Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Recomposition du champ politique au Québec

Faux jetons et perspectives d'avenir

La scène politique québécoise est le théâtre d’une recomposition rapide. À l’heure où l’électorat semble plus volatile que jamais et connaît des emballements dont certains espèrent tirer profit et avenir, ne faut-il pas être audacieux ?

La vague orange n’a-t-elle pas permis au NPD de se construire une large députation au Québec et de devenir l’opposition officielle à la Chambre des communes, alors que ses bases politiques et organisationnelles dans la population québécoise étaient plus que réduites ? Alors, il faut plus que jamais savoir miser sur le cheval gagnant. On connaissait les bulles spéculatives. On entre maintenant dans l’époque des bulles politiques. Les partis et les politiciens cisèlent leur discours pour mieux vendre les promesses de changement en tout genre comme autant de paris sur l’avenir. Nous vous apporterons le changement. Nous ferons fondre la dette et vous assurerons la tranquillité, la prospérité, la santé et les budgets équilibrés. Faites vos jeux !

Le Parti libéral du Québec : manipuler l’hyperbole et les faux semblants

Le Parti libéral du Québec est au pouvoir. C’est un parti corrompu. Les scandales ont touché ministres et autres amis du régime à flot continu. Il a participé à la désaffection de la politique de secteurs importants de la population. Face à des odeurs nauséabondes de corruption, la majorité de la population du Québec a demandé une enquête publique. Bardé de pouvoirs discrétionnaires, Jean Charest a toujours refusé de se rendre à la volonté populaire. Il a multiplié les manoeuvres de diversion qui n’ont fait que renforcer le cynisme et le rejet de son Parti. Dévoué au service des affairistes et pollueurs de tout genre, il a essayé d’enfoncer dans la gorge de la population, la nécessité de l’exploitation du gaz de schiste. Ce n’est que devant la mobilisation citoyenne, qu’il a mis en place une enquête stratégique, une autre esquive, pour mieux continuer à préparer la défense des intérêts particuliers des gazières et des pétrolières. Pour chercher dépasser le discrédit dans lequel il s’enfonçait, Jean Charest tente maintenant de présenter son parti comme l’inspirateur d’un grand projet d’avenir. Sans aucune honte, il présente le bradage des ressources naturelles aux minières et la recolonisation du Nord, comme le projet des générations futures. Il pense ainsi relever le PLQ et présenter un cheval crevé comme un fier coursier.

Le Nouveau Parti Québecois (un NPQ amélioré) pour un Québec rapetissé

Pauline Marois est parvenu à transformer le Parti québécois en un parti de l’alternance provincialiste sans problème. Elle était sur un nuage. Le dernier congrès l’avait plébiscitée à une hauteur qu’elle n’avait même pas espérée. Au coeur de son nouveau programme, la création de la richesse et l’encouragement à l’entrepreneuriat. Plus, l’enrichissement collectif passait par l’enrichissement individuel. L’oligarchie québécoise n’y trouverait-elle pas son compte ? D’ailleurs, elle s’étonne encore que l’on ne voit pas les convergences entre le nouveau programme du PQ et les propositions de la Coalition pour l’avenir du Québec. Un rare et pathétique moment de sincérité dans la politique québécoise. Il ne s’agissait maintenant que de coller au populisme ambiant et de se vautrer dans un électoralisme mur à mur pour espérer être porté au pouvoir aux prochaines élections.

C’était sans compter le sursaut des souverainistes du parti qui comprenaient que la lutte pour la souveraineté du Québec était reportée aux calendes grecques. La stratégie de la gouvernance souverainiste n’était que le travestissement rhétorique d’un autonomisme élitiste où toute perspective d’avenir du Québec se retrouvait maintenant non dans l’affirmation de la volonté populaire, mais dans les caprices d’une direction possédant le monopole de l’évaluation de conditions potentiellement gagnantes. Le nouveau PQ larguait toute démarche concrète la souveraineté réduite à un thème de discours pour jour de fête nationale.

