirer l’attention des médias. La plus grande centrale syndicale au Canada, un nombre record de déléguéEs, un changement important à la direction du CTC, le maire de Montréal qui appuie la campagne du STTP, et pratiquement rien dans les médias. Le syndicalisme n’a vraiment pas la cote dans les médias.

Le mouvement syndical fait pourtant face à des défis majeurs : les modifications aux régimes de retraite, l’offensive anti syndicale et anti sociale du gouvernement Harper, les coupures des droits pour les prestataires d’assurance emploi, la remise en question de la formule Rand, les emplois de plus en plus précaires chez les jeunes. Le CTC aura comme principal défi de centraliser la riposte. Cependant le peu de place laissé à la discussion de résolutions provenant des affiliés n’aide en rien à partager les problèmes de chacun et à amorcer des débats sur les véritables enjeux. Au total pas plus d’une vingtaine de résolutions n’auront été soumises au débat en quatre jours et demi de congrès. Parmi celles-ci notons la lutte contre l’Accord économique et commercial global (AECG), la lutte contre la privatisation des services publics, la violence contre les femmes, les régimes de retraite à prestations déterminées et la préservation du service postal.

La nouvelle direction aura aussi à travailler pour rassembler les forces syndicales, surtout après un vote aussi serré. Mais ce qui s’est passé au congrès traduit tout de même une volonté de mettre en place une stratégie de riposte à l’austérité. Elle prend à la fois la forme d’une offensive contre Harper mais aussi dégage des perspectives de mobilisation sur le terrain dont la tenue du Forum social des peuples en août pourrait devenir un instrument.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

Sur le même thème : Syndicalisme

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...