Un bon nombre de souverainistes l’avaient compris depuis longtemps. Il avait parlé avec leur pied. Ils avaient quitté le parti pour retourner chez eux ou pour s’activer dans différents mouvements nationalistes. Mais, tant que la direction péquiste savait donner le change, les indépendantistes acceptaient de rester au PQ, la vieille maison qui avait été lieu de tant d’emballements et de tant d’espérances. Mais, l’aile souverainiste du parti devait se rendre à l’évidence. On les invitait à quitter la vieille maison qui ne leur appartenait visiblement plus. Elle avait été rénovée par des affirmationnistes. Eux, les souverainistes qui n’avaient été depuis un certain temps que des locataires tolérés dans leur propre maison étaient maintenant des exproprié-e-s.

Alors que faire ? Se débarrasser de la direction Marois. Attendre un moment plus propice pour faire un putsch. Construire un nouveau parti ? Certain-e-s député-e-s démissionnaires en discutent. Mais, les souverainistes qui ont quitté le parti n’ont pas nécessairement fait des bilans stratégiques. L’idée de regrouper la gauche et la droite dans un seul parti demeure un élément encore central de leur discours, alors que cette approche est à la base des difficultés qu’a connues le souverainisme péquiste. Les débats vont se multiplier. Le Nouveau PQ a perdu son monopole sur la lutte pour la souveraineté. L’offre politique souverainiste va encore se diversifier. Mais sans débat véritable sur les stratégies pour la souveraineté, les risques sont grands de parcourir une nouvelle fois les vieux sentiers qui mènent à l’impasse.

Pendant ce temps, la Coalition des arrivistes préparent leur avenir

François Legault veut devenir premier ministre. Telle est son ambition. Il veut présenter un profil suffisamment nationaliste pour attirer une partie de la famille souverainiste désorientée par une accumulation de défaites. Il se veut suffisamment fédéraliste pour tenter d’attirer des personnes dégoûtées par les effluves de la corruption qui exhalent du Parti libéral de Jean Charest. Legault écarte, lui, la souveraineté. Il fait le jeu du fédéralisme canadien. Il est une carte que les affairistes veulent se donner pour remplacer un PLQ discrédité.

Des éléments dans l’oligarchie régnante misent sur lui. C’est un bourgeois québécois qui a su réussir dans le monde des affaires et accumuler un capital politique et un capital relationnel suffisamment grands pour pouvoir mobiliser médias et sondages pour réussir à mettre en orbite un discours politique sous des atours qui lui permettent d’agglutiner les aspirants de toute sorte à divers postes de pouvoir. Il sait utiliser les problèmes que vit la population pour présenter des solutions clinquantes pour attirer des sympathies. Il utilise les sondages pour tenter de faire croire que sa coalition est le foyer du ralliement des mécontents. Les Québécois voudraient Legault. Les démissionnaires de l’ADQ se sont déjà ralliés. Les restes de ce parti y voient une planche de salut pour leurs idées de droite. Des bloquistes au chômage, ex-députés, ex-candidat-e-s ou autres attachés politiques offrent déjà leurs services. Certains Conservateurs veulent s’en servir pour s’y tricoter une place au soleil. Legault a nommé son regroupement Coalition. En effet, c’est la coalition des arrivistes et des opportunistes de toutes espèces qui misent sur le fait que le groupe Legault puisse être porté par une vague qui saura les ramener sur les plages du pouvoir.

L’indépendance du Québec ne se fera que si la majorité sociale peut devenir une majorité politique

La majorité de la population du Québec est formée de travailleurs et de travailleuses. C’est cette majorité qui a intérêt à l’indépendance du Québec. Cela veut dire que c’est à partir des intérêts sociaux, nationaux et démocratiques de la population qu’il sera possible de dépasser la fragmentation politique actuelle. Dans son entrevue à l’Aut’journal, Pierre Curzi donne des pistes qu’il faut suivre pour reconnaître ses intérêts sociaux, nationaux et démocratiques : la mise de l’avant d’une constituante, l’introduction du scrutin proportionnel, la réforme démocratique des institutions... C’est exactement les propositions que met de l’avant Québec solidaire comme démarche vers l’indépendance. Il faut savoir lier les dimensions sociale, démocratique, écologiste, féministe et égalitaire pour définir notre projet d’indépendance. C’est ainsi qu’on pourra mettre derrière nous la camelote que veut nous refiler les divers partis de droite.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